La pilule pour homme bientôt sur le marché
Des essais cliniques récents indiquent qu’une pilule hormonale contraceptive pour homme « sûre et efficace » pourrait voir le jour. Pour autant, elle ne devrait pas être commercialisée avant plusieurs années.
La contraception est souvent perçue comme une affaire de femmes avant tout. Pilule, DIU, anneau, implant, préservatif, patch… Une dizaine de méthodes leur sont proposées, et elles portent bien souvent toute la responsabilité en la matière. Parmi toutes les options existantes, la pilule hormonale reste, malgré ses effets secondaires, le moyen contraceptif le plus utilisé par les femmes ( 55% en Belgique selon une enquête menée par Solidaris en 2017).
Tandis que du côté des hommes, seules trois méthodes contraceptives sont aujourd’hui à leur disposition : le préservatif, le retrait (méthode peu certaine) ou la vasectomie (dont la réversibilité n’est pas pleinement assurée). Depuis plus de 30 ans, plusieurs études ont été menées par des laboratoires pour étendre cette liste.
Une nouvelle étude aux résultats prometteurs
Au mois de mars, des chercheurs ont présenté les premiers résultats d’une nouvelle pilule contraceptive masculine. Les essais cliniques, dirigés par l’université de Washington et présentés à Chicago lors d’un congrès dédié à l’endocrinologie, se sont révélés « prometteurs ». Cette pilule hormonale à base de diméthandrolone undécanoate, la DMAU, est composée d’un mélange de testostérone et de progestatif. Ce mélange semble garantir l’efficacité contraceptive tout en évitant des effets secondaires néfastes.
Cette combinaison hormonale avait déjà été évaluée dans une étude de 2016, conduite par l’OMS. Elle avait conclu à un taux d’efficacité contraceptive de 96% et à la réversibilité du processus. Les résultats étaient encourageants, mais faisaient état de certains effets secondaires, tels que des troubles d’humeur importants. Cette étude clinique, démontrant la nécessité de poursuivre les recherches, représentait donc une référence sur laquelle les chercheurs américains ont pu s’appuyer pour développer leur produit.
Pour Stéphanie Page, professeur de médecine à l’Université de Washington et responsable de l’étude sur la DMAU, « ces résultats prometteurs sont sans précédent dans le développement d’un prototype de pilule masculine ». Et laissent donc entrevoir la possibilité que cette pilule voie bientôt le jour.
Son équipe a testé la DMAU sur 83 hommes de 18 à 50 ans en bonne santé. Durant 28 jours, ils ont pris quotidiennement des doses de DMAU (100, 200 ou 400 mg selon les groupes) au repas. Conclusion : avec les doses de 400 mg, la testostérone a diminué à un niveau presque semblable à celui de la castration. DMAU réduit aussi drastiquement les niveaux de deux hormones nécessaires à la production de spermatozoïdes (LH et FSH).
Des effets secondaires qui incitent à poursuivre les essais
Si les résultats de l’échantillon montrent que la DMAU entraine une légère prise de poids (en moyenne entre 1,5 et 3,9 kg) et une diminution du cholestérol HDL (le « bon » cholestérol), elle n’aurait pas d’effet secondaire important. Aucun changement d’humeur significatif n’a été constaté, et « très peu de sujets ont reporté des symptômes conformes à une déficience ou un excès de testostérone » affirme Stéphanie Page. Par ailleurs, tous les tests de sécurité ont été réussis, y compris ceux liés aux fonctions hépatique et rénale. Toutefois, quelques participants ayant pris la DMAU ont reporté une baisse de leur libido (8) et une poussée d’acné (5).
« Des études à plus long terme sont en cours pour confirmer que la DMAU prise tous les jours bloque la production de spermatozoïdes », a déclaré la chercheuse. Si les résultats de ces nouveaux essais prévus sur trois mois sont bons, la pilule DMAU sera testée par des couples en tant que contraception.
D’ici à ce qu’une pilule masculine soit commercialisée, il faudra donc patienter encore quelques années. Reste que cette dernière étude a permis de démontrer que son développement est très probablement sur la bonne voie, et que l’équilibre entre sécurité pour la santé et efficacité contraceptive semble pouvoir être atteint.
Qu’en pensent les hommes ?
Si la science permet de mettre une telle pilule sur le marché, reste à savoir si les hommes seraient prêts à l’utiliser. Quarante pour cent des hommes ont répondu positivement à cette question posée par l’enquête Solidaris menée en Belgique. D’autres sondages sur le sujet, réalisés en France et en Grande-Bretagne présentent des tendances un peu plus élevées, avec plus de la moitié des hommes se déclarant prêts à prendre la pilule masculine si elle existe.
En parallèle, se pose aussi la question de savoir si les femmes seraient disposées à laisser la responsabilité de la contraception à leur partenaire. D’après le sondage belge, elles sont 51% à affirmer que oui.
« La pilule DMAU est un grand pas en avant dans le développement d’une pilule masculine quotidienne » affirme Stéphanie Page. « Beaucoup d’hommes disent qu’ils préfèrent une pilule quotidienne comme contraceptif réversible, plutôt que des injections à action prolongée ou des gels topiques, qui sont également en développement ».
En effet, dans le domaine de la contraception masculine, la pilule hormonale n’est pas la seule option sur laquelle les scientifiques se sont penchés. D’autres études sont toujours en cours, et certaines peut-être même porteuses d’avenir.
De nouvelles méthodes contraceptives masculines à venir ?
Parmi les recherches les plus abouties, on retrouve celles concernant le Vasalgel, un gel contraceptif que l’on injecte dans le canal déférent afin de bloquer la sortie des spermatozoïdes sans bloquer celle du sperme. D’après les chercheurs de l’université de Californie en charge des tests, ce traitement non hormonal est pour l’instant efficace chez les lapins et chez les singes rhésus. Pour l’homme, les essais cliniques sont attendus pour 2018.
Des essais sont également prévus en 2018 pour un autre gel contraceptif masculin, mais hormonal cette fois-ci. Les recherches sont toujours en cours. Le produit, à appliquer sur l’épaule durant deux à trois mois, devrait être testé sur 420 couples en Suède, en Italie, au Chili et au Kenya. Basé sur la même combinaison hormonale que la pilule DMAU (progestatif et testostérone), il fait baisser la concentration spermatique à moins d’un million de spermatozoïdes par millilitre (seuil en deçà duquel on considère que la grossesse peut être évitée).
D’autres méthodes sont encore étudiées, telles que les injections hormonales hebdomadaires qui ont pour but de réduire le nombre de spermatozoïdes dans le liquide séminal, une « pilule des draps propres » qui permet de bloquer l’éjaculation sans entraver l’orgasme, ou encore des médicaments pour bloquer la fécondation.
Oriane Renette
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