Perturbateurs endocriniens, des substances nocives présentes partout
Les perturbateurs endocriniens (PE), que la Commission européenne est appelée à mieux encadrer, ont suivi l’essor de l’industrie chimique. Présentes dans de nombreux produits de la vie quotidienne, ces substances, qui perturbent le fonctionnement hormonal, conduisent à des pathologies et anomalies chez l’homme et l’animal.
Des substances qui miment les hormones
Le terme est apparu en 1992 avec l’étude d’une épidémiologiste américaine, la pionnière Theo Colborn, sur l’effet des produits chimiques sur les hormones.
Selon l’OMS, le PE est une substance (ou un mélange) qui modifie les fonctions du système hormonal et qui a en conséquence des effets nocifs sur la santé ou la reproduction des populations, y compris à de très faibles niveaux d’exposition.
Cette définition de 2002 fait toujours consensus chez les scientifiques.
Les chercheurs retiennent la classification en trois catégories, comme pour les substances cancérogènes: PE certains, suspectés et substances actives pouvant modifier le système hormonal mais sans certitude de nocivité sur la santé.
« Tous les êtres vivants, des bactéries jusqu’à l’homme, émettent des hormones, destinées à gouverner les organes. Un PE est une substance qui mime l’hormone et vient tromper » l’organisme, résume le biologiste Gilles Boeuf. Et « ce qui est unique est qu’elles agissent à très très faible dose« .
Des cosmétiques aux pesticides
Les perturbateurs endocriniens (PE) peuvent se retrouver dans les jouets, les peintures, les cosmétiques ou encore les contenants alimentaires (canettes, boîtes de conserve…).
On les retrouve aussi dans les pesticides. Le glyphosate, premier herbicide utilisé dans le monde, est ainsi soupçonné d’en faire partie.
L’un des plus connus, le Bisphénol A, a été banni des biberons en 2011 au sein de l’Union européenne. Seule la France est allée plus loin en l’interdisant également des autres contenants alimentaires depuis 2015.
Mais les scientifiques pointent du doigt les substituts du Bisphénol A (le S ou F), qui seraient eux aussi des PE, selon les premières études publiées sur le sujet.
Infertilité, malformations…
De nombreuses études ont démontré depuis longtemps que les PE diminuaient la fertilité humaine.
Scientifiques et médecins s’alarment en particulier de leur nocivité au stade embryonnaire. Les chercheurs ont ainsi repéré le lien entre ces substances et l’augmentation des cas d’hypospadias, une anomalie congénitale de la verge avec l’orifice de l’urètre anormalement positionné. Chez les filles, ils sont incriminés dans la recrudescence des cas de puberté précoce.
Depuis quelques années, les PE sont aussi soupçonnés d’avoir des effets nocifs sur le système immunitaire et la fonction respiratoire chez l’enfant, mais également de favoriser le diabète et par conséquent, l’obésité.
Dans l’UE, les coûts résultant des effets sur la santé de l’exposition aux PE sont estimés entre 100 et 200 milliards d’euros par an, selon une étude de 2015.
Des questions en suspens
Les PE ne sont pas tous connus, ce qui implique de mettre au point de nouveaux tests, par exemple pour mieux suivre les substances agissant sur la fonction thyroïdienne.
Quel est l’impact exact de ces substances chimiques selon les doses? Quel est le risque potentiel lorsque ces substances sont mélangées entre elles?
Autant de questions pour les chercheurs qui suspectent notamment des ‘effets cocktails’ où les mélanges seraient beaucoup plus nocifs que les substances prises séparément.
Les écosystèmes aussi
« Le problème dans la nature est que ces PE sont libérés partout, à des quantités incroyables« , pointe Gilles Boeuf. « Dans cette espèce de capharnaüm, les récepteurs des organismes vivants ne savent plus à quel saint se vouer!«
Stress, croissance, reproduction… les impacts sont multiples.
Il y a 20 ans déjà, des Danois avaient montré que des substances agricoles parvenaient à modifier le sexe des poissons: les mâles devenaient femelles.
« Les PE sont souvent des produits mimant les hormones femelles, et on a vu des cas fantastiques, y compris dans la Seine ou la Loire« , poursuit le spécialiste, qui multiplie les exemples de ce « fatras moléculaire« , sur les hippocampes, les oursins…
« A chaque mise sur le marché d’une nouvelle molécule il faut regarder les effets potentiels, développer une vraie culture de l’impact sur le vivant« , pointe-t-il, rappelant que « chaque fois qu’un produit affecte la faune et la flore, il affecte aussi l’être humain« .
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