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Covid : Comment peut-on développer un vaccin aussi rapidement alors qu’on attend toujours celui du VIH ?

Marie Gathon Journaliste Levif.be

Le laboratoire Pfizer a annoncé avoir développé un vaccin contre la Covid-19 efficace à 90% et qui pourrait être disponible dans quelques mois. Comment cela a-t-il été possible, alors que le virus était encore inconnu il y a moins d’un an ? Nous faisons le point.

Lors d’une opération exceptionnelle, Levif.be répond à vos interrogations sur le Covid. Aujourd’hui, nous répondons une question sur le vaccin :

Comment se fait-il qu’un vaccin contre la Covid-19 puisse être développé en moins de 18 mois, alors qu’il n’y a toujours pas de vaccin contre le SIDA, apparu il y a près de 40 ans ?

Tout d’abord, il faut préciser qu’aucun vaccin contre la Covid-19 n’a encore fait ses preuves. Des scientifiques tempèrent d’ailleurs l’euphorie liée à l’annonce de Pfizer ce lundi, et font remarquer que les informations publiées sont prometteuses, mais encore incomplètes. Elles n’ont, à ce stade, pas encore été examinées par des pairs et publiées dans une revue médicale.

Au-delà du gros effet d’annonce, pour certains scientifiques, il ne s’agit pas d’une preuve concluante que le vaccin est sûr et efficace, le résultat initial de plus de 90 % d’efficacité pourrait même changer à mesure que l’essai se poursuit.

Il manque encore certaines données, comme la durée de l’efficacité du vaccin qui est, pour l’instant, totalement inconnue.

De plus, ce type de vaccin, dit à ARN, n’a encore jamais obtenu d’autorisation de mise sur le marché. Mais la société pharmaceutique Pfizer espère obtenir toutes les autorisations d’ici la fin du mois de novembre. La firme a déjà prévu de produire 1,3 milliard de doses d’ici fin 2021.

Quoi qu’il en soit, si un vaccin contre la Covid-19 est effectivement mis sur le marché dans le courant de l’année 2021, ce sera extrêmement rapide. Il faut en effet en moyenne 7 à 10 ans pour développer un nouveau vaccin, nous expliquait cet été Sophie Lucas, immunologue à l’UCLouvain.

Alors, comment cela se fait-il que des chercheurs sont sur le point de réussir une telle prouesse ?

Avec la pandémie de coronavirus, il faut dire que l’urgence de la situation a très fortement changé la donne. Beaucoup de chercheurs et de laboratoires se sont mobilisés face à l’amplitude de la pandémie. Beaucoup d’argent et de ressources humaines ont donc été investis en même temps dans le problème.

« Pour gagner du temps, certains laboratoires ont également commencé la production des vaccins en masse, alors que les essais cliniques sont toujours en cours (c’est d’ailleurs le cas de Pfizer actuellement avec son candidat-vaccin). Ce qui implique de prendre des risques financiers importants pour les firmes pharmaceutiques », nous explique Sophie Lucas.

Si la recherche avance et que les nouvelles semblent bonnes, il ne faut toutefois pas vendre la peau de l’ours… le vaccin contre la Covid-19 n’est pas encore sur le marché.

Pourquoi n’a-t-on toujours pas de vaccin contre le SIDA ?

La difficulté à trouver un vaccin pour le SIDA tient surtout de la complexité du virus et de sa capacité à muter. Il est d’ailleurs surnommé le virus aux mille visages. Difficile dans ces conditions de trouver le meilleur antigène pour le combattre afin de créer un vaccin efficace.

Un des points cruciaux pour lutter contre l’infection par le VIH est la production d’anticorps à fort pouvoir neutralisant (appelés bNAbs) et capable de reconnaître plusieurs souches du virus. C’est la production de ces anticorps que les scientifiques essayent de reproduire grâce au vaccin. Une tâche éminemment complexe.

Aucune recherche n’a pu mener à une ébauche de vaccin avant 2009, peut-on lire sur le site de Sidaction. Cette année-là, des chercheurs thaïlandais ont réussi à obtenir des résultats intéressants. Ils ont pu, grâce à une association de vaccins, empêcher 30 % des infections au VIH parmi leur population test. Mais cet essai clinique n’entraînait pas une protection suffisante et il a été abandonné.

Depuis 2016, deux essais prometteurs (Uhombo et Imbokodo) sont en cours. L’essai Imbokodo a pour but de développer un vaccin préventif capable de protéger contre plusieurs variantes du virus. Pour cela, les équipes de recherche de l’École de médecine d’Harvard, menées par le professeur Dan Barouch, et l’industrie pharmaceutique Janssen ont développé un vaccin dit « mosaïque ». Les premiers résultats de l’essai Imbokodo sont attendus pour 2021.

Le vaccin n’est cependant pas l’unique solution envisagée pour protéger du VIH. L’administration passive d’anticorps bNAbs en prévention est une alternative viable et actuellement testée par l’étude AMP (Antibody Mediated Prevention). Les premiers résultats de cette étude sont attendus cette année.

Existe-t-il différentes sortes de vaccins ?

Il y a autant de vaccins différents qu’il y a de maladie infectieuse contre laquelle on vaccine.

Chaque vaccin est fait à base d’antigène, un dérivé du microbe contre lequel on veut se protéger. En fonction du type d’antigène, on a plusieurs sortes de vaccins.

Il y a les microbes vivants qui infectent d’autres espèces et ne provoquent pas de maladies chez l’homme. C’est le cas de la vaccine qui sert de vaccin contre la variole.

Il y a les microbes vivants qui ont été volontairement diminués en laboratoire et qui ne sont plus capables de provoquer la maladie, mais qui stimulent quand même l’immunité. C’est le cas des vaccins de Pasteur contre le choléra ou la rage, ou encore du vaccin contre la rougeole.

Il y a aussi les virus vivants recombinants, ce sont des vaccins créés à base de souches de micro-organismes rendues inoffensives par voie génétique. Il s’agit d’inactiver précisément, ou d’éliminer -quand ils sont connus – les gènes responsables de leur pouvoir pathogène ou gènes de virulence. On obtient des micro-organismes inoffensifs, mais identiques aux souches naturelles, en apparence, pour le système immunitaire. Il s’agit de la méthode utilisée par Pfizer pour son candidat-vaccin.

>>Covid: le vaccin Pfizer fondé sur une technologie qui n’avait jamais fait ses preuves

Il y a aussi des microbes tués, mais entiers, dits inactivés. Ils ne peuvent plus infecter, mais sont capables d’induire une immunité. C’est le cas du vaccin contre la grippe. Il s’agit donc de virus inactivés qui induisent des anticorps qui ne persistent pas très longtemps. En plus, le virus de la grippe change chaque année, il mute. Ces mutations modifient les antigènes qui sont dans le vaccin. Il faut donc adapter le vaccin chaque année.

On peut également utiliser des sous-unités de microbes, des protéines ou des sous-protéines qui servent d’antigène. C’est le cas du vaccin contre l’hépatite B ou contre le tétanos ou la diphtérie. Ces derniers sont moins efficaces et nécessitent donc plusieurs rappels au cours de la vie pour rester efficaces. Pour le tétanos par exemple, il est nécessaire de faire un rappel tous les dix ans.

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