Infecté pour la deuxième fois par le coronavirus
À leur grande surprise, Evelyne (28 ans) et Barbara (31 ans) ont été infectées deux fois par le coronavirus au cours des derniers mois. Le covid-19 parviendrait-il à se jouer de notre système immunitaire ?
Est-il possible d’avoir deux fois le covid-19 ? C’est l’une des craintes de nombreux patients atteints de coronavirus qui ont dû lutter contre toutes sortes de maux au cours des derniers mois. La perspective de ne pas avoir à vivre cette misère une seconde fois était en effet l’un des rares avantages d’avoir contracté le virus.
Si chez les singes, il a déjà été démontré qu’une deuxième infection n’a pas lieu d’être, chez l’homme, c’est un peu plus compliqué. Lorsqu’en février, les premiers rapports venus de la Chine et du Japon signalent qu’il existait des patients qui avaient été infectés deux fois par le virus, les éminences scientifiques ont dit que cela pouvait s’expliquer par un problème de contamination des tests. Notre immunité ne produit-elle pas des anticorps (protéines qui se lient au virus pour l’empêcher de pénétrer dans les cellules du corps, NDLR) qui nous protègent ? Sauf que, comme sur de nombreux autres aspects, les choses se passent autrement lorsqu’il s’agit du covid-19.
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Depuis une centaine de cas d’une seconde infection au covid-49 ont été relevés par les autorités sanitaires sud-coréennes. En Belgique aussi, le phénomène est probablement plus fréquent qu’on ne le pense, bien que cela soit difficile à prouver puisqu’aucun test n’a été effectué dans ce sens dans notre pays.
Juste de la malchance
Evelyne (28 ans) de Louvain pensait être hors de danger après avoir contracté le covid-19 au début du mois de mars. « Comme aucun test n’a été effectué au début de la crise, je ne suis pas sûre à 100 % qu’il s’agissait bel et bien d’une infection au covid-19, mais tout indique que c’est le cas », déclare Evelyne. J’avais tous les symptômes classiques tels que les maux de tête, la toux, la fièvre, les douleurs musculaires, la perte de goût et une fatigue extrême. De plus, une semaine plus tard, mon père a été hospitalisé et lui a été testé positif au covid-19.
Evelyne va être complètement remise après quelques semaines. Début juin, de façon soudaine, elle se sent mal. Les symptômes tels que les douleurs musculaires, la toux et la fatigue sont de retour, bien que sous une forme plus légère que la première fois. « Je me suis senti un peu bête quand j’ai fait un test chez mon médecin de famille, parce que j’avais déjà eu la maladie. Pourtant, le test s’est avéré positif… »
Au bout de deux semaines, Evelyne était de nouveau sur pied, mais elle s’est posé beaucoup de questions sur sa « deuxième infection Corona ». Son médecin ne pouvait pas exclure la possibilité, bien qu’il n’y ait pas de preuve scientifique à ce sujet aujourd’hui, que le virus soit resté latent dans l’organisme et fasse des poussées de temps en temps. Néanmoins, cette seconde infection va être source de stress pour Evelyne. « J’ai cherché frénétiquement toutes sortes d’explications possibles. Certains articles scientifiques parlaient même de la « polio du XXIe siècle ». Cela m’a rendu si paranoïaque que j’ai dû mettre le holà. Maintenant, je pense que j’ai juste joué de malchance et que j’ai peut-être été « réinfecté » avec une forme mutée du virus comme un rhume. Cette explication me rassure, car je sais que mon corps peut y résister.
« Coup de semonce pour moi et mes amis »
Barbara (31 ans) d’Anvers aurait dû normalement être en vacances dans les Ardennes. Au lieu de cela, elle est en ce moment en quarantaine chez elle, car elle est infectée par le covid-19. Pourtant, elle l’avait déjà été le 18 mars. Barbara n’a, elle non plus, pas été testée la première fois, mais les symptômes ne laissent aucun doute : « J’ai eu beaucoup de maux de tête, de gorge et une fatigue indescriptible. Pour donner un exemple : à un moment donné, j’ai dû mettre un tabouret dans la douche pour pouvoir prendre une douche. Mon sens du goût et de l’odorat avait également complètement disparu. Après environ trois semaines, j’étais complètement remise, à l’exception de mon odorat ».
Lorsque Barbara se rend la semaine dernière à l’hôpital pour y subir une opération, on la teste au covid-19 comme le veut la procédure. À sa grande surprise, et à celle du personnel infirmier, le test s’est avéré positif. « J’ai soudain compris pourquoi j’étais si épuisé depuis dix jours. Je pensais que c’était à cause du travail et j’attendais vraiment avec impatience mes vacances. Mon odorat n’était lui jamais revenu depuis la première infection. Ce n’est qu’en cas de forte odeur, que je sens comme un parfum de banane trop mûre avec un relent chimique. »
Cette deuxième infestation est-elle un vestige de la première ? Personne ne peut le dire à Barbara. « Comme je présentais à nouveau des symptômes, une explication possible pourrait être que les anticorps ont disparu de mon sang après deux ou trois mois et que j’ai été à nouveau infecté. Ce fut un coup de semonce pour moi, mais aussi pour mes amis. C’est vraiment loin d’être fini« , soupire Barbara.
Infecté une deuxième fois, comment est-ce possible ?
Le nouveau coronavirus n’est pas présent depuis assez longtemps pour que nous sachions comment fonctionne l’immunité. Par exemple, il n’est pas encore clair s’il existe un lien entre la gravité des symptômes de la maladie et la force de la réponse immunitaire. Une infection bénigne offre-t-elle une protection suffisante ? Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), par exemple, tout le monde ne développe pas suffisamment d’anticorps pour être considéré comme immunisé contre le covid-19. Ces personnes peuvent donc être réinfectées.
Un autre cas de figure est ces personnes qui ont déjà été infectées et qui ont encore des traces d’infections dans le sang. Ce qui fait qu’elles sont testées positives même sans symptômes. Des recherches menées par le Centre sud-coréen de contrôle des maladies montrent par contre que ces personnes ne sont plus contagieuses, car il s’agit de matériel génétique du virus et non de particule contagieuse du virus.
Il se peut aussi que l’infection ait été causée par une mutation du virus, comme c’est le cas pour le virus de la grippe chaque année. Pour l’instant, il n’y a cependant pas de preuve concluante que le coronavirus mute effectivement assez vite pour que les anticorps accumulés ne le reconnaissent plus.
Les anticorps disparaissent rapidement de l’organisme
Il a par contre été démontré que, parfois, chez les patients qui ont accumulé suffisamment d’anticorps, ces anticorps disparaissent tout de même. Une première étude à long terme du King’s College London a ainsi montré que les anticorps atteignent un pic environ trois semaines après les premiers symptômes, puis diminuent rapidement jusqu’à ce qu’ils ne soient plus perceptibles, parfois après environ trois mois.
Les personnes qui ignorent les mesures de distanciation sociale parce qu’elles croient que nous pouvons contenir le covid-19 grâce à l’immunité collective en sont donc pour leurs frais.
Une recherche de l’Université d’Anvers a elle récemment montré que le nombre d’échantillons de sang de Belges contenant des anticorps a d’abord augmenté en passant de près de 3 à plus de 6, voire 7 pour cent, avant de chuter il y a peu à 5,5 pour cent. Cela peut indiquer que les anticorps sont en train de disparaître du sang. Mais aussi que nous pouvons être « réinfectés » en permanence.
De quoi oublier la stratégie de l’immunité collective ou la piste du traitement par plasma dans laquelle le sang contenant des anticorps de patients guéris est administré aux patients. En outre, un vaccin qui induit des anticorps en administrant un morceau du virus ne conférerait pas une protection de plus de quelques mois et devrait donc être réactualisé et réadministré chaque année.
Cela ne veut pas dire que l’on va tous contracter le covid-19 tous les trois mois. Des pistes comme le renforcement de la mémoire immunologique à travers ce qu’on appelle des lymphocytes T sont prometteuses. Ces cellules responsables de la destruction des pathogènes extra-cellulaires agissent directement en injectant des substances toxiques dans les cellules infectées. Quelqu’un qui utilise ses cellules T pour combattre le coronavirus doit donc moins utiliser de ses anticorps. Les recherches dans ce domaine pourraient se montrer particulièrement utiles tant en ce qui concerne un éventuel vaccin que dans ce qu’on appelle la construction d’une mémoire immunologique. Cette mémoire immunologique crée de nouveaux lymphocytes T et de nouveaux anticorps lorsqu’une nouvelle infection se produit, mais plus rapidement. De sorte que la réponse immunitaire est immédiatement déclenchée et que les symptômes sont plus légers. Ainsi, le système immunitaire humain pourrait tout de même être capable de faire face à d’éventuelles « réinfections » par le covid-19.
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