Les enfants respirent de l’air de mauvaise qualité dans près de deux écoles sur trois
Une étude dévoilée ce mercredi matin à Bruxelles présente des résultats préoccupants : dans 61% des écoles belges, la qualité de l’air est inquiétante, voire mauvaise. Elle n’est idéale que dans 3% des établissements, soit 7 écoles sur 222.
L’étude, lancée à l’initiative de Greenpeace, a été menée dans 222 écoles belges (64% en Flandre, 19% en Wallonie et 17% à Bruxelles). Le laboratoire spécialisé BuroBlauw a systématiquement mesuré les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) à trois endroits différents : à l’entrée de l’école dans la rue, dans la cour de récréation et dans les classes. Les mesures ont été prises pendant un mois, entre novembre et décembre 2017.
Conclusions : la qualité de l’air extérieur est préoccupante ou mauvaise dans 61% des écoles participantes, et la concentration est trop élevée dans plus de la moitié des cours de récréation. Dans neuf établissements, c’est même la qualité de l’air dans les classes qui est inquiétante.
Les résultats ont aussi évalué la différence de pollution durant les heures scolaires par rapport aux moyennes enregistrées : il apparait alors qu’entre 8h30 et 16h, la concentration de dioxyde d’azote est supérieure de 13%.
Le trafic routier, premier responsable
La proximité du trafic et des gaz d’échappement est un facteur déterminant de la qualité de l’air au sein des écoles. « Plus une école est située dans une zone à forte densité de circulation, moins bonne est la qualité de l’air » affirme l’étude.
Les concentrations de NO2 étaient l’indicateur le plus pratique pour mesurer la pollution de l’air causée par les émissions de la circulation automobile. « Le NO2 est aussi un indicateur de la pollution en général » ajoute Joeri Thijs, responsable mobilité chez Greenpeace. « Les véhicules diesel sont les plus grands coupables de cette pollution ».
« Quand on voit le lien entre les concentrations de NO2 et les écoles qui sont situées près des autoroutes, c’est particulièrement choquant » estime Liévin Chemin, expert en qualité de l’air et mobilité au BRAL (mouvement urbain pour un Bruxelles durable).
En effet, 66 écoles participantes se situaient à proximité d’une voie rapide, et l’étude a pu constater l’influence sur la qualité de l’air d’une telle proximité. Si elle ne se fait pas vraiment sentir en zone rurale, on constate en revanche une nette augmentation des concentrations de NO2 dans les écoles situées en zone urbaine et à proximité de voies rapides.
Un air plus sain dans les campagnes ? Pas forcément
Parmi les écoles participantes, 46% sont situées en zone rurale et 56% dans des zones urbaines. Les résultats varient selon la localisation des écoles et sont globalement moins bons pour les établissements situés en zone urbaine. De fait, la concentration en NO2 diminue rapidement avec la distance par rapport au trafic.
Ce constat est pourtant à nuancer par l’effet des « rues canyons » : des rues étroites avec un trafic dense, et dont les bâtiments sont élevés, ce qui complique le renouvellement de l’air. On trouve régulièrement ces rues fermées en zone rurale. L’étude relève qu’une école rurale située dans un canyon urbain est donc en moyenne plus exposée à la pollution de l’air qu’une école en ville qui n’est pas située dans un canyon urbain.
Des impacts conséquents et durables sur la santé
En Belgique, le dioxyde d’azote et autres gaz d’échappement nocifs jouent un rôle dans plus de 10 000 décès prématurés par an. Dans son rapport, Greenpeace précise : « il n’existe probablement pas de seuil en deçà duquel les effets nocifs du NO2 sur la santé sont inexistants ». Les maladies provoquées par l’air pollué au dioxyde d’azote sont donc susceptibles d’apparaitre même en dessous du seuil légal fixé par l’Union européenne de 40 microgrammes par mètres cubes. Un plafond que l’association juge « trop élevé, et qui ne prend certainement pas en compte la sensibilité plus élevées des enfants ».
Pour Catherine Bouland, de l’Ecole de Santé publique (ULB), « la situation est vraiment interpellante par rapport à la santé. Le dioxyde d’azote est un irritant qui a un impact réel sur la santé respiratoire » prévient le professeur.
Les enfants sont plus vulnérables à la pollution de l’air que les adultes, notamment car leurs poumons ne sont pas encore complètement développés. Cette fragilité des poumons chez les enfants peut mener à des maladies infectieuses, et donc provoquer un absentéisme qui peut, à terme, mener à un retard d’apprentissage. Elle peut également avoir un impact négatif sur le plan cognitif.
« Il y a un grand spectre de problèmes de santé associés au NO2 » explique Catherine Bouland. Il y a des impacts directs, que l’on remarque avec « les hausses d’hospitalisation, les crises d’asthme, les allergies exacerbées ». Des études récentes ont aussi identifié des problèmes cardiovasculaires dont les enfants ne sont pas préservés. « Et on commence aussi à lier le dioxyde d’azote, mais pas uniquement, au diabète, à l’obésité… »
Des mesures à prendre à tous les niveaux de pouvoir
Le rapport se conclut par une série de recommandations. « Les écoles peuvent promouvoir le vélo, reculer les parkings, mettre en place des rues scolaires [fermées au trafic deux fois par jour, au début et à la fin de la journée d’école] … Mais les écoles ne peuvent pas résoudre ça toutes seules » affirme Joeri Thijs.
Les pouvoirs locaux ont aussi un rôle important à jouer, souligne Greenpeace : « construire des infrastructures sûres pour les enfants qui marchent ou font du vélo, rendre les rues d’écoles piétonnes ou semi-piétonnes, ou réduire les limitations de vitesse à 20km/h autour des écoles, … »
L’association pointe aussi le rôle que les autorités régionales ou fédérales peuvent jouer pour « avancer vers une mobilité différente qui s’attaque au problème de la pollution de l’air ». Par exemple « une tarification routière intelligente, l’élimination progressive des voitures diesel et essence et une attitude plus sévère envers les constructeurs automobiles qui trichent ».
« Il y a une certaine volonté de faire changer les choses depuis quelques années. Mais on constate que ça ne bouge pas, ça ne bouge pas assez vite en tous cas », estime le responsable de Greenpeace. « Des villes à l’étranger ont une position bien plus ambitieuse. A Paris, la zone basse émission va beaucoup plus loin qu’ici. Le diesel sera banni en 2024 et la voiture à essence en 2030 ».
Greenpeace utilise ses propres normes, répond la Febiac
Pour la Fédération belge de l’automobile & du cycle (Febiac), Greenpeace utilise ses propres normes, qui sont deux fois plus strictes que la norme européenne actuelle, indique la fédération sectorielle dans une réaction à Belga.
« Greenpeace utilise ses propres normes, qui sont deux fois plus strictes que la norme européenne actuelle », réagit la Febiac. « On peut supposer que la norme européenne n’a pas été définie à la légère. Il est un peu facile de définir soi-même la norme, afin d’ensuite pouvoir définir le nombre d’écoles qui sont sûres et les autres qui ne le sont pas. »
La fédération ajoute que le secteur a pris des initiatives visant à réduire les émissions de NO2. « Entre 2010 et 2016, les émissions de NOx ont diminué de près de 40% en Flandre », relève-t-elle notamment.
Oriane Renette.