Le séquençage génomique, la clé pour traquer les variants du coronavirus
Le coronavirus mute et c’est normal. Mais la surveillance de ces mutations, qui peuvent se révéler plus contagieuses ou plus dangereuses que le virus original, est cruciale en pleine pandémie. Explications.
Pour surveiller les modifications du coronavirus susceptibles d’aggraver la pandémie ou de rendre les vaccins moins efficaces, les scientifiques doivent séquencer son génome.
Le génome du Sras-CoV-2, responsable du Covid, est composé d’environ 30.000 molécules organiques. Le séquençage permet de lire ces 30.000 caractères et de savoir s’il a muté ou non. Cela se fait sur base d’un prélèvement PCR. Il s’agit ensuite de comparer la séquence avec elles déjà recensées pour constater les éventuelles différences.
Une mutation normale, mais à surveiller
Il est tout à fait normal que de nouveaux variants apparaissent constamment avec ce type de virus, avait déjà expliqué le porte-parole interfédéral Yves Van Laethem dès l’apparition du variant au Royaume-Uni. Normal, également, que certains de ces variants apparaissent brièvement et disparaissent à jamais, et que d’autres variantes se propagent plus rapidement et éventuellement deviennent dominants.
Mais peu de pays effectuent et partagent cette surveillance laborieuse, complexe et nécessaire. Les experts s’inquiètent donc autant des mutations à risque qui passent sous les radars que de celles qu’ils peuvent repérer.
En janvier 2020, c’est déjà grâce cette méthode qu’on a pu publier la première séquence génomique du SRAS-CoV-2, au tout début de la pandémie. Le séquençage a permis de l’identifier comme un nouveau coronavirus et commencer à développer des tests de diagnostic et des vaccins.
Le Royaume-Uni, leader du séquençage
Depuis, des dizaines de milliers de séquences ont été téléchargées sur des bases de données publiques, permettant de suivre les mutations avec une précision et une vitesse jamais atteintes auparavant. La part du lion de ces informations provient d’un seul pays: la Grande-Bretagne. Le fait que cette souche ait été identifiée au Royaume-Uni est donc principalement lié au fait que le pays a un des programmes de surveillance génétiques les plus poussés au monde. Cela leur permet de détecter plus facilement les nouveaux variants que d’autres pays.
Mi-janvier, GISAID – une importante plateforme de partage de données créée à l’origine pour surveiller la grippe – avait reçu 379.000 séquences. Parmi celles-ci, 166.000 provenaient de Covid-19 Genomics UK (COG-UK), un partenariat entre autorités sanitaires et établissements universitaires. « Le Royaume-Uni a écrasé tout le monde », déclare Emma Hodcroft, épidémiologiste à l’Université de Berne et co-développeuse du projet international de suivi du virus, Nextstrain. Le Danemark, relève-t-elle, séquence et partage aussi régulièrement les données, mais les informations provenant de la plupart des autres pays sont au mieux sporadiques.
Stratégie belge
Dès la mi-janvier, une vingtaine de laboratoires répartis sur l’ensemble du territoire belge ont été chargé, sous l’impulsion ministre de la Santé Frank Vandenbroucke, de séquencer le génome du Sars-Cov-2. « Nous espérons ainsi respecter les recommandations des experts qui souhaitent atteindre 2% des échantillons contre 0,5% pour l’instant. Ce qui permettra d’étudier l’évolution du virus et ses potentielles mutations », indiquait-on alors.
Le microbiologiste Herman Goossens a par ailleurs précisé il y a 10 jours qu’un montant de 5 millions d’euros avait été réservé par les autorités pour permettre un séquençage génomique plus systématique des tests PCR. Sous la houlette du microbiologiste Emmanuel André (KU Leuven), 1.000 tests PCR sont ainsi séquencés chaque semaine, pour une surveillance de base ou dans le cas de clusters.
Primordial pour se préparer
Le séquençage a permis d’identifier des variants préoccupants en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud et au Brésil. Sans surveillance systématique, les scientifiques n’auraient peut-être pas encore compris qu’ils changeaient la donne et pourquoi. L’alerte précoce n’a pas empêché leur propagation dans d’autres pays, mais elle a permis à d’autres de se préparer.
D’autres variants du virus ne sont devenues visibles que lorsqu’elles se sont répandues à l’international à partir de leur point d’origine. Ce mois-ci par exemple, une nouvelle souche, porteuse d’une mutation appelée E484K et dont les chercheurs craignent qu’elle puisse échapper à l’immunité, a été identifiée au Japon chez des personnes arrivant du Brésil.
Besoin d’une réponse mondiale
Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une meilleure capacité de séquençage est une priorité. Maria Van Kerkhove, responsable technique Covid-19 de l’OMS, a récemment qualifié d' »incroyable » le nombre de séquences partagées jusqu’à présent, mais déploré qu’elles ne proviennent que d’une poignée de pays. « Améliorer la couverture géographique du séquençage est essentiel pour que le monde ait des yeux et des oreilles (braqués) sur les changements du virus », a-t-elle déclaré sur un forum en ligne.
Selon l’OMS, une « révolution » dans l’investigation génomique des virus a contribué à une meilleure compréhension de plusieurs maladies, d’Ebola à la grippe. « Pour la première fois, le séquençage génomique peut aider à guider la réponse de santé publique à une pandémie en temps quasi réel ».
L’étape suivante consiste à étudier comment les différentes mutations affectent la transmission du virus, la gravité de la maladie et l’efficacité du vaccin, et à prédire le plus rapidement possible le comportement d’un nouveau variant. Mais le séquençage à grande échelle est complexe sur le plan logistique.
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