Covid: une couverture vaccinale de 70% est-elle suffisante ?
Depuis le début de l’épidémie de Covid, le message est clair: il faut que 70% de la population soit vaccinée pour atteindre l’immunité collective et reprendre une vie normale. Mais cette affirmation est désormais remise en question.
Pour venir à bout de l’épidémie et espérer retrouver une vie sociale et économique normale, l’immunité collective doit être atteinte. Pour cela, il faut vacciner « au moins 70% de la population ». Du moins c’est ce que nous assènent autorités et OMS depuis des mois. En Belgique, où la vaccination se fait sur base volontaire, cela représente au moins 8 millions de citoyens. C’est donc tout naturellement l’objectif que la Belgique s’est fixé dès le lancement de la campagne de vaccination.
70% ou 90% ?
Mais cela suffit-il ? Des experts remettent aujourd’hui ce pourcentage en question, notamment à cause des variants. C’est notamment l’avis d’Hans-Willem Snoeck, professeur de microbiologie et d’immunologie (université de Columbia), qui suggère de viser 90%. « La question est de savoir si nous voulons simplement éviter d’autres grandes épidémies catastrophiques. Ou voulons-nous reprendre toutes nos activités de manière normale et sûre ? Alors ces 70% ne seront pas suffisants », déclare-t-il au journal De Morgen.
« Maintenant, nous savons que vacciner 70% de la population sera insuffisant pour contrôler l’épidémie », indique également l’épidémiologiste Pierre Van Damme (UAntwerpen) dans Het Belang van Limburg. Le biostatisticien Geert Molenberghs (UHasselt/KU Leuven) est également de cet avis. « 80% serait bien, 90% encore mieux. Bien sûr, 70 % auraient déjà un impact énorme. Mais alors le virus continuera à circuler, tout comme nous ne sommes pas encore débarrassés de la tuberculose et du VIH », déclare-t-il dans De Morgen.
Les variants changent la donne
Ce taux vaccinal de « 70% » est basé sur le R0, le « taux de reproduction basal ». Ce chiffre indique le nombre de personnes qu’infecte une personne sans aucune mesure ou immunité dans la population. Pour le coronavirus, il est estimé entre 2,5 et 3,5. En Belgique, les experts ont conclu que nous sommes étions plus proches de 3,5 et que 70% était le taux clé pour atteindre une immunité collective. Mais cela a été calculé sur le coronavirus « classique ». Aujourd’hui, d’autres variants (britannique, sud-africain et brésilien) circulent. Ils sont plus contagieux et remplacent peu à peu la souche classique. Si ces variants deviennent dominants, la valeur du R0 va augmenter, et avec elle le taux à atteindre pour une immunité de groupe.
De plus, on ne peut pas assurer que chaque personne vaccinée est immunisée à 100%. Et cela dépend du type de vaccin. L’efficacité des vaccins Pfizer et Moderna est particulièrement élevée, à 95%. Chez AstraZeneca, il se situe entre 62 et 85 %, selon le temps écoulé entre les doses. L’efficacité des vaccins dépend elle aussi des variants. Une couverture vaccinale de 70% permettrait cependant de briser de nombreuses chaînes de transmission.
Ce risque ne fera par ailleurs qu’augmenter tant que d’autres régions du monde n’auront pas encore accès au vaccin. Si toutes les régions du monde sont vaccinées sauf une, le virus pourra continuer à circuler et muter. On prendrait alors le risque qu’une souche contre laquelle le vaccin protège moins fasse à nouveau le tour du monde.
Réaliste ?
Admettons que ce taux doive effectivement être plus important. La Belgique peut-elle l’atteindre ? Selon le dernier baromètre sur la motivation des Belges, la volonté de se faire vacciner contre le Covid diminue et est loin d’atteindre 90%. « En théorie c’est bien beau, mais encore faut-il pouvoir y parvenir… Un taux de vaccination de 80% doit tout de même être possible », estime Pierre Van Damme.
Questionné sur le sujet, le virologue Marc Van Ranst estime que cela sera très difficile. « L’immunité au sein de la population est en effet plus facile à obtenir avec un vaccin qui protège à 95% qu’avec un vaccin qui ne protège qu’à 60 à 70% contre certaines souches », explique-t-il à HLN. « On peut partiellement résoudre ce problème en vaccinant une plus grande partie de la population. Mais ces 90% seront bien sûr très difficiles à atteindre. »
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