Vaccins Covid: un arsenal élargi mais des questions en suspens
Espacement des doses, efficacité contre les nouveaux variants, durée de protection: un deuxième vaccin contre le Covid-19 va être disponible en Europe, celui de Moderna, mais la vaccination pose encore plusieurs questions.
Quels vaccins selon les pays?
Le feu vert donné mercredi par l’Agence européenne des médicaments (EMA) au vaccin américain Moderna ouvre la porte à son utilisation dans l’UE dans les prochains jours. Il va devenir le deuxième vaccin à y être administré, après celui de Pfizer/BioNTech (depuis le 27 décembre).
Ces deux vaccins sont déjà injectés aux Etats-Unis depuis mi-décembre. Le Royaume-Uni, lui, avait commencé à vacciner le 8 décembre avec le vaccin Pfizer/BioNTech et est devenu lundi le premier pays au monde à administrer celui d’AstraZeneca/Oxford.
La Russie a démarré sa campagne le 5 décembre avec son vaccin national Spoutnik V. Et la Chine, où la pandémie a éclaté il y a un an, a commencé à vacciner dès l’été dernier. Plusieurs de ses laboratoires produisent un vaccin, les plus avancés étant ceux de Sinopharm et Sinovac.
Plus de 15 millions de personnes dans le monde ont déjà reçu au moins une dose de vaccin, dont 4,8 millions aux Etats-Unis (au 5 janvier) et 4,5 millions en Chine (au 31 décembre, dernier bilan disponible), selon des données compilées par l’AFP.
Israël mène la course: 17% de sa population a déjà reçu une première injection du vaccin Pfizer/BioNTech. Une avance que le pays entend bien garder puisqu’il a autorisé mardi un deuxième vaccin, celui de Moderna.
Outre ces vaccins déjà administrés, basés sur différentes technologies, 58 autres sont testés sur l’homme dans le cadre d’essais cliniques, selon le dernier décompte de l’OMS.
Le développement et la mise sur le marché d’un nouveau vaccin prennent d’habitude dix ans en moyenne, un délai réduit à moins d’un an pour le Covid-19 grâce à l’accélération des procédures de recherche, de production industrielle et d’évaluation, appuyée par des financements colossaux.
Quel est le meilleur?
Les vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna, basés sur la même technologie (l’ARN messager), affichent un très fort taux d’efficacité, de 95% et 94,1% (après administration de deux doses).
Le vaccin d’AstraZeneca/Oxford, lui, est efficace à 70% en moyenne, si on combine les résultats de deux protocoles différents.
Ces données viennent du dernier stade des essais cliniques, la phase 3, qui porte sur des dizaines de milliers de volontaires. Pour ces trois vaccins, elle ont été publiées de façon détaillée par des revues scientifiques et/ou l’agence américaine des médicaments (FDA).
De leur côté, le Spoutnik V de l’institut russe Gamaleïa et le vaccin chinois Sinopharm se prévalent respectivement d’une efficacité de 91,4% et 79%. Mais les données scientifiques détaillées n’ont pas été rendues publiques.
Au-delà de l’efficacité, le vaccin AstraZeneca/Oxford a comme avantage un prix bas (environ 2,50 euros la dose). Ceux de Moderna et de Pfizer/BioNTech ont un handicap logistique, car ils ne peuvent être stockés à long terme qu’à très basse température (-20° Celsius pour le premier, -70°C pour le second).
Quels effets secondaires?
Avec des essais menés sur des dizaines de milliers de volontaires puis la vaccination de millions de personnes dans le monde, les experts estiment que tout problème majeur de sûreté aurait déjà été détecté. Mais des effets secondaires plus rares, à plus long terme ou ne survenant que chez certains profils de patients, ne sont pas à exclure.
Par ailleurs, comme tous les vaccins, ceux contre le Covid peuvent provoquer des effets secondaires légers et attendus.
« Ces vaccins sont assez réactogènes (induisent des réactions, ndlr): leur niveau de sécurité est assez satisfaisant mais par contre, ils font mal au bras, entraînent un sentiment de fatigue », avait expliqué en décembre la spécialiste française Marie-Paule Kieny lors d’une audition parlementaire.
Au lendemain du début de la campagne de vaccination avec le vaccin Pfizer/BioNTech au Royaume-Uni, deux cas d’allergie grave avaient marqué les esprits.
Pour autant, « il est possible de vacciner avec le vaccin Pfizer/BioNTech les patients qui présentent une allergie médicamenteuse ou alimentaire grave », a souligné lundi la Fédération française d’allergologie.
La contre-indication concerne uniquement les patients allergiques à l’un ou l’autre des ingrédients contenus dans ce vaccin, a-t-elle poursuivi, en mentionnant en particulier le polyéthylène glycol (PEG).
Peut-on décaler les doses?
Pour tenter de vacciner plus largement, le Royaume-Uni et le Danemark ont décidé de retarder la deuxième dose de vaccin, en laissant s’écouler respectivement 12 et 6 semaines entre les deux injections. Le but: fournir une première dose à davantage de gens avant de passer à la deuxième, une position sur laquelle pourraient s’aligner d’autres pays.
Or, les vaccins de Pfizer/BioNTech, AstraZeneca/Oxford et Moderna ont été conçus pour que leurs deux doses soient administrées à 3 semaines d’intervalle pour le premier et 4 pour les deux autres.
Etant donné l’urgence d’une vaccination la plus large possible, « une approche pragmatique est nécessaire à court terme », a estimé la Société britannique d’immunologie pour justifier la décision d’espacer les doses.
De son côté, l’OMS a jugé mardi que la deuxième dose pouvait être décalée « dans des circonstances exceptionnelles », en cas d’explosion de l’épidémie ou de problèmes d’approvisionnement. Mais le délai entre les deux ne doit pas excéder six semaines, a-t-elle ajouté.
A l’inverse, certains scientifiques mettent en garde contre un décalage des doses, en faisant valoir que les essais cliniques ont été menés avec des délais bien précis.
« L’efficacité et la sécurité du vaccin n’ont pas été évaluées pour d’autres calendriers de dosage » que les deux injections espacées de 21 jours, a souligné mardi le laboratoire BioNTech.
Quelle efficacité contre les nouveaux variants?
L’émergence au Royaume-Uni et en Afrique du Sud de deux nouveaux variants du coronavirus Sars-CoV-2 inquiète la communauté internationale. Alors qu’ils gagnent du terrain dans plusieurs pays, certains s’interrogent sur la capacité des vaccins à les combattre.
« Il n’y a à ce stade pas assez d’informations disponibles pour estimer (s’ils font peser) un risque sur l’efficacité des vaccins », estime le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
« En l’état actuel de nos connaissances, les experts pensent que les vaccins actuels seront efficaces contre ces souches », a déclaré Henry Walke, des Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), la semaine dernière.
Toutefois, le variant sud-africain semble poser davantage de questions que le britannique.
Une mutation spécifique présente chez ce variant-là, et pas chez l’autre, pourrait théoriquement « l’aider à contourner la protection immunitaire conférée par une infection antérieure ou par la vaccination », a expliqué lundi le Pr François Balloux, de l’University College de Londres, cité par l’organisme britannique Science Media Centre.
Pour autant, rien n’indique à ce stade que cette mutation suffise à rendre le variant sud-africain résistant aux vaccins actuels, a-t-il tempéré.
Plusieurs laboratoires ont assuré qu’ils étaient capables de fournir rapidement de nouvelles versions du vaccin si besoin était.
Quelles autres questions en suspens?
La plus importante est celle de l’efficacité à long terme, puisque pour l’instant elle a été calculée une à deux semaines seulement après la dernière injection.
Autre question cruciale: on ignore si l’action de ces vaccins est identique chez les populations les plus à risque, à commencer par les personnes âgées, plus susceptibles de développer une forme grave.
Reste aussi à savoir si ces vaccins font barrage à la transmission du virus, en plus de réduire la sévérité de la maladie chez ceux qui les ont reçus.
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