La procrastination, un trouble émotionnel avant tout
» Je le ferai dans une demi-heure, en fin de journée, demain, dans une semaine… » L’art de tout remettre à plus tard porte le nom de » procrastination « . Quelle est la cause de cette habitude ?
Selon la pensée commune, la procrastination est un problème de gestion du temps. Cela implique qu’il suffirait d’apprendre à mieux gérer son emploi du temps pour résoudre ce problème. De nombreux conseils et astuces circulent à ce sujet. Pourtant, les procrastinateurs continuent de procrastiner et les précrastinateurs continuent de précrastiner…
En l’occurrence, « la procrastination n’est pas un problème de gestion du temps, c’est un problème de gestion des émotions« , explique le professeur Tim Pychyl, spécialiste en psychologie à l’Université Carleton. L’origine du problème : la tâche que nous remettons à plus tard nous rend malade, tout simplement. Peut-être est-elle trop ennuyante, ou trop stressante… Peut-être avons-nous peur d’échouer. Dans ce cas, n’est-il pas plus facile de repousser à plus tard cette tâche ô combien difficile et de nous concentrer sur autre chose en attendant – regarder des vidéos par exemple ?
En d’autres mots, la procrastination peut être considérée comme un comportement irrationnel. Et pour cause, on sait que s’attaquer à une tâche immédiatement nous soulagera d’une source de stress, et nous rendra donc plus heureux, mais on ne le fait pas.
Faire face aux émotions négatives
Cette vision émotionnelle de la procrastination existe déjà depuis le début des années 2000, rappelle la BBC. Certains experts définissent alors la procrastination comme une « stratégie d’évitement émotionnel » que notre cerveau utilise pour lutter contre l’anxiété, le stress et toute autre émotion négative. En évitant la source du problème, l’être humain espère ainsi améliorer son humeur, même sur le court terme.
Pour démontrer cette hypothèse, des chercheurs de la Case Western Reserve University dans l’Ohio ont réalisé une expérience. Dans un premier temps, ils ont demandé à des volontaires de lire des histoires tristes et négatives afin de les inciter à se sentir mal. Ils ont ensuite indiqué aux participants qu’ils seraient interrogés lors d’un test d’intelligence, avant de les faire patienter dans une pièce. Les chercheurs ont alors remarqué que les participants avaient tendance à procrastiner en faisant des puzzles et en jouant à des jeux vidéo plutôt qu’à se préparer au test.
D’autres études réalisées par la même équipe ont montré que la mauvaise humeur n’augmentait la procrastination que si des activités de loisir étaient disponibles pour encourager la distraction.
Une solution pas très efficace
Pourtant loin de soulager l’anxiété, la procrastination provoquerait au contraire d’autres émotions négatives telles que la culpabilité ou la frustration, comme l’explique la sociologue Jessica Myrick, de la Media School de l’Université de l’Indiana. Si ce phénomène apporte un soulagement à court terme, on ne fait au final que stocker les problèmes pour plus tard. Et l’accumulation de culpabilité et de frustration qui en découle montre bien que cette « stratégie d’évitement émotionnel » est erronée.
Cette procrastination pourrait même devenir chronique, et avoir des conséquences néfastes sur la santé. La recherche de la psychologue Fuschia Sirois montre que la procrastination régulière peut être associée à divers problèmes de santé mentale et physique, tels que la dépression, le rhume ou même des maladies cardiovasculaires.
Selon elle, ce phénomène a deux causes :
- cet éternel report des tâches et le sentiment de ne jamais atteindre ses objectifs provoquent une accumulation de stress ;
- la procrastination implique aussi de repousser certains comportements importants, voire nécessaires pour la santé, tels que le sport ou une visite chez le médecin.
« Au fil du temps, un stress élevé et de mauvais comportements en matière de santé sont bien connus pour avoir un effet synergique et cumulatif sur la santé. Cet effet peutà son touraugmenter le risque d’un certain nombre de problèmes de santé graves et chroniques tels que les maladies cardiaques, le diabète, l’arthrite et même le cancer « , explique-t-elle, dans des propos repris par la BBC.
« Guérir » de la procrastination ?
Puisque l’on parle ici de gestion des émotions, et non du temps, le professeur Tim Pychyl recommande « la méditation de pleine conscience » pour réduire toute tendance à la procrastination. Selon lui, les compétences développées lors de cette méditation – telle que la concentration ou le non-jugement – permettraient de réguler plus efficacement ses émotions.
Cette pleine conscience se travaille notamment dans le cadre de la Thérapie d’acceptation et d’engagement. Cette thérapie repose sur l’idée que « ce n’est qu’en acceptant ce que nous ne pouvons pas changer que nous réussissons à dégager les ressources nécessaires pour agir « .
La méditation de pleine conscience permettrait ainsi de rester calme face à des situations stressantes. De quoi nous encourager à réaliser les tâches demandées sans délai et, a fortiori, à réduire le stress. La boucle est ainsi bouclée.
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