Dépistage du cancer de l’intestin : « Ne reportez pas votre examen «
Le Covid a un impact sur le diagnostic du cancer de l’intestin en Belgique. Il s’agit pourtant de la deuxième cause de décès par cancer en Belgique. Le spécialiste des maladies gastro-intestinales Luc Colemont est inquiet. « On vous offre la possibilité d’éviter le pire, ne laissez pas passer cette chance ».
Les chiffres du registre belge du cancer montrent qu’au cours du premier semestre de l’année dernière, on a diagnostiqué 20 % de cancers du côlon en moins. Cette situation est due en partie à une interruption temporaire du dépistage dans la population, à un retard dans les soins et à la peur des patients d’aller à l’hôpital.
Aujourd’hui, plus que jamais, Luc Colemont, le moteur de Stop Bowel Cancer, s’époumone à faire passer le message. « Faites. Le. Test ! Il n’y a pas que le covid qui tue. Chaque jour, on annonce à 23 Belges qu’ils souffrent d’un cancer de l’intestin. Chaque jour, on enterre dix personnes mortes d’un cancer de l’intestin. Nous pourrions en éviter au moins la moitié. C’est indigne d’un État providence » dit Colemont.
Le déclin des diagnostics de cancer du côlon est-il alarmant ?
Luc Colemont : « Covid a balayé tout et tout le monde sur son passage. Beaucoup de cancers du côlon que nous aurions normalement dû détecter n’ont pas été diagnostiqués. Jusqu’à cinq mois de retard, ce n’est probablement pas trop problématique. Mais là on est souvent à huit mois et on bascule dans autre chose. Par exemple, un cancer de l’intestin qui était parfaitement traitable par une simple chirurgie en mars dernier nécessite aujourd’hui d’être accompagné d’une chimiothérapie. Ce n’est pas des spéculations, ce sont des situations auquel on est aujourd’hui confronté dans nos cabinets « .
L’OMS Europe déplore l’impact « catastrophique » du Covid sur le traitement du cancer
L’impact de la pandémie de Covid-19 sur le traitement du cancer est « catastrophique », a déploré jeudi l’OMS Europe, qui a relevé des interruptions dans les services de cancérologie dans un tiers des pays de la zone. »L’impact de la pandémie sur le cancer dans la région n’est rien de moins que catastrophique », a affirmé le directeur de l’OMS Europe, Hans Kluge, à l’occasion de la journée mondiale contre le cancer. Parmi les 53 pays de la région pour l’OMS (dont plusieurs pays d’Asie centrale), un pays sur trois a partiellement ou totalement interrompu ses services de cancérologie à cause de la mobilisation contre la pandémie et des restrictions sur les voyages. « Certains pays ont connu des pénuries de médicaments anticancéreux, et beaucoup ont vu une baisse significative des nouveaux diagnostics de cancer, même dans les pays les plus riches », a noté M. Kluge dans un communiqué, soulignant une aggravation des inégalités à cause de la crise économique. Aux Pays-Bas et en Belgique, lors du premier confinement au printemps 2020, le nombre de cancers diagnostiqués a reculé de 30 à 40%; au Kirghizstan, il a chuté de 90% en avril 2020, a relevé le responsable onusien. D’après les prévisions de l’OMS, au Royaume-Uni, les retards de diagnostic et de traitement devraient entraîner une augmentation de 15% des décès dus aux cancers colorectaux, et de 9% pour le cancer du sein au cours des cinq prochaines années. Dans la région Europe, les cancers, le diabète et les maladies respiratoires chroniques sont responsables de plus de 80% des morts chaque année. L’OMS entend remobiliser les autorités avec une initiative concentrée notamment sur la prévention, la détection précoce et l’accès pour tous au diagnostic et au traitement.
Cela va-t-il coûter des vies à long terme ?
Cela va probablement augmenter le taux de mortalité de quelques pourcents. Mais je pense surtout à la souffrance que nous aurions pu éviter, parce que c’est une grande misère de devoir passer par quelque chose comme ça. Les coûts pour le gouvernement seront également élevés. L’INAMI devra désormais rembourser davantage pour des traitements coûteux qui n’auraient peut-être pas été nécessaires s’il n’y avait pas eu de report des rendez-vous à cause du covid ».
Le dépistage de la population pour les personnes âgées de 50 ans et plus a été arrêté pendant un certain temps lors de la première vague de covid. A quel point est-ce problématique ?
Colemont : « Heureusement, la pause n’a duré que deux mois environ. L’arriéré est en train d’être résorbé. Il existe des mesures covid supplémentaires pour les examens intestinaux dans les hôpitaux, ce qui permet de programmer moins d’examens. Mais tout le monde fait son possible pour limiter les dégâts. Nous ne savons pas non plus quel est l’impact sur la participation au dépistage de la population. Il faut espérer que cette crise sanitaire a sensibilisé la population à l’importance de la prévention. En 2019, 51,1 % ont été testés. Pour les chiffres de 2020, nous devrons attendre la fin de l’année. C’est malheureux, car les données sont là, mais elles se trouvent à différents endroits dans différents ordinateurs. Il est important de disposer de ces chiffres le plus tôt possible afin de pouvoir procéder rapidement à des ajustements. Je demande donc la création d’un « tableau de bord du cancer du côlon ». Si vous pouvez dire combien de personnes sont infectées et admises à l’hôpital chaque jour pour des malades du covid, vous devriez pouvoir faire de même pour le cancer colorectal. Grâce au dépistage de la population, nous avons maintenant moins de cancers de l’intestin qu’avant le début du dépistage. C’est une excellente nouvelle ! Il serait dommage que tous les efforts de ces dernières années soient anéantis par le covid.
Selon une étude d’Eurostat, la Belgique est à la traîne en termes de dépenses publiques pour la prévention (1,7 % contre une moyenne européenne de 2,8 %).
« La prévention n’est pas la solution à tout, mais elle fonctionne. L’étude sur la population le démontre clairement. Nous devrions faire au moins aussi bien que la moyenne européenne, voir espérer figurer parmi les trois premiers pays. On n’est jamais trop ambitieux à cet égard. Il faut non seulement augmenter le budget de la prévention, mais aussi les moyens de communication. Il existe une importante marge d’amélioration. Une étude italienne a montré que l’une des principales raisons pour lesquelles une personne ne participe pas à l’étude de population est le manque de connaissances. Chaque jour, j’entends un de mes patients me dire : « Personne ne m’a jamais dit que c’était si important ». Vous avez la possibilité d’éviter le pire, ne laisser pas passer votre chance.
Pourquoi le cancer de l’intestin est-il de plus en plus fréquent chez les jeunes ?
« Si je le savais, je bombarderais les médias sociaux avec ça jour et nuit. Est-ce en rapport avec notre mode de vie, le système immunitaire, la flore intestinale, le manque d’exercice, la pollution de l’air ? Nous ne savons pas. Mais nous ne pouvons que constater que c’est malheureusement un fait. Nous ne devrions pas attendre de connaître l’explication pour agir.
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