"On utilise des moyens naturels pour préserver et pour rééquilibrer la santé. Cela permet d'agir préventivement" confie la naturopathe Caroline Jacques de Dixmude © iStock

Naturopathie, une médecine traditionnelle en mal de reconnaissance

La naturopathie est une médecine traditionnelle européenne qui n’est pas reconnue en Belgique. La ministre de la Santé Maggie De Block s’y oppose fermement. Pourtant, l’Organisation mondiale de la Santé l’a reconnue depuis 1978. Quels sont les problèmes liés à cette non-reconnaissance? Nous avons interogé deux acteurs du secteur de la naturopathie.

Sans reconnaissance officielle, la naturopathie est ouverte à toutes les dérives. Aujourd’hui, n’importe qui peut se prétendre naturopathe et prodiguer des conseils sans une base de formation. Il y a donc un danger potentiel pour le public. Mais c’est aussi toute la profession qui en pâtit car la mauvaise réputation de ces faux-naturopathes entraine les professionnels dans leur sillage.

Pour Fatiha Aït-Saïd Lavand’homme, présidente de l’Union des Naturopathes de Belgique (UNB), l’absence de réglementation de la naturopathie est également un frein à l’accès à l’éducation à la santé pour tous, qui est un droit fondamental.

Pour l’instant, n’étant pas reconnus, les naturopathes sont taxés à 21% alors que les autres professionnels de soins de santé réglementés sont exemptés de taxe. La concurrence déloyale se fait alors ressentir, un naturopathe avec une autre qualification médicale fera passer ses prestations exonérées de taxe.

Fatiha Aït-Saïd Lavand’homme ajoute : « La seule médecine traditionnelle réglementée en Belgique est l’homéopathie. Et encore, uniquement si elle est pratiquée par des professionnels de santé réglementés, ce qui n’était pas l’esprit de la loi Colla qui visait justement à reconnaitre aussi les praticiens non conventionnels. La reconnaissance des trois autres médecines traditionnelles que sont l’ostéopathie, la chiropraxie et l’acupuncture n’est toujours pas finalisée.

En quoi consiste la naturopathie?

Pour répondre à cette question, un tour sur le site de l’UNB, nous donne la réponse suivante :  » En général, la naturopathie met l’accent sur la prévention, le traitement et la promotion de la santé optimale grâce à l’utilisation de méthodes thérapeutiques et les modalités qui favorisent le processus d’auto-guérison… La naturopathie, par conséquent, peut être décrite comme la pratique générale des thérapies de santé naturelles. » Elle s’adresse à tous, du bébé à l’adulte, et est basée sur l’art de rester en bonne santé par des moyens naturels. Cette médecine va également permettre de détecter certaines prédispositions à certains troubles et y remédier.

Mais concrètement, ça sert à quoi?

Elle vise tout un chacun à prendre conscience de sa santé. C’est une prévention active, avant de tomber malade. De ce fait, le naturopathe réalisera un bilan global de l’état de la personne, ses habitudes alimentaires, son sommeil, son état de fatigue, son contrôle du stress, son surpoids éventuel… Bref : un check-up complet. C’est au travers de questions relatives à l’ensemble du mode de vie que le spécialiste posera un bilan de vitalité. A partir de là, il pourra mettre en place une cure pour développer l’auto-guérison du patient.

« C’est une médecine complémentaire traditionnelle qui se compare à la médecine traditionnelle chinoise ou à l’ayurvéda en Inde. On utilise des moyens naturels pour préserver et pour rééquilibrer la santé. Cela permet d’agir préventivement », nous confie Caroline Jacques de Dixmude, naturopathe.

Les trois axes élémentaires de la discipline se jouent sur l’alimentation, la gestion du stress et l’activité physique.

Comment se déroule un rendez-vous chez le naturopathe?

Voilà comment se déroule une consultation chez la naturopathe Caroline Jacques de Dixmude : « La première consultation est assez longue: entre 1h30 et 2h. On commence par faire un bilan naturopathique qui se base sur trois principes. Tout d’abord, l’anamnèse qui consiste en une longue discussion sur les habitudes de la personne, les raisons de la consultation, la digestion, le sommeil, l’alimentation… Ensuite, il y a un bilan morpho- psychologique pendant lequel on étudie la physiologie et la psychologie de la personne. Et enfin, l’iridologie, qui permet notamment de relever certaines prédispositions à travers la couleur de l’iris.

Avec tous ces éléments, on a une vision précise, individualisée de la personne et on peut alors mettre en place une cure. On explique pourquoi on a mis en place cette cure-là et comment fonctionne chaque élément de celle-ci.

Selon la nature du problème, on refixe un suivi à environ 6 semaines pour que la cure ait le temps de faire effet. »

Fatiha Aït-Saïd Lavand’homme confirme toutes ces étapes : « La psychomorphologie ou étude des formes du corps est une méthode de bilan traditionnel qui était déjà utilisée du temps d’Hippocrate. Elle a juste évolué 2500 ans plus tard pour aboutir à la pratique actuelle du bilan naturopathique, qui en est un dérivé. Toutes ces étapes ne sont pas anodines, elles vont permettre de mieux connaître le patient, son fonctionnement physiologique et psychologique afin de et lui proposer un programme d’hygiène de vie adapté. »

Différence avec la médecine conventionnelle

« La médecine conventionnelle va segmenter chaque partie du corps. Un gastro-entérologue pour l’estomac, un cardiologue pour le coeur ou encore un dermatologue pour la peau. C’est très compartimenté. Les naturopathes analysent le corps dans son ensemble: tout ce qui concerne les organes sur le plan physique mais aussi sur les autres plans de l’être », constate Caroline Jacques de Dixmude.

Le naturopathe n’a pas la compétence de poser un diagnostic comme les médecins généralistes, il procède juste à un bilan de vitalité et de terrain.

Quel est le profil des patients?

Il y a deux grands profils, selon Caroline Jacques de Dixmude. Il y a ceux qui n’ont trouvé aucun recours à la médecine conventionnelle, souvent ceux qui souffrent de maladies chroniques. Et puis, il y a ceux qui veulent retourner vers un quotidien plus naturel. « Nous sommes avant tout là pour prévenir. En modifiant les habitudes alimentaires, on obtient déjà de bons résultats. Il y a un nombre plus important de femmes qui viennent consulter des naturopathes, peut-être qu’elles sont davantage sensibles à se lancer dans l’inconnu. Mais, les hommes consultent aussi », déclare Caroline Jacques de Dixmude.

Pour Fatiha Aït-Saïd Lavand’homme, ce sont majoritairement des patients avec un bagage universitaire qui consultent les naturopathes. Ils sont généralement mieux informés sur les pratiques naturelles de santé. « Et il y a aussi toutes les personnes qui doivent prendre des médicaments chimiques, sans amélioration de leur santé ou avec effets secondaires qui et décident de se tourner vers d’autres méthodes, plus naturelles », ajoute-t-elle.

Tant que les naturopathes restent dans le cadre des compétences acquises lors d’une formation sérieuse, le problème de cette médecine repose surtout dans le manque de cadre légal et de contrôle. La formation se déroule en 4 ans et à l’issue de ce cursus, le diplômé obtient des qualifications en sciences, phytothérapie, anatomie, nutrition… La formation se clôture par un mémoire et un examen devant un jury simulant une consultation avec un patient. Mais la formation n’est pas encore reconnue en Belgique.

E. Lukacsovics

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