L’optimisme en 10 questions
Dans nos pays, le pessimisme a la cote. Ceux qui s’obstinent à voir la vie du bon côté, malgré la crise, la violence et la pollution, passent au mieux pour des naïfs, au pire pour des imbéciles. Selon le psychologue et psychiatre français Alain Braconnier, pourtant, l’optimisme est un atout. À condition de le pratiquer avec intelligence.
1 Comment définir l’optimisme ?
Alain Braconnier : En fait, il y a trois types d’optimisme. L’optimisme que j’appellerais « situationnel » et que tout le monde peut éprouver, même les pessimistes : vous êtes amoureux, ou vous venez de recevoir une bonne nouvelle, et cette situation vous rend momentanément optimiste. L’optimisme béat, qui est une sorte de méthode Coué, tenant de la politique de l’autruche, et auquel la vie finit toujours par donner tort. Et enfin l’optimisme intelligent, qui tire sa force de l’aptitude à imaginer une issue favorable aux événements et à leur attribuer des raisons plus positives que négatives, mais qui reste lucide sur la réalité et les efforts à fournir.
2 L’optimisme, dans notre monde, n’est-ce pas une forme d’inconscience ?
Nous vivons dans un monde inquiet, qui redoute notamment les conséquences des découvertes technologiques pour la survie de la planète. Mais si on y réfléchit, le monde a toujours eu des raisons de s’inquiéter : les guerres, les grandes épidémies… Ce qui distingue les optimistes, quand ils regardent vers l’avenir, c’est qu’ils voient d’abord les progrès possibles ; les pessimistes, eux, ne voient que les dangers.
3 Naît-on optimiste, ou le devient-on ?
Les études sur les traits de caractère révèlent que l’optimisme est à 25 % génétique. Par ailleurs, la neuro-imagerie a mis en évidence, chez les optimistes, un niveau d’activation plus élevé de certaines zones profondes du cerveau en lien avec le cortex préfrontal. Mais le facteur le plus important, c’est l’attitude parentale : il a été démontré que, dès l’âge de cinq ans, un enfant élevé dans la pensée positive, la confiance en soi et une suffisante joie de vivre prend conscience des bénéfices de l’optimisme.
4 L’éducation est donc une des clés de l’optimisme ?
Incontestablement. Une des grandes différences entre les optimistes et les pessimistes est que, confrontés à une difficulté, les optimistes trouvent une explication limitée à l’événement en cause, alors que les pessimistes ont tendance à généraliser dans le sens du « Tout va mal, tout ira toujours mal ; avec moi, tout ne peut qu’aller mal… ». Pour ne pas pousser les enfants vers le pessimisme, il faut donc éviter d’encourager cette propension à la généralisation. Si un enfant a commis une bêtise, il convient évidemment de le lui faire remarquer, mais sans accompagner cette remontrance de commentaires du genre : « C’est toujours pareil avec toi », « Tu ne fais jamais attention », etc. Mieux vaut insister sur le fait qu’il s’agit d’une erreur ponctuelle et qu’il fera mieux la prochaine fois.
5 Mais pourquoi l’optimisme est-il préférable au pessimisme ?
Parce qu’il a des effets positifs dans les différents domaines de notre existence, et en particulier sur notre santé psychique et physique. Tout d’abord, il nous protège contre la dépression et nous rend plus résistants au stress. De plus, un des traits principaux du caractère optimiste étant la capacité d’anticipation des événements favorables, il nous donne le sentiment de pouvoir surmonter les difficultés et nous encourage donc à l’action plutôt qu’à la passivité. De nombreuses études américaines, encore peu connues en Europe, ont également montré que l’optimisme était corrélé avec une durée de vie plus longue, moins de maladies cardio-vasculaires, une attitude plus assertive face aux maladies graves et une récupération plus rapide.
6 D’après les sondages, les Français sont les champions du monde du pessimisme, et les Belges ne sont pas loin derrière. Pourtant, nous ne sommes pas les plus à plaindre…
Il y a d’abord une raison culturelle : dans nos pays, les intellectuels ont tendance à valoriser le pessimisme. D’après l’économiste Claudia Senik, c’est notre système scolaire qui est en cause. Contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, quand nos enfants rentrent de l’école, nous nous intéressons à leurs mauvaises notes plutôt qu’aux bonnes : ils sont jugés sur leurs échecs, pas sur leurs succès. À cela s’ajoute un aspect socioéconomique. Longtemps favorisés, nos pays doivent actuellement renoncer à un certain nombre de leurs privilèges. Nous savons que nous avons plus à perdre qu’à espérer, à l’inverse de la Pologne, de certains pays africains, de la Chine ou du Brésil, où l’heure est à l’espoir.
7 Devenir optimiste, est-ce une question de volonté ?
Même si le recours à la volonté est souvent la première recette proposée à ceux qui se plaignent ou dépriment – qui d’entre nous ne s’est jamais entendu répéter par ses proches : « Sois plus optimiste » ? – l’optimisme ne se commande pas. Et l’optimisme de façade, qu’on affiche pour se rassurer soi-même ou paraître moins négatif aux yeux des autres, ne tarde pas à se craqueler.
8 L’optimisme n’est-il jamais négatif ?
Quand il est excessif, se traduisant par une approche irréaliste des faits, il peut évidemment être négatif, comme en témoignent les joueurs pathologiques, qui sont de grands optimistes. Quant au pessimisme, il peut être positif. Surtout sous la forme du « pessimisme défensif », qui est une stratégie mentale largement utilisée – notamment par les étudiants en période d’examens – pour se préparer aux événements stressants.
9 Alors, comment un pessimiste peut-il devenir optimiste ?
Il n’existe pas de médicament de l’optimisme, mais pour transformer durablement une tendance excessive au pessimisme, nous pouvons nous faire aider. Soit par des personnes optimistes – beaucoup de couples se forment selon ce principe, l’un apportant à l’autre l’optimisme qui lui fait défaut – soit, lorsque le pessimisme devient une souffrance, par un professionnel. Les deux principales méthodes utilisées pour susciter et renforcer l’optimisme étant la psychologie positive, qui vise à modifier nos schémas de pensée négatifs, et l’approche psychanalytique, qui nous aide à redonner du sens à notre vie – quand on est exagérément pessimiste, on peut éprouver un vide existentiel et ne plus savoir à quoi on aspire – et à valoriser les pulsions de vie qui nous habitent.
10 Les optimistes ont-ils des « trucs » pour rester optimistes ?
Le premier consiste à appliquer ce que le psychologue américain Jonathan Haidt appelle « le principe de progrès » : quelle que soit la situation, l’optimiste préfère agir que laisser faire les choses.
Faire remonter les bons souvenirs favorise aussi une vision optimiste du futur : des études d’imagerie cérébrale ont révélé que les structures qui nous permettent de nous remémorer le passé sont en partie les mêmes que celles qui sont sollicitées quand nous pensons à l’avenir.
La mise à l’écart des regrets est une autre caractéristique de l’optimisme : elle nous permet de vivre pleinement ici et maintenant.
Les vrais optimistes sont également capables de ‘faire avec’, c’est-à-dire d’accepter qu’il existe des problèmes impossibles à résoudre…
Enfin, l’optimisme va de pair avec la certitude que rien n’est jamais fixé une fois pour toutes et que, si désespérant que paraisse parfois l’instant présent, la vie qui semble s’être arrêtée continuera.
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