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Covid: le plan de bataille pour vacciner l’Europe

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Depuis des mois, l’Union européenne négocie et signe des contrats avec des firmes pharmaceutiques pour se procurer suffisamment de doses de vaccins contre le Covid-19. Des contrats qui ne dépendent pas des différentes annonces d’efficacité qui se sont succédées ces dernières semaines, mais de multiples facteurs.

L’UE, prudente ou pointilleuse ?

Si l’UE fait montre d’une véritable stratégie de vaccination et d’une coordination inédite, dans les faits, il y a un léger retard. Pour le vaccin Moderna par exemple, dont le contrat a été annoncé ce mardi, des « discussions avancées » avaient été annoncées le 24 août entre Moderna et la Commission européenne pour l’achat de 80 millions de doses du vaccin, mais aucun engagement ferme n’a été signé depuis. Entre temps, la biotech américaine a signé avec le Canada, le Japon, Israël, le Royaume-Uni… Sans compter les 100 millions de doses promises début août aux Etats-Unis. Avec l’UE, « il y a plein de choses administratives, les dossiers, des alignements entre les pays (…) C’est clair que d’avoir pris du retard, ça ne va pas limiter la quantité totale, ça va ralentir la livraison », a prévenu le patron de Moderna Stéphane Bancel.

Mais la Commission européenne défend bec et ongles sa gestion des pourparlers. « Nous avons commencé les discussions avec les développeurs de vaccins extrêmement tôt, avant l’été! Nos discussions se poursuivent parallèlement au développement des vaccins », a indiqué le porte-parole de l’exécutif bruxellois Eric Mamer. « Nous ne conditionnons pas la signature d’un contrat à aucune annonce spécifique. Le fait est que, dans plusieurs cas, les discussions préliminaires ont été conclues bien avant une quelconque annonce » de succès.

De multiples critères

« Est-ce qu’on signe des contrats simplement parce que tout à coup, il y a des informations positives dans la presse? Ce n’est clairement pas le cas », a abondé Stefan de Keersmaecker, autre porte-parole. Traduire les discussions exploratoires en accord d’achat ferme est « une négociation complexe, très technique, cela prend du temps (…) et doit s’appuyer sur des preuves scientifiques. »

Selon lui, de multiples critères sont pris en compte: les capacités de production de la société concernée, les coûts d’investissement nécessaires, les technologies utilisées… cela fait partie d’un package de négociations qui mène à un certain nombre de doses et à un certain prix. « Pour la commission, le vaccin ne doit pas seulement être effectif et sûr, mais aussi abordable, c’est un principe important pour notre stratégie. »

Un portefeuille complet et diversifié

En attendant, on pourrait résumer la stratégie européenne comme suit : ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Objectif : avoir accès à un vaccin sûr et efficace, le plus rapidement possible, et vacciner le plus de citoyens européens. Les contrats passés avec les firmes pharmaceutiques sont nombreux : six contrats avec celui annoncé ce mardi avec Moderna, et un septième en cours, pour lequel nous n’avons pas encore de précisions.

AstraZeneca-Oxford : jusqu’à 400 millions de doses

Johnson & Johnson : jusqu’à 400 millions de doses

Sanofi-GSK : jusqu’à 300 millions de doses

Pfizer-BioNTech : jusqu’à 300 millions de doses

CureVac : jusqu’à 405 millions de doses

Moderna : 160 millions de doses

« Nous sommes en train de constituer l’un des portefeuilles de vaccins contre le Covid-19 le plus complet au monde », se réjouit la président de la Commission européenne Ursula von der Leyen. « Il fournira aux Européens un accès aux vaccins les plus prometteurs en cours de développement ».

C’est pour quand ?

Ces vaccins ne seront toutefois pas livrés tout de suite. Hors de question de les intégrer dans un protocole de vaccination tant qu’ils n’auront pas prouvé qu’ils sont sûrs et efficaces. La distribution de tout vaccin sera notamment suspendue au feu vert du régulateur, l’Agence européenne des médicaments (EMA).

Basé à Amsterdam, cet organisme a pour mission d’autoriser et contrôler les médicaments dans l’Union Européenne. Le feu vert final, donné par la Commission européenne, permet à des laboratoires de commercialiser leur médicament dans toute l’UE. « Il est difficile à ce stade de prédire avec précision les délais pour l’autorisation des vaccins, car nous n’avons pas encore toutes les données et les examens continus sont actuellement en cours », explique l’Agence. « En fonction de la progression de l’évaluation, l’EMA pourrait en effet être en mesure de conclure l’évaluation des candidats les plus avancés vers la fin de cette année ou le début de l’année prochaine. »

L’EMA a mis sur pied une procédure accélérée, qui lui permet d’examiner les données de sécurité et d’efficacité des vaccins au fur et à mesure de leur parution, avant même qu’une demande formelle d’autorisation soit déposée par le fabricant. Oxford/AstraZeneca, Pfizer/BioNTech et Moderna sont les trois projets de vaccin soumis à cet examen continu.

La stratégie belge

Pour son approvisionnement en vaccins, la Belgique participe à la procédure européenne d’achats anticipés. D’ici là, il faut déterminer les groupes qui devraient bénéficier d’un accès prioritaire aux vaccins. La Commission a transmis aux Etats un document basé sur des recommandations scientifiques, mettant en avant les éléments à prendre en compte pour prioriser les vaccinations. La Commission a donc demandé aux Etats d’implémenter cela au niveau national, et de transmettre leurs stratégies de vaccination.

En Belgique, les premiers vaccins contre le coronavirus seront administrés en priorité au personnel des soins de santé. Ensuite, aux citoyens âgés de plus de 65 ans et à ceux souffrant de maladies tels que le diabète ou une insuffisance rénale, a annoncé cette semaine Alexander De Croo. « Ces trois groupes représentent ensemble environ 20% de la population », selon le Premier ministre. « En les protégeant d’abord, nous pouvons éviter que la pression sur les hôpitaux ne devienne trop forte si le virus circulait à nouveau, car ce sont les personnes vulnérables qui se retrouvent le plus vite à l’hôpital ».

Le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke est quant à lui confiant dans la stratégie de vaccination qui sera adoptée par notre pays. Une task force a par ailleurs été mise en place avec à sa tête Dirk Ramaekers, directeur médical de l’hôpital Jessa à Hasselt, et Yvon Englert, ancien recteur de l’ULB. Selon eux, notre pays sera prêt à temps. Une certitude cependant : les vaccins seront administrés sur base volontaire et gratuite. L’objectif est de vacciner au moins 8 millions de Belges.

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