Après le Covid, la guerre en Ukraine nouveau facteur d’anxiété
Deux ans de Covid et maintenant… la guerre: ce nouveau cataclysme est susceptible de provoquer des angoisses et un sentiment d’insécurité chez les spectateurs de ces événements, y compris parmi les plus jeunes, mettent en garde des experts.
Mercredi matin, deux amies françaises souhaitant rester anonymes échangeaient leurs rêves sur WhatsApp: l’une d’elles s’était fait arrêter par des milices ukrainiennes néo-nazies puis songeait à retirer ses enfants de l’école pour se planquer dans la Creuse. L’autre avait, dans son cauchemar, vécu un bombardement et dû retrouver son vélo sous les décombres pour fuir avec sa carabine.
« La guerre en Ukraine va provoquer, et c’est déjà le cas chez les patients suivis pour des troubles anxieux, un stress majeur supplémentaire, qui s’ajoute à tous ceux qui s’accumulent depuis plusieurs années (vagues de terrorisme, crises sociales, pandémie, dérèglement climatique, etc.) », explique le psychiatre Antoine Pelissolo (CHU Henri-Mondor, Créteil).
« Pour les jeunes générations notamment, cette confrontation brutale avec la réalité de la guerre et donc de la mort possible, au sein même de notre continent et d’un pays qui partage beaucoup de nos valeurs, est un choc qui peut provoquer des angoisses et un fort sentiment d’insécurité », poursuit-il.
« Chez certains s’ajoute encore un désespoir devant l’accumulation des crises, avec l’impression de ne jamais pouvoir en sortir », relève aussi M. Pelissolo.
Relaxation
Ces angoisses peuvent se traduire par des inquiétudes obsédantes, un état d’hypervigilance, des insomnies et des cauchemars, des somatisations, une irritabilité et même des symptômes dépressifs (pessimisme, tristesse, démotivation…).
Comment y faire face ? « Ces peurs sont normales et très répandues et vouloir les chasser artificiellement (par le déni ou des prises de produits divers) serait contre-productif voire délétère », juge le psychiatre, qui prône plutôt le recours « à des méthodes de gestion du stress naturelles, comme la relaxation, la méditation ou l’activité physique ».
Parler de ses sujets d’inquiétude et gérer son temps d’exposition aux « mauvaises nouvelles », en s’informant le temps nécessaire mais en se déconnectant le reste de la journée des sources d’informations anxiogènes, peut aussi s’avérer utile.
Mais comment en parler avec les plus jeunes ?
Tout dépend de leur âge, selon les experts. « Plus ils seront jeunes, moins ils seront conscients d’événements en dehors de leurs intérêts; plus ils seront âgés, plus ils remarqueront ce qui se passe dans le monde », répond ainsi le psychothérapeute Noel McDermott, fondateur d’entreprises spécialisées dans la santé mentale au Royaume-Uni.
La façon dont cette guerre va les affecter dépendra de plusieurs facteurs, notamment de l’inquiétude affichée par leurs parents et d’antécédents de détresse psychologique, souligne-t-il.
« Répondre honnêtement »
Dans tous les cas, l’école devrait jouer un rôle clé. Ceux qui sont restés en classe pendant la pandémie ont été davantage en mesure d’y faire face que les autres, rappelle ainsi M. McDermott, insistant sur l’importance de conserver une vie « normale », une « routine ».
Autre nécessité: discuter ouvertement avec eux, de manière adaptée en fonction de leur âge.
« Nos enfants absorbent constamment les choses qu’ils lisent, voient et entendent et il est tout à fait naturel pour eux de comprendre la situation en Ukraine, de se sentir anxieux et de poser des questions sur ce qui se passe », estime aussi Vivian Hill, professeure de psychologie à UCL Institute of Education (Londres).
« Les enfants et les jeunes ont vécu deux années incroyablement difficiles à cause de la pandémie, et maintenant ils sont confrontés à un monde encore plus incertain avec la menace de conflits et de guerres », souligne-t-elle.
A la Société britannique de psychologie dont elle est membre, elle a distillé quelques conseils pour faire face à l’anxiété des enfants générée par la situation actuelle.
Elle recommande notamment de « répondre honnêtement à leurs questions sur ce qui se passe » avec un niveau de détails adapté à leur âge.
Il faut s’assurer qu’ils se sentent « soutenus et en sécurité », en les aidant à comprendre le niveau de menace qui pèse sur eux et leur famille, juge-t-elle aussi.
Eviter de les exposer à un flux constant d’actualités et savoir gérer en leur présence ses propres émotions est aussi important, selon elle.
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