Le Dr Patrick Guérisse, médecin retraité et ancien chef de service des Urgences du CHU Brugmann, partage ses connaissances sur l’utilisation des masques, afin d’en faire le meilleur usage en cette période de pandémie de coronavirus.
Quand je cherche les images que j’ai du masque dans ma mémoire, je vois une foule d’Asiatiques en rue portant le masque. Et d’autre part une vue du haut d’un bloc opératoire avec une personne presque nue allongée et autour d’elles des chirurgiens et des infirmières en blouse et en cagoule : on devine bien qui est le plus fragile, le malade allongé. Et qui porte un masque ? Les soignants.
En Asie, c’est pour se protéger de la pollution que le masque est devenu une habitude. Au quartier opératoire, ce sont les soignants, pourtant réputés bien portants, qui portent un masque pour éviter de contaminer, par d’éventuels microbes, le malade réputé fragile.
Le masque a donc pour première utilité de s’opposer à la dissémination du virus dans l’air expiré, notamment lors de la toux. La personne infectée multiplie le virus et le dissémine essentiellement par voie aérienne. Jusqu’à une distance d’environ un mètre, davantage lors de la toux, le virus se dépose alors sur les objets environnants : le mobilier et les vêtements qui vont rester des sources de contamination pendant peut-être une dizaine d’heures.
Il y a donc deux voies de contamination : respirer l’air expiré par une personne infectée (d’où la notion de distance de sécurité) et le contact avec des surfaces contaminées par nos mains que nous portons au visage, dont on doit se protéger par un lavage fréquent des mains.
On comprend dès lors que le premier qui doit porter un masque est la personne infectée, parce que c’est elle qui est la source et qu’il faut l’empêcher de disséminer le virus.
On comprend aussi que le risque de nous infecter par le contact avec des objets contaminés est extraordinairement banal et démesuré parce que nous ignorons tout des objets que nous touchons et que le virus peut s’y trouver et survivre jusqu’à une dizaine d’heures.
Dès lors, le port d’un masque nous protège d’une aspiration aérienne directe au contact d’une personne infectée, ce qui est une circonstance en réalité plutôt rare et contre laquelle nous pouvons nous prémunir fortement en respectant une distance de sécurité.
Toutes les personnes susceptibles d’avoir contracté le coronavirus devraient porter un masque.
Alors qui peut, doit porter un masque ?
D’abord absolument toutes les personnes susceptibles d’avoir contracté la maladie, d’être infectées et donc infectantes.
À commencer évidemment par celles qui ont été testées positives pour le virus. Pour le moment, il s’agit en Belgique d’environ 10.000 personnes, dont on sait qu’il ne s’agissait jusqu’ici que des personnes avec des symptômes très suggestifs d’une atteinte par le coronavirus.
On estime qu’un malade est infecté et contaminant pendant 15 jours-3 semaines. C’est donc pendant cette période qu’il doit porter un masque, et aussi observer toutes les autres attitudes de prudence comme de toucher des objets dans des lieux publics, au mieux de rester chez lui, et c’est là une première raison du confinement.
On sait que sur 10 personnes atteintes par le virus, il n’y en aurait qu’une qui développe la maladie. Cela veut dire qu’il y a très probablement chez nous à ce jour 100.000 personnes infectées qui l’ignorent, mais dont une partie a présenté quelques symptômes bénins pendant un ou 2 jours : poussée de fièvre, toux sèche, perte du goût et de l’odorat (signe reconnu très typique), courbatures …
À ceux-là, et à tous ceux qui manifesteraient ces petits symptômes suggestifs, j’imposerais aussi le port du masque et le confinement, parce qu’ils sont très probablement infectés non symptomatiques, mais dangereux pour les autres.
J’y ajoute aussitôt le personnel soignant, parce que ce sont les personnes qui par définition ont le plus de risque d’être au contact de personnes infectées et donc de devenir infecté sans le savoir. Il est primordial de commencer par protéger la population contre les contaminateurs.
Comme le nombre de masques est limité, il faut ensuite choisir de protéger ceux qui sont le plus à risque d’être infecté par voie aérienne. Et là, le principe doit être de le conseiller à toutes les personnes qui ont une haute fréquence de contact avec des inconnus non masqués, comme en premier lieu les caissières des magasins d’alimentation, les pharmacien(ne)s, les conducteurs ou accompagnateurs de transports en commun…
On peut évidemment étendre encore à d’autres groupes selon la disponibilité des masques, mais il faut absolument garder à l’esprit que c’est le contaminateur (certain ou potentiel) qui doit être masqué et vivre caché, que la contamination la plus habituelle se fait par le contact d’objets contaminés et que le lavage des mains est aussi important que la désinfection hydro-alcoolique des objets à contact fréquent dans les lieux publics (poignées de porte…).
Dr Patrick Guérisse – Interniste -Urgentiste
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