Mélanie Geelkens
Une sacrée paire de pilules: « Soixante ans. T’as vieilli, mamy. Et pas très bien, désolée de le faire remarquer. » (chronique)
Débuts difficiles, libération des femmes, insatisfaction de ses utilisatrices, effets secondaires: retour sur l’histoire de la pilule contraceptive qui souffle ses 60 bougies.
C’est un peu comme souhaiter bon anniversaire à une vieille tante que personne n’apprécie plus trop. Un peu arriérée, la mémé. Et puis un peu irritante, à rabâcher ses « quand j’étais jeune… » Et c’est vrai qu’elle était belle, alors. Qu’elle était moderne, audacieuse et même subversive. Alors, par respect, tout le monde finit quand même par se forcer. Donc, voilà : bon anniversaire, la pilule.
Soixante ans. T’as vieilli, mamy. Et pas très bien, désolée de le faire remarquer. T’es pas encore retraitée, mais t’es déjà sur une voie de garage. T’as eu une belle carrière quand même, hein, félicitations. Des débuts pas faciles, c’est vrai. Quand t’as déboulé pour la première fois, aux Etats-Unis en 1960, personne ne voulait de toi. Fallait les entendre, les gens, les prudes, te traiter de dévergondée, de petite allumeuse, d’incitatrice à la débauche.
Une sacrée paire de pilules: « Soixante ans. T’as vieilli, mamy. Et pas très bien, désolée de le faire remarquer. » (chronique)
Mais tu t’es accrochée, faut dire que tes patrons sentaient que t’avais du potentiel. Puis elle était noble, ta mission : libérer les femmes ! Toi, toute petite, t’as réussi à changer le monde et les mentalités. Elles doivent toutes te remercier, celles qui ont pu faire des études, travailler, en choisissant elles-mêmes quand enfanter. Ou pas. Puis toutes celles qui, au pieu, ont pu insoucieusement s’éclater. Et tous ceux…
Respect, t’es devenue un symbole. C’est pour ça qu’ils s’échauffent à la moindre critique, certains médecins, certaines combattantes de l’époque. « Bande de néoféministes ingrates ! , qu’ils gueulent. Des avortements à la pelle, des bébés non désirés, c’est ça que vous voulez ? » Semblant ignorer que plus de la moitié des IVG sont actuellement pratiquées alors qu’un moyen de contraception avait été utilisé, et majoritairement… toi, la pilule.
T’es pas parfaite. L’affirmer n’est en rien te renier. Tes utilisatrices se montrent de moins en moins satisfaites (1), certaines ont fini par vous haïr, toi et tes hormones. Il faut les lire, sur les forums, les réseaux sociaux, ces centaines de témoignages de femmes se sentant revivre après t’avoir congédiée. Parce qu’elles ne tirent plus la tronche sans raison, parce qu’elles n’ont plus continuellement mal quelque part, parce que leurs cheveux repoussent… Et puis parce qu’elles recommencent à batifoler sous les draps et à aimer ça.
Faut être un peu naïf, au fond, pour croire qu’ingérer des hormones pendant des années ne finit pas par dérégler quelques trucs. D’ailleurs, t’as essayé de séduire les hommes, aussi, coquine. Mais ils t’ont toujours remballée, à cause des effets secondaires que tu leur aurais fait subir. Les mêmes que chez les femmes… Mais elles peuvent souffrir, elles. Et en silence, de préférence. Y a encore des médecins qui les prennent pour des tarées, quand elles affirment que leur libido a disparu et réclament un contraceptif mieux adapté.
Tu conviens à certaines, vieille pilule, rassure-toi. Le problème, c’est que t’es parfois prescrite comme une inoffensive dragée, sans mise en garde d’éventuels dangers. Même aux gamines, qui n’ont jamais encore exploré leur sexualité et ne pourront donc pas sentir que quelque chose commence à clocher.
On parlait de toi et de ça, récemment, avec une médecin qui avait répliqué : « Si on commence à décrire les effets secondaires aux gens, certain qu’ils reviennent le mois d’après en disant qu’ils sont atteints. » Cette généraliste – une jeune, pas la trentaine – ignorait par ailleurs totalement à quoi ressemblait un clitoris. Tant d’années d’études et zéro connaissance d’un organe du corps humain, certes féminin. Alors enseigner les effets secondaires d’un des médicaments les plus prescrits sur Terre, c’est sans doute beaucoup demander.
(1) Entre 2010 et 2017, selon la grande enquête contraception de Solidaris, la satisfaction à l’égard de la pilule a baissé de 6 %.
0460 20 39 29
Ce numéro « anti-relou » vient d’être réactivé. Lancée en 2017 par l’application NextRide, cette ligne antiharcèlement n’avait été opérationnelle qu’un an, faute de financement ou de repreneur public. Ses initiateurs retentent le coup, après avoir amélioré le fonctionnement. Le principe reste identique : un numéro à dégainer face aux (trop) insistants quémandeurs de coordonnées. S’ils envoient un sms, ils recevront ce genre de message en retour : « Si vous lisez ceci, c’est que vous avez mis quelqu’un mal à l’aise. Si une personne vous dit « non », inutile d’insister. Apprenez à respecter les autres et leurs décisions. Merci. » Amen.
L’allié
« La diversité, la parité sont les moteurs de mon groupe. Il n’y a pas de hasard, on avance tous ensemble. » Dans une publication Instagram, likée plus de 25.000 fois, l’animateur télé Arthur expliquait, début août, que sa réussite professionnelle est due au travail et à la chance, mais surtout à la capacité de s’entourer. De femmes, en l’occurrence : une présidente du groupe, deux directrices générales, une directrice des programmes, deux bras droits féminins… « Je ne les ai pas engagées parce qu’elles étaient femmes mais parce qu’elles avaient du talent et étaient les meilleures. » Amen (bis).
C’est pas gagné
Haneen Hossam et Mawada al-Adham, deux Egyptiennes de 20 et 22 ans, viennent chacune d’être condamnées à deux ans de prison et 16.000 euros d’amende. Elles ont interjeté appel. Leur « crime » ? L’atteinte aux valeurs familiales. Parce qu’elles ont posté des vidéos de danse sur le réseau social TikTok…
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