Deuil incompris: pourquoi il est normal de se pas se remettre de la mort d’un animal de compagnie
Un adulte met, en moyenne, 8 à 10 mois pour se remettre du deuil d’un animal de compagnie. Un deuil souvent mécompris… mais tout à fait naturel à ressentir, tant les compagnons à quatre pattes peuvent structurer les vies de leurs propriétaires.
Actuellement, 53% des Belges possèdent un animal de compagnie, soit une progression notable de 10% par rapport à 2018. Le pays compte ainsi par exemple environ 1,6 million de chiens domestiques, répartis chez quelque 1,3 million de propriétaires. Les Belges dépenseraient 3,5 milliards d’euros chaque année pour leur animal de compagnie (nourriture, soins, jouets, médicaments…), selon une étude de Comeos réalisée en 2022. Ils les chouchoutent, leurs animaux… Et, forcément, quand ceux-ci disparaissent, le deuil peut être difficile à gérer. Car aussi souvent mal compris.
Nienke Endenburg, psychologue clinique et enseignante à la faculté de médecine vétérinaire de l’université d’Utrecht, aux Pays-Bas, accompagne depuis plusieurs années des personnes en deuil d’un animal de compagnie: « Il arrive que ce chagrin cache d’autres problèmes que le décès de l’animal fait soudain remonter à la surface, mais ce n’est pas systématique. Perdre un compagnon auquel on était attaché suffit déjà pour provoquer une profonde tristesse. Certains s’interrogent sur le fait que celle-ci se prolonge plus que de raison, après la mort d’un animal. Pourtant, d’après des études réalisées aux Pays-Bas et aux États-Unis, il faut en moyenne 8,5 à 10 mois aux propriétaires (adultes) de chiens et de chats pour faire leur deuil. Donnez-vous donc tout le temps qu’il faut… et surtout, parlez-en. C’est toujours salutaire lorsque l’on perd un être cher. »
Deuil d’un animal de compagnie, entre pitié et manque d’empathie
Or c’est justement souvent là que le bât blesse. Une semaine après la mort de leur compagnon à quatre pattes, de nombreuses personnes n’osent déjà plus en parler avec leurs collègues ou amis par peur des regards de pitié ou des remarques indélicates, comme le classique: « Pourquoi tu n’en adoptes pas un autre? ». La journaliste néerlandaise Antoinnette Scheulderman en a fait la pénible expérience lors du décès de Bubbels, son teckel adoré. « Comme si ma chienne n’avait été qu’un vieux canapé qu’on remplace plutôt qu’un individu avec une forte personnalité, avec qui j’étais complètement sur la même longueur d’ondes, témoigne-t-elle. J’aime avoir une vie bien organisée, et Bubbels adorait la routine. »
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« Elle met ici le doigt sur l’une des grandes causes de la détresse que peut nous causer la mort d’un animal de compagnie, souligne Nienke Endenburg. Nos animaux nous forcent à adopter des habitudes nécessaires pour eux, mais qui contribuent aussi à structurer notre vie et ont donc un sens pour nous. Quand on perd un chien, plus besoin de le sortir: quand on va prendre l’air, on le fait soudain juste pour soi-même, ce qui peut créer un sentiment de malaise. »
Une vague d’émotion pure
Le désarroi et l’intense sensation de manque que nous ressentons parfois après la mort d’un animal, c’est le revers de tout ce qu’il nous a apporté de positif à tant d’égards, poursuit la psychologue. Bien des amis des animaux se reconnaîtront certainement dans le ressenti d’Antoinnette Scheulderman: « Alors que je suis anxieuse de nature, Bubbels me montrait comment aborder chaque journée sans peur et la croquer à pleine dents. Les animaux nous comprennent souvent sans avoir besoin de mots. Ils nous acceptent tels que nous sommes, avec toutes nos imperfections. Bubbles me donnait à chaque fois une leçon de patience, alors que ce n’est pas franchement ma qualité première – et la flexibilité non plus. Mais avec un animal, en particulier un chien, on n’a pas le choix. » Et elle souligne: « La meilleure description que j’aie jamais entendue de l’émotion que l’on peut ressentir face à son compagnon à quatre pattes vient du présentateur belge et grand ami des animaux Chris Dusauchoit : ‘Parfois, quand mon chien me regarde, je suis envahi par une vague d’émotion pure, comme si un liquide chaud me coulait dans les veines’. »
En reprendre un, malgré tout?
« La recherche affirme depuis longtemps qu’avoir un animal de compagnie contribue à notre bien-être global, reprend Nienke Endenburg. Prenons donc au sérieux le chagrin que les gens ressentent parfois encore bien longtemps après la mort de leur animal de compagnie… et ce même s’ils en ont repris un autre, comme le font bien des amis des animaux. Cela ne signifie en effet pas qu’ils ne pleurent plus leur ancien compagnon. » Comme l’affirme si bien Antoinnette Scheulderman: « Dizzy, c’est un nouvel amour qui ne remplace pas l’ancien. » Ou, pour reprendre les mots de la romancière américaine Erica Jong: « Les chiens entrent dans notre vie pour nous apprendre l’amour et la loyauté, ils en sortent pour nous apprendre le deuil. Un nouveau chien ne remplace jamais l’ancien, il ne fait qu’agrandir le coeur. Ceux qui ont aimé beaucoup de chiens ont un coeur immense ».
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