L’efficacité des nouveaux médicaments contre le cancer remise en question
Chaque année, des milliers de cancers émergent. Chaque année, de nouveaux médicaments oncologiques arrivent sur le marché. Sont-ils efficaces ? Un rapport du KCE remet en question leur efficacité.
Un article d’Olivier Bailly
A la demande de l’INAMI, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a analysé dans quelle mesure l’utilisation de nouveaux médicaments (pour 12 types de cancers) a effectivement contribué à allonger la vie des patients belges auxquels ils ont été administrés depuis 2004. Le KCE a ensuite mis ces réssultats en regard des dépenses qui ont été consacréesà à ces médicaments par l’assurance maladie belge sur la même période de 15 ans.
La conclusion de l’étude est sans appel : ces médicaments « innovants » sont décevants. Une grande partie est remboursée par l’assurance maladie belge sans preuves suffisantes d’un réel bénéfice pour les patients. Le tout via un système opaque de conventions entre entreprises pharmaceutiques et Etat belge.
Précision importante : ce rapport évoque avant tout les cancers en stade avancé, généralisé.
Un milliard opaque
Non content d’être peu ou pas efficace, ces médicaments sont chers ! Le rapport critique ainsi leur procédure accélérée de remboursement. A savoir les conventions article 81/111. Le principe de ces conventions est de permettre aux firmes pharmaceutiques d’obtenir le remboursement d’un nouveau produit à l’efficacité ou plus-value incertaine.
Ces accords sont secrets. L’Etat paie le prix plein. La firme accorde une ristourne. Impossible d’en connaitre l’ampleur. Le remboursement accordé est temporaire, le temps pour la firme de faire les études cliniques nécessaires pour apporter les preuves scientifiques du bien fondé du médicament.
Problème : selon une étude européenne, les firmes dans la moitié des cas ne fournissent pas de preuves. Or, il est très difficile de dérembourser un médicament.
Et cette procédure « article 81/111 » a un cout considérable : en 2019, le budget des médicaments sous accord MEA représentait déjà environ un quart du budget total des médicaments dans notre pays. Un milliard d’euros.
Pour le KCE, un changement de cap est nécessaire. Le rapport du KCE se conclut par une série de recommandations à l’attention des autorités régulatrices afin de les encourager à se montrer plus exigeantes sur les données scientifiques à l’appui des demandes d’autorisation (à l’échelle européennne) et de remboursement (à l’échelle nationale).
A défaut, l’Etat risque de rembourser cher, pour rien.
Réaction de pharma.be
Pharma.be, l’organisation qui regroupe en son sein plus de 125 entreprises pharmaceutiques actives en Belgique, appelle à une analyse plus large avec des données plus récentes et complètes afin d’évaluer le rapport coût-efficacité des médicaments innovants pour le traitement contre le cancer.
Pour Pharma.be, le rapport du KCE fait une analyse économique coûts-avantages des médicaments innovants pour le traitement du cancer. Mais ce rapport est basé sur des données dépassées et incomplètes. L’évaluation remonte jusqu’à dix-sept ans en arrière et ne tient pas compte des innovations des quatre dernières années, dans un domaine de recherche à l’évolution rapide. C’est pourtant crucial en raison de l’efficacité des traitements les plus récents. Pour neuf des douze types de cancers analysés, le rapport ne s’intéresse en outre qu’à des patients qui se trouvaient déjà au stade IV (cancer généralisé) au moment du diagnostic. Lorsque la probabilité de survie à ce stade est prise comme principal paramètre d’efficacité, cela peut mener à de mauvaises conclusions. L’évaluation des rapports coût-efficacité est en plus principalement basée sur des analyses britanniques, ce qui ne tient pas du tout compte des spécificités du système de santé belge. Pour Caroline Ven, CEO de pharma.be, « le rapport du KCE ne doit pas déboucher sur des conclusions hâtives. Cela serait néfaste pour les soins de santé dans notre pays. Le secteur appelle à un dialogue constructif et prospectif sur la lutte contre le cancer en Belgique. Une politique de lutte contre le cancer forte et innovante est et reste absolument nécessaire, du point de vue humain comme du point de vue économique. »
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