Perte de concentration, stress, épuisement: l’impact de l’hyper-connectivité sur notre cerveau

Grâce à nos smartphones, ordinateurs et autres tablettes nous sommes constamment reliés au monde. Mais ce déluge d’informations menace aussi notre bien être.

Notre quotidien hyper-connecté nous expose à de l’information en continu via les mails, les SMS, les fils d’actualité et autres réseaux sociaux. L’Homme moderne vit connecté et noyé dans l’information, et ce aussi bien au travail que dans sa vie privée. Cette hyper-connectivité permet de rester en contact, se tenir informé et partager de l’information, mais cela sollicite sans cesse notre attention.

Le documentaire « Hyperconnectés : le cerveau en surcharge » a été diffusé sur Arte. Il parle des risques de l’hyper-connectivité, interroge sur les dangers de cette surcharge pour notre cerveau et dresse un état des lieux inquiétant de l’évolution de nos capacités d’attention : perte de concentration, stress, épuisement mental, dépression…

Si les objets connectés peuvent augmenter la productivité au travail, des études montrent aussi que le trop-plein numérique qui envahit nos existences tend à diminuer les capacités cognitives.

Cindy Felio, chercheuse à l’université de Bordeaux-Montaigne, a réalisé une étude sur « l’effet des techniques d’information et de communication sur les cadres. » Elle observe que pour ces employés le travail rime bien souvent avec stress et temps perdu. La pression est accrue et constante, ce qui amène un risque élevé de « burn-out ». Un sentiment de « déqualification du travail » peut également apparaître. Les cadres subissent également un envahissement des communications numériques : en moyenne un cadre est interrompu toutes les 6 minutes dans son travail, il passe 30% de sa journée à gérer ses mails et un cadre sur deux ne se déconnecte jamais. Elle observe que même si les cadres sont particulièrement affectés par cette surconnexion, toutes les catégories de métier sont touchées. Ce qui amène une diminution du temps moyen de concentration.

Gloria Mark est une chercheuse américaine qui étudie depuis longtemps les interactions entre les hommes et les machines. Elle a observé que l’attention humaine est affectée par ces techniques et que cela amène à deux tendances. Tout d’abord, une diminution de la durée moyenne de concentration ininterrompue sur une tâche : on passe de 3 minutes en 2004 contre 1 min 15 en 2012. Cela chute même à 45 secondes chez les personnes nées dans les années 1980 et 1990, appelées « digital natives ».

D’autre part, le lien entre l’augmentation des emails et la baisse de productivité et ce quel que soit le poste : manager, agent, chercheur, ingénieur… tout le monde est concerné.

Face à l’augmentation constante du volume et de la vitesse de l’information, nous sommes en situation de « surcharge cognitive ». C’est ce que nous explique Stéphane Buffat, médecin militaire spécialiste des pilotes de l’air :

« La multiplication des écrans et des sollicitations a alourdi la « charge mentale » qui pèse sur nous ». Cette « charge mentale » représente l’ensemble des opérations mentales qu’effectue un travailleur. Cela comprend les efforts de concentration, d’adaptation, d’attention mais aussi les pressions psychologiques par rapport à la rapidité, la qualité ou encore les relations avec la hiérarchie.

Les emails, appels, SMS et notifications amènent une explosion de notre charge mentale, ce qui amène une diminution de notre concentration.

Les chercheurs ont également démontré que lorsqu’on fait plusieurs choses à la fois, on obtient de plus mauvais résultats dans les deux activités. Par exemple écrire et répondre au téléphone, suivre une réunion et écrire des SMS… Et c’est d’autant plus vrai lorsque les activités sont proches l’une de l’autre et qu’elles sollicitent le même réseau neuronal. Aurélie Bidet-Caulet, chercheuse en neurosciences, explique ce phénomène : « le réseau va alors saturer et l’une des activités va forcément en pâtir. Par exemple, lorsque vous répondez au téléphone et que vous écrivez. C’est une tâche difficile car c’est le même réseau qui est utilisé, celui du langage. »

Cette sollicitation permanente pourrait aussi, à terme, endommager la mémoire. C’est ce qu’explique Francis Eustache, chercheur en neuropsychologie : « le réseau par défaut s’active quand le cerveau est au repos. Attention c’est un état différent que lorsque l’on est endormi ou somnolent. C’est une forme d’attention diffuse : s’il y a danger on réagira tout de suite. »

Ce réseau par défaut joue un rôle fondamental dans la construction et la consolidation de la mémoire : « le travail de synthèse de la mémoire, c’est aussi savoir se ménager des moments à soi qui permettent à notre cerveau de synthétiser, de réfléchir, de ne pas être simplement à la merci des stimulations externes. »

On ne peut pas parler d’addiction car il n’y a pas de dommages physiques ou psychologiques graves. L’effet des techniques sur nos cerveaux et nos capacités d’attention, de stress, de présence au monde et de fatigue est cependant bien réel. Mais même si les neurosciences permettent de les mettre en lumière, ce n’est pas d’elles que viendront les solutions. Cindy Felio ouvre à la réflexion : « Est-ce une problématique sociale ? Familiale ? Quoi qu’il en soit, il faut ouvrir un espace de discussions sur ces sujets-là. »

Ce documentaire est à revoir sur Arte: http://www.arte.tv/guide/fr/061653-000-A/hyperconnectes-le-cerveau-en-surcharge?autoplay=1

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