Coronavirus : le combat sera long
Le secteur des soins de santé est au bord de la crise de nerfs. Applaudis publiquement mais délaissés dans leur quotidien : c’est le sentiment qu’expriment les infirmiers ou les aides-soignants. Pourtant, la bataille contre l’épidémie est loin d’être finie.
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Tous les soirs, à 20 heures, les applaudissements dans les villes et les villages résonnent comme autant de marques de soutien envers le personnel soignant. Eux que l’on présente désormais comme des héros courageux, prompts à gagner cette guerre au péril de leur vie. Dans les couloirs de nos hôpitaux, de nos maisons de repos, des instituts d’aide à la jeunesse ou d’hébergement des personnes handicapées, l’envers du décor se révèle plus complexe et plus sombre. On y manque de tout. De matériel, de lits. D’énergie, parfois et de confiance, souvent. » On fait croire que ce sont des héros, qu’ils partent la fleur au fusil. La vérité, c’est que beaucoup paniquent et refusent de prodiguer des soins parce qu’ils n’ont pas de matériel. C’est la catastrophe à certains endroits « , constate Yves Hellendorff, secrétaire national de la CNE, qui plaide pour que le Conseil national de sécurité fixe un seuil de risques maximal pour prodiguer des soins.
Entre sauver des vies ou protéger la sienne, existe-t-il seulement un point d’équilibre ?
Depuis quelques jours, les témoignages du personnel soignant arrivent en masse. » Tout le monde est sous pression, les gens craquent, pleurent, car ils refusent de rentrer dans les chambres sans du matos de protection. » » 3 h solo pour gérer les covid, les urgences, hospi, néonat, etc. Je n’ai pas de mot pour décrire mon dégoût. » » La dernière nuit, plus de matos ou presque pas pour ma collègue. Tout était sous clé et pas dispo pour elle. » » […] seules les infirmières ont le droit de recevoir des masques et pas les autres travailleurs, comme les aides-soignantes. Ces masques seraient donnés au compte-gouttes, etc. Les travailleurs pleurent et ont peur de ramener un risque d’infection chez eux. »
C’est maintenant la peur au ventre que certains d’entre eux vont travailler. Démunis et pourtant présents. Entre sauver des vies ou protéger la sienne, existe-t-il seulement un point d’équilibre ? Combien de temps tiendront-ils ? Impossible de le dire. Et pourtant le combat s’annonce encore long et intense. Les mesures de confinement et de distanciation sociale ont été prolongées jusqu’à la mi-avril, avec déjà le début du mois de mai en ligne de mire.
Jour après jour, la Belgique tout entière attend donc, et espère. Que le pic de l’épidémie soit enfin derrière elle. Et que les premiers signes de ralentissement de la propagation de l’épidémie se confirment.
Ensuite viendra le temps des leçons à tirer. A-t-on sous- estimé l’ampleur de la propagation ? A-t-on fait preuve d’imprévoyance ? Pourquoi sommes-nous incapables de réaliser un testing à grande échelle dans notre pays ? Un testing qui a pourtant fait ses preuves en Corée du Sud ou en Allemagne pour faire baisser drastiquement le taux de mortalité et qui sera également la clé de voûte pour un retour au travail de centaines de milliers de travailleurs. Faut-il en finir avec la multiplication des niveaux de pouvoir dans la santé ? Quid du travail en réseau des hôpitaux ? Pourquoi n’a-t-on pas trouvé le patient zéro en Belgique ? L’Europe va-t-elle survivre à cette nouvelle crise ?
Et pour nos héros du quotidien, ceux à qui on livre des pralines faute de masques, ceux envers lesquels on exprime notre solidarité chaque soir, dépassera-t-on l’hommage pour acter une revalorisation de leurs métiers ? Car » Merci pour ce que vous faites « , c’est un peu court.
Christophe Leroy et Anne-Sophie Bailly.
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