Essai Discovery: des résultats incertains, une coopération qui patine
Lenteurs pour enrôler des patients, coopération européenne qui patine… L’essai Discovery destiné à trouver un traitement efficace contre le Covid-19 ne livrera probablement pas de conclusions avant plusieurs semaines, en dépit du calendrier plus optimiste évoqué par le président français Emmanuel Macron.
Cet essai clinique coordonné par l’Inserm (l’organisme public français de recherche médicale) pour tester quatre traitements, dont la controversée hydroxychloroquine, suscite de fortes attentes. Quand l’essai démarre, le 22 mars, les premières réponses sont espérées en quelques semaines. Puis la Pr Florence Ader, qui pilote l’étude, prévient qu’il faudra attendre « au moins la fin » avril pour les « premières tendances ». Mais rien ne sort. Et lundi, le président Macron annonce « des résultats le 14 mai » pour Discovery, évoquant « une étape importante » même s’il reconnaît que pour l’heure « on n’a rien de concluant ».
Un comité indépendant doit se réunir lundi pour analyser les données recueillies et dire si un « signal d’efficacité » se dégage pour l’un des traitements testés. Mais « la probabilité » que rien n’émerge encore et qu’il recommande simplement de poursuivre les inclusions de nouveaux patients « est la plus importante », estime le Pr Yazdan Yazdanpanah, patron du consortium de recherche REACTing qui chapeaute Discovery, sollicité par l’AFP. En cause, le trop faible nombre de patients enrôlés actuellement pour conclure: 740, alors que ses organisateurs tablaient sur 3.200.
Les quatre traitements évalués n’étant pas des molécules conçues spécifiquement pour cibler le nouveau coronavirus mais des médicaments déjà existants « repositionnés », on s’attend à ce qu’ils aient une efficacité « partielle », a expliqué mercredi l’infectiologue Florence Ader, auditionnée par le Sénat. Or « plus les molécules sont partiellement efficaces, plus il faut de patients dans les essais » pour pouvoir déterminer de façon fiable s’ils apportent un réel bénéfice, a-t-elle ajouté.
Les méthodologistes de l’essai Discovery ont ainsi calculé qu' »il faudrait au moins 600 patients par bras », c’est-à-dire par traitement testé: l’antiviral remdesivir, l’association lopinavir/ritonavir (Kaletra), ces anti-rétroviraux combinés avec l’interferon beta, l’hydroxychloroquine, dérivé de l’antipaludéen chloroquine. Plus un cinquième groupe de patients recevant des « soins standards », référence pour évaluer le bénéfice des autres traitements.
Pas de « molécule miracle »
Pour atteindre cette taille critique, il devient urgent que d’autres pays européens incluent des patients, alors que l’épidémie reflue et que « le rythme des inclusions dans l’essai a considérablement ralenti en France », du fait de la baisse du nombre de nouveaux cas après sept semaines de confinement, selon la Pr Ader.
Initialement, au moins sept pays dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne ou la Belgique avaient annoncé leur participation. Mais pour l’instant, seul « un patient » a été inclus hors de France, au Luxembourg, a reconnu la chercheuse. « Aucun pays ne s’en est retiré mais les échanges avec les partenaires européens sont longs notamment pour des questions d’harmonisation réglementaire qui sont incontournables », a indiqué l’Inserm à l’AFP. « Nous ne rencontrons pas de mauvaise volonté », a assuré Florence Ader aux sénateurs, regrettant malgré tout ce temps perdu « pour comprendre les circuits de gestion réglementaires d’un pays à un autre », alors que la mise en place du protocole et les autorisations en France s’étaient faites en un temps record.
Pour certains pays, les 4.500 à 5.000 euros que coûte chaque patient inclus dans l’étude peuvent aussi être un problème, et des discussions sont en cours avec l’Union européenne pour débloquer une enveloppe dédiée, a-t-elle ajouté. « Ça ne veut pas dire que ça n’avance pas, mais ça avance lentement », a pour sa part indiqué à l’AFP le Pr Yazdanpanah, qui avait déploré la semaine dernière ces blocages dans Le Monde en y voyant un « échec » de l’Europe de la recherche. « On est en train de commencer » les inclusions de patients « en Autriche et au Portugal, et j’espère l’Allemagne », a-t-il assuré.
La Pr Ader se demande aussi s’il ne faudrait pas juguler « l’épidémie de recherche » suscitée par le Covid-19. Sur plus de 800 essais cliniques en cours dans le monde rien que sur des traitements potentiels, beaucoup sont « avortés dans l’oeuf », avec souvent très peu de patients ou avec des méthodologies pas suffisamment « robustes », estime-t-elle. Pour « répondre rapidement aux questions » que l’on se pose sur l’efficacité des traitements, il vaudrait mieux concentrer les efforts sur quelques « grosses études », selon l’infectiologue.
En dépit des espoirs importants, notamment ceux placés par certains médecins et responsables politiques dans l’hydroxychloroquine, il ne faut pas s’attendre à une « molécule miracle », car sinon, les chercheurs qui ont démarré des essais plus tôt, en Chine et en Italie, « l’auraient déjà trouvée », prévient-elle. Même avis chez le Pr Yazdanpanah: « Si c’était des molécules hyper efficaces, on l’aurait su déjà ».
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici