Notre grande enquête dans les hôpitaux: ras-le-bol de l’éparpillement des compétences
La refédéralisation des soins de santé n’est pas au programme du nouveau gouvernement, même si les directeurs d’hôpitaux la souhaitent ardemment
Les directions générales et médicales de 62 hôpitaux du pays ont été sondées pour Le Vif/L’Express. Dans notre sondage, 86 % des directeurs généraux et directeurs médicaux des hôpitaux belges souhaitent que les soins de santé soient refédéralisés, contre 14 % qui plaident pour une régionalisation accrue (voir infographie). La quasi-totalité de notre échantillon rejette les « neuf ministres de la Santé » (98 %) devenus un épouvantail à faire peur aux petits enfants, alors que certains d’entre eux n’ont que des compétences riquiqui. La majorité des directeurs sondés (73 %) optent pour un seul ministre de la Santé ; 12 % se satisferaient de trois. Le constat est là : les directeurs d’hôpitaux rejettent avec force l’organisation actuelle des soins de santé et se prononcent majoritairement pour une refédéralisation (86 %), davantage encore les francophones (91 %) que les néerlandophones (81 %).
Le politologue Jérémy Dodeigne (UNamur), coauteur avec Dave Sinardet (VUB) et Min Reuchamps d’une étude sur les « Identités, préférences et attitudes des parlementaires envers le fédéralisme belge après la sixième réforme de l’Etat » (Crisp, 2016), n’est pas autrement surpris par le retour d’expérience des professionnels de la santé. Un doute traversait déjà certains élus de la Nation, avant même que la sixième réforme de l’Etat ne sorte ses effets : régionalisation des soins aux aînés, des infrastructures hospitalières, des personnes handicapées, de la santé mentale, de la prévention, des soins de première ligne, etc. « Entre 2010 et 2014, les positions des parlementaires se sont clarifiées sur la question des soins de santé, avec une préférence pour une refédéralisation, exception faite de la N-VA et du Vlaams Belang, qui campent sur une position nationaliste, analyse le politologue namurois. Même les parlementaires CD&V qui, en 2010, n’accordaient strictement aucune compétence à l’autorité fédérale sont revenus timidement sur cette position en 2014, pour 18,4 % d’entre eux. » La troisième salve de cette enquête récurrente auprès des parlementaires vient de démarrer. Ses résultats sont attendus avec impatience.
Un monde politique divisé
Le balancier a-t-il une chance de repartir en arrière? Pas sûr. Du côté flamand, seuls l’Open VLD, le SP.A et Groen ont marqué leur intérêt, de même que le MR de Georges-Louis Bouchez au sud du pays. Mais cela ne fait pas encore une majorité. La refédéralisation des soins de santé est qualifiée de « leurre » par l’influent directeur du CHU de Liège, Julien Compère (PS), nonobstant quelques corrections du système. L’accord Vivaldi évite soigneusement le mot « refédéralisation » – le CD&V y a veillé -, mais il prévoit que « le gouvernement lancera un large débat démocratique sur ce sujet, impliquant notamment les citoyens, la société civile et les milieux académiques, ainsi qu’un dialogue entre les représentants politiques. L’objectif est une nouvelle structure de l’Etat à partir de 2024 avec une répartition plus homogène et plus efficace des compétences dans le respect des principes de subsidiarité et de solidarité interpersonnelle. »
Encore faut-il que l’anamnèse des dysfonctionnements soit correctement faite. « Est-on bien sûr que c’est le fédéralisme qui nous a mis dans les difficultés ?, s’interroge Jérémy Dodeigne. Ne sont-elles pas dues à l’inexpérience de compétences nouvellement acquises ou à un mauvais découpage de celles-ci ? A contrario, la saga des numéro Inami ne démontre-t-elle pas que cette question aurait été mieux traitée au niveau communautaire, de façon à répondre à des besoin spécifiques ? En d’autres termes, il faut éviter de faire de la refédéralisation un totem et profiter de ce moment pour renforcer l’efficacité du système en même temps que la démocratie participative. » Il reste trois ans.
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