S’entraîner pour un marathon? Mots d’ordre: maîtrise et ténacité
Courir le marathon est le rêve ultime de très nombreux coureurs, mais c’est une aventure où l’improvisation n’a (ou ne devrait avoir) aucune place. Nous avons demandé à un coach de nous résumer les grandes lignes de cette patiente mise en condition.
On trouve sur internet et dans les revues spécialisées des dizaines de programmes d’entraînement différents pour le marathon, mais comment faire un choix judicieux dans une telle profusion? Chaque année, Tomas Valcke prépare des dizaines de sportifs amateurs au marathon. Il a comparé tous les schémas qu’il a trouvés, pour finalement arriver à la conclusion… que l’important n’est pas le schéma, mais le coureur. Car c’est le schéma qui doit s’adapter au coureur et non l’inverse. Nous lui avons demandé de nous donner quelques détails sur la manière dont il conçoit cette préparation.
Tout d’abord le délai. Certains schémas proposent de préparer un marathon en quelques semaines, voire un an. Or, bien souvent, il vaut mieux miser sur un programme de plusieurs années. D’autant plus que notre coach veut voir ses coureurs arriver au départ en bonne santé, de préférence après une préparation sans blessures et avec la conviction sereine de pouvoir avaler sans difficulté les 42 kilomètres mythiques.
Seuils aérobie et anaérobie
Un marathon est avant tout une question d’endurance. Pour développer cette endurance, des efforts mesurés ne suffisent pas: il faut des efforts plus intenses, au moins jusqu’au passage d’une respiration calme à une respiration plus rapide et plus profonde, c’est-à-dire aux environs du seuil aérobie. A ce niveau, on fournit un effort un rien plus intense, tout en étant capable de conserver le rythme très longtemps. Si on intensifie encore l’effort, on dépasse ce seuil et on n’est plus capable de parler tout en courant, car on a besoin de tout son souffle pour tenir le coup. C’est là que souvent le bât blesse : ceux qui s’entraînent intuitivement dépassent presque systématiquement ce seuil d’endurance.
Quant au seuil anaérobie, il se situe chez la plupart des coureurs entre 80 et 90% de leur fréquence cardiaque maximale (*). Pour Tomas Valcke, il s’agit là de la limite à ne dépasser qu’exceptionnellement, sous peine de consommer trop de glucides, et d’entraîner une acidification rapide des muscles, ce qui est contreproductif au niveau de l’endurance. Plus de la moitié des schémas d’entraînement qu’il a élaborés se déroulent encore plus calmement : autour du seuil aérobie, et donc bien en-deçà de l’allure du marathon.
Schéma individualisé
Au fur et à mesure que votre condition s’améliore, votre seuil anaérobie recule. Autrement dit, vous arrivez à courir plus loin et plus rapidement sans produire d’acide lactique et sans vous fatiguer. L’entraînement a boosté votre métabolisme. Vous vous sentez de ce fait plus fort, ce qui vous donne envie de parcourir des kilomètres en plus. Ou de vous joindre à des coureurs plus puissants.
Comment progresser encore sans soumettre votre corps à trop lourde épreuve? C’est là que la qualité du schéma d’entraînement fait la différence. Un programme concocté sur mesure et basé sur toute une série de données personnelles garantit de respecter au mieux votre progression individuelle. « Celui qui sélectionne lui-même un programme dans l’offre énorme qui s’ouvre à lui, court le risque de choisir un schéma qui ne lui est pas adapté », affirme Tomas Valcke.
Beaucoup de préparations « toutes faites » au marathon couvrent de 12 à 16 semaines. La plupart des amateurs les appliquent comme bon leur semble, selon leur envie et le temps disponible… au détriment de toute progression logique. Pourtant, un bon programme individuel ne s’improvise pas à la petite semaine. Chaque entraînement doit tenir compte du précédent, du suivant et du repos indispensable entre les deux. L’amateur persévérant trouve parfois par lui-même son schéma d’entraînement personnel idéal… mais souvent après beaucoup de grincements de dents. Il faut aussi savoir gérer les imprévus: comment adapter le programme si vous tombez malade une semaine, par exemple? La mission n’est pas facile pour un athlète professionnel ; elle l’est encore moins pour l’amateur. Noter dans un carnet de bord des données telles que fréquence cardiaque, kilomètres, temps, sensations durant l’entraînement et commentaires, et en faire rapport régulièrement à son coach, est une bonne base sur laquelle celui-ci pourra ensuite adapter le schéma.
Le danger des « on-dit »
L’entraînement est un domaine complexe dont il est difficile de cerner toutes les finesses quand on n’est pas professionnel. D’autant plus que chaque laboratoire, chaque livre, chaque entraîneur se réfère à des limites différentes et utilise diverses dénominations de zones d’entraînement. Le profane risque de se perdre dans les courses intensives et extensives de l’un, les entraînements à intervalle intensifs d’un autre. C’est d’autant plus dommageable que les seuils des zones d’entraînement gagnent à être les plus précis possibles.
Les rumeurs qui circulent parmi les athlètes ne simplifient rien. Ils ont souvent entendu dire que… mais ne se souviennent plus des détails! Ou bien ils discutent des détails en perdant de vue l’essentiel de l’affaire. Par exemple, l’idée fixe de certains coureurs selon laquelle il faut régulièrement pratiquer des petites courses d’entraînement de 30 kilomètres pendant les six mois qui précèdent le marathon. En réalité, ce n’est pas exact et qui plus est, cela augmente le risque de blessures. Vouloir suivre l’exemple de marathoniens célèbres n’est assurément pas une bonne idée. Surtout quand on n’a pas hérité de leur constitution souvent exceptionnellement robuste. Tout le monde n’est pas Stefaan Engels!
Le corps tout entier
Certains coureurs ne s’entraînent que dans le bois, ou sur un tapis de course. Mais les marathons se courent sur route. Le corps doit donc apprendre à digérer des kilomètres d’asphalte. Et les trous qui en font partie! Beaucoup de programmes de préparation au marathon prévoient aussi trop peu de kilomètres en une semaine. Or, l’organisme doit être suffisamment solide pour pouvoir affronter facilement 42 kilomètres.
Autre chose encore: courir est un sport monotone, trop répétitif pour développer harmonieusement la musculature. Raison pour laquelle on conseille régulièrement de pratiquer une autre activité physique, surtout durant l’entre-saison. Par exemple, des exercices de renforcement musculaire peuvent s’avérer très utiles, car certains coureurs ont des muscles parfois moins puissants que des personnes sédentaires! Ils peuvent certes les utiliser efficacement et longtemps, mais la monotonie les rend vulnérables dès qu’ils effectuent un mouvement inhabituel. Quant à la crainte de certains d’obtenir de moins bons chronos en raison de muscles trop développés, et donc de poids supplémentaire, elle est totalement infondée.
Dernière recommandation: les deux derniers mois avant le marathon, il faut savoir tempérer son enthousiasme. Aller courir six fois par semaine en plus d’une vie professionnelle et familiale souvent bien remplie peut rendre inutilement éprouvante la préparation de l’événement.
(*) Les seuils aérobie et anaérobie différent parfois considérablement d’un individu à l’autre. Le mieux est de les déterminer lors d’un test à l’effort. Vous pouvez vous adresser à des médecins sportifs ou dans des centres spécialisés.
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