Le coronavirus peut-il disparaître avec les beaux jours ?
La grippe revient chaque année et disparaît les beaux jours venus. Le coronavirus se comportera-t-il de la même manière, ou doit-on s’attendre à une deuxième épidémie à l’automne, et à d’autres périodes de confinement ? Éléments de réponse.
Concernant la sainsonnalité du cornavirus, les avis divergent parmi les scientifiques. Certains émettent l’hypothèse que le Covid-19 aura plus de difficultés à se propager au printemps et en été à cause de la plus forte humidité. D’autres observent, par contre, que le coronavirus est capable de se transmettre dans des climats chauds et humides. Tour d’horizon des différents avis d’experts à ce sujet.
David Alsteens professeur au Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology de l’UCLouvain nous explique que nous n’avons pas encore assez de recul sur le comportement du Covid-19 pour prédire s’il disparaîtra avec la hausse des températures. « On sait qu’à la belle saison, il y a moins de contamination virale. C’est le cas notamment avec le virus de la grippe. Si le pic de l’épidémie est chaque année en hiver (l’épidémie est d’ailleurs, cette année, derrière nous), le virus ne disparaît pas pour autant, mais est beaucoup moins présent. Cela s’explique en partie parce qu’en été la distanciation sociale est naturellement plus grande, elle est facilitée par une vie sociale à l’extérieure, moins confinée. »
Anne-Mieke Vandamme, virologiste à la KULeuven, avance, pour sa part, dans le journal De Morgen que des températures plus élevées n’ont qu’une faible influence sur le coronavirus. « Il s’agit surtout de la façon dont les gens se rassemblent. Le coronavirus est sensible à la chaleur, mais on ne remarque pas beaucoup de différence entre vingt ou trente degrés. Pour ralentir le virus ou le faire disparaître par la température, il faut soixante degrés ou plus ».
Sensible à la chaleur
Dans certaines circonstances, les mesures de distanciation sociale ne sont pas faciles, voire impossibles à respecter en été. Prenons le cas des festivals qui réunissent un très grand nombre de personnes dans un espace limité. Le Conseil national de sécurité (CNS) formalisera d’ailleurs probablement bientôt l’annulation des grands festivals d’été – dont Tomorrowland et Rock Werchter – tel que demandé par les bourgmestres des communes concernées. Les sports de contact sont aussi dangereux pour la transmission du virus, même pratiqués en extérieur.
La hausse des températures ne suffit donc pas pour arrêter le coronavirus, il pourrait seulement se développer plus lentement. C’est une combinaison de plusieurs facteurs, explique l’épidémiologiste britannique Marc Lipsitch dans le journal The Guardian. « L’humidité est plus faible en hiver, ce qui facilite la transmission d’un virus. Le faible taux d’humidité fait que les gouttelettes porteuses de virus se déposent plus lentement en se rétractant et sont ensuite maintenues dans l’air par friction. En été, nous devons faire face à une forte humidité, ce qui rend cette transmission plus difficile« .
Ben Neuman, de l’Université de Reading, dans le journal anglais, est plus catégorique dans ses propos : « Ce virus est né dans des conditions proches du gel en Chine. Il se développe rapidement en Islande et sur l’équateur au Brésil et en Équateur. Avec l’arrivée du printemps, la croissance du virus s’est accélérée dans le monde ».
Des virus saisonniers?
Des recherches scientifiques ont toutefois démontré que les virus de la grippe et du rhume n’aiment pas le soleil et la chaleur. Le professeur Erika Vlieghe (UZA) estime, de son côté, que le cornavirus est saisonnier. « Des virus comme ceux-ci se propagent plus facilement dans des conditions froides et humides« , déclare-t-elle au Morgen.
Le virologiste Marc Van Ranst a également souligné que le soleil en particulier rend la survie du coronavirus plus difficile. « Les UV désactivent le virus plus rapidement« , explique-t-il. « Les gouttelettes que nous répandons dans l’air sèchent plus vite. Si elles se retrouvent sur des surfaces où le soleil brille, elles sont inoffensives après quelques minutes seulement. Elles ne rentrent pas dans notre organisme quand nous touchons cette surface« .
« La chaleur ne garantit pas la disparition du virus« , tempère toutefoisVan Ranst dans le quotidien flamand. « Il est vrai que les taux de mortalité sont en moyenne plus élevés dans les pays où il fait plus froid. En outre, la climatisation joue également un rôle important : elle donne au virus toutes les chances de se propager à nouveau ».
Il a en effet été démontré que le réchauffement climatique n’arrête pas la transmission ou la croissance du virus. C’est ce qui ressort clairement en Australie, à Singapour et à Hong Kong. Singapour et Hong Kong ont réussi à maîtriser la situation, mais avec des mesures de contrôle très strictes. Il ne fait aucun doute que les coronavirus sont capables de se transmettre dans des climats plus chauds et plus humides.
Peut-on s’attendre à ce que le nombre de cas de Covid-19 diminue cet été ?
Une étude clé sur les coronavirus communs a été publiée la semaine dernière par des scientifiques de l’University College London, rapporte The Guardian. En analysant des échantillons prélevés il y a plusieurs années, ils ont constaté des taux élevés d’infections par les coronavirus en février, alors qu’en été, ils étaient très faibles. D’autres études ont également montré que les coronavirus ont un comportement saisonnier dans les climats tempérés. L’auteur principal de l’étude, Rob Aldridge, a toutefois émis une mise en garde. « Nous pourrions observer des niveaux continus, mais plus faibles de transmission des coronavirus en été, mais cela pourrait s’inverser en hiver s’il y a encore une grande population sensible à ce moment-là », a-t-il déclaré. « Et comme il s’agit d’un nouveau virus, nous ne savons pas si un schéma saisonnier se maintiendra pendant l’été étant donné les niveaux élevés de sensibilité dans la population », ajoute-t-il.
« Je suis sûr que les variations saisonnières du comportement du virus joueront un rôle dans sa propagation« , déclare de son côté le virologue Michael Skinner de l’Imperial College de Londres. « Mais comparé à l’effet que nous observons avec la distanciation sociale, ce sera une influence très mineure. Il peut produire certains effets marginaux, mais ceux-ci ne remplaceront pas l’auto-isolement« .
D’autres scientifiques avertissent sur le fait que le virus Covid-19 est un tout nouvel agent infectieux dont le comportement est inconnu et doit encore être analysé. Les populations n’ont pas eu la possibilité de développer une quelconque immunité. En conséquence, il est probable qu’il continuera à se propager au rythme actuel malgré le début de l’été.
Pourrait-il y avoir une deuxième vague d’infections à l’automne ?
Une seconde vague épidémique est fort possible explique le Dr Riley dans The Guardian. C’est le cas à Hong Kong qui a réussi à contrôler l’épidémie dès le début. Depuis l’assouplissement de certaines restrictions, de nouveaux cas réapparaissent. « Si nous relâchons la distance sociale avant qu’une grande partie de la population ne soit immunisée, il pourrait y avoir un deuxième pic d’infections à l’automne, quand il est le plus contagieux, en raison de la reprise des cours et de la température plus fraîche. Et ce serait le pire résultat possible « , alerte le professeur Lipsitch dans The Guardian.
« C’est encore un tout nouveau virus« , explique le professeur Vandamme au Morgen. « Le coronavirus ne va certainement pas disparaître. C’est un voeu pieux. Il est beaucoup trop répandu pour cela. Ce n’est que lorsque l’immunité de groupe est suffisamment importante qu’il deviendra un virus saisonnier. Et même dans ce cas, on ne sait pas combien de temps une personne est immunisée après l’avoir eu« .
« De nombreuses personnes ont été vaccinées contre la grippe et une certaine immunité s’est créée au fil des ans« , explique Vandamme. « Nous ne devons prendre aucun risque avec le coronavirus, car il n’y a pas encore de vaccin et l’immunité de groupe est trop faible« . Si on veut développer rapidement une immunité de groupe, il faut d’abord infecter un grand nombre de personnes et beaucoup d’entre elles mourront.
D’autres périodes de confinement sont-elles envisageables ?
« Lorsque l’épidémie actuelle sera complètement à zéro, nous devrons continuer à prendre les mesures jusqu’à ce qu’il y ait un vaccin, des antiviraux ou une immunité de groupe suffisante. Le confinement disparaîtra, mais certaines mesures devront être maintenues, comme le suivi des personnes qui ont voyagé, le contrôle des touristes qui entrent dans notre pays et la mise en quarantaine des personnes infectées« , explique Vandamme.
L’immunité de groupe est un facteur important dans la lutte contre le virus. « S’il s’avère qu’il est assez grand, nous n’aurons pas de deuxième pic. Si ce n’est pas le cas, un autre pic pourrait même se produire en été ».
Et un deuxième confinement est également une réelle possibilité. « Il n’y aura pas de vaccin d’ici l’automne, mais il pourrait y avoir des antiviraux efficaces. Il n’y aura donc pas besoin de confinement. Mais s’il n’y a pas encore d’antiviraux, je suppose qu’un confinement n’est pas exclu. Même chose si l’immunité de groupe n’est pas assez importante d’ici là. Nous réfléchissons avec notre équipe pour savoir si la population peut supporter un deuxième lockdown. »
Le Dr Lipsitch compte également sur le lien entre la distanciation sociale et l’immunité de groupe lorsque de nouvelles vagues d’infection se produisent. « Si notre stratégie reste axée sur la distanciation sociale, parce que nous n’avons rien trouvé de mieux, c’est le meilleur moyen de ramener le nombre d’infections à un niveau suffisamment bas. En s’éloignant à nouveau, on répète le cycle. À chaque cycle, nous disposons de plus de temps, car le renforcement de l’immunité au sein de la population contribue à ralentir la propagation. De cette façon, le pic dangereux n’est pas atteint aussi rapidement« .
Le système immunitaire s’adapte aux saisons
L’arrivée du printemps n’affecte pas seulement le comportement d’un virus, il produit également des changements dans le système immunitaire humain, soulignent des chercheurs. « Notre système immunitaire affiche un rythme quotidien, mais ce que l’on sait moins, c’est comment cela varie d’une saison à l’autre« , a déclaré l’immunologiste Natalie Riddell, de l’université du Surrey, citée par The Guardian.
Pour le savoir, Natalie Riddell et d’autres chercheurs des universités du Surrey et de Columbia ont étudié les changements immunitaires chez l’homme à différentes saisons et à différents moments de la journée. Des échantillons biologiques ont été prélevés sur des volontaires aux solstices d’hiver et d’été et aux équinoxes de printemps et d’automne. Les premiers résultats suggèrent qu’un sous-ensemble de globules blancs qui jouent un rôle clé dans le système immunitaire semblent être élevés à certains moments de la journée, ce qui indique que le système réagit différemment à des moments différents. Par exemple, les cellules B qui produisent des anticorps se sont avérées être élevées la nuit.
Cependant, l’impact des saisons sur les rythmes cellulaires est toujours à l’étude, a ajouté la responsable de l’étude, Micaela Martinez de l’Université de Columbia. Les résultats seront d’une importance considérable, a-t-elle ajouté. « Connaître les vulnérabilités de notre corps aux maladies et aux virus tout au long de l’année pourrait nous aider à choisir le moment des campagnes de vaccination qui nous aideront à éradiquer les infections« .
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