Approbation d’un quatrième vaccin : rien ne garantit que cela accélère la vaccination
Avec le vaccin de Johnson & Johnson, l’Europe compte désormais quatre vaccins officiels contre le covid-19. Mais ce n’est pas pour autant que celui-ci va être disponible dans l’immédiat.
Selon le groupe pharmaceutique américain Johnson & Johnson (J&J) qui produit le vaccin Janssen, celui-ci ne sera livré, dans le meilleur des cas, que dans la seconde moitié du mois d’avril, soit dans un peu plus d’un mois. On constate donc une différence notable entre ce vaccin et les trois précédents validés par l’Union européenne puisque ceux-ci ont été livrés dans les deux semaines suivant le feu vert. Si la firme prend son temps, c’est probablement parce qu’elle n’est pas capable de fournir tous les vaccins demandés dans l’immédiat. La compagnie reste d’ailleurs floue sur les quantités exactes qu’elle compte livrer à quel moment.
Un point sensible quand on sait que les programmes de vaccination dans l’UE seront particulièrement dépendants du vaccin de Janssen dans les mois à venir. On espérait que celui-ci devienne la principale arme contre le virus après la débâcle de la livraison d’AstraZeneca. Ainsi Bruxelles a commandé 200 millions de doses du vaccin de de Johnson & Johnson, avec une option pour 200 millions supplémentaires. La moitié de cette commande, soit 100 millions de doses, doit être livrée d’ici à juin.
Très critiquée pour la lenteur des livraisons en Europe et les retards du groupe AstraZeneca, la Commission européenne, qui a négocié les contrats au nom de ses 27 Etats membres, table sur une montée en puissance des livraisons au deuxième trimestre. Elles pourraient atteindre le rythme moyen de 100 millions de doses par mois d’avril à juin, soit 300 millions pour l’ensemble du trimestre, a indiqué lundi la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Cela représenterait un doublement des cadences de livraisons par rapport à mars. Bruxelles a affiché l’ambition de vacciner 70% de la population adulte de l’UE d’ici à la fin de l’été, ce qui devrait permettre de lever de nombreuses restrictions qui pèsent sur le quotidien des populations.
Le vaccin présente en effet plusieurs avantages logistiques. Il ne nécessite qu’une seule injection, contrairement aux vaccins de Pfizer/BioNTech, Moderna ou AstraZeneca, qui sont administrés en deux doses espacées de plusieurs semaines. De plus, il peut être conservé durant 3 mois à des températures de réfrigérateur standard, ce qui facilite sa distribution. Tout cela simplifie et accélère les campagnes de vaccination, et constitue également une solution pour la vaccination des groupes difficiles à atteindre, tels que les sans-abri et les personnes sans permis de séjour.
Le vaccin de Johnson & Johnson est un vaccin à « vecteur viral ». Il utilise comme support un autre virus peu virulent, transformé pour y ajouter des instructions génétiques d’une partie du virus responsable du Covid-19. Une fois dans les cellules, une protéine typique du SARS-CoV-2 est produite, éduquant le système immunitaire à le reconnaître.
Et l’Europe a d’autant plus raison d’être inquiète que l’échelle de production a explosé de façon exponentielle et les livraisons au gouvernement américain sont déjà inférieures aux prévisions puisque la firme n’en a livré que 4 millions depuis le 27 février, date à laquelle le vaccin a été approuvé. Il est prévu qu’elle en livre 20 millions pour la fin mars et 100 millions pour la fin juin.
Des quantités pharaoniques qui ne sont pas de bon augure pour l’Europe. D’autant plus que Biden a encore affirmé cette semaine que l’Amérique a la priorité. « On va d’abord s’occuper de la population des États-Unis et ensuite seulement on viendra en aide au reste du monde ». Une possibilité pas si farfelue puisque, si l’ingrédient actif du vaccin Janssen est produit en Europe, le « remplissage et la finition » de ce vaccin covid-19 est effectué aux États-Unis. Ils auraient donc tout à fait la possibilité de bloquer les livraisons.
Pour la Belgique, un tel retard ne serait pas non plus une bonne nouvelle puisqu’elle comptait sur 1,4 million de vaccins Janssen pour le deuxième trimestre. Ces vaccins auraient permis de vacciner toutes les personnes âgées de plus de 65 ans et les groupes à risque d’ici l’été.
Le plus belge des vaccins
Si la recherche a été principalement menée aux Pays-Bas, il y a eu de nombreuses collaborations avec les chercheurs du laboratoire de Beerse de la maison-mère belge dit Le soir. L’entreprise Janssen Vaccines est dirigée par un Belge, Johan Van Hoof, un ancien de GSK, tout comme Paul Stoffels, celui qui « est à la tête de tout le programme de recherche et de développement de ce vaccin pour Johnson&Johnson au niveau mondial ». La Belgique va aussi jouer un rôle de plateforme logistique puisque selon Het Gazet van Antwerpen, ce vaccin de Johnson&Johnson devrait être distribué depuis la Belgique pour toute l’Europe.
Avecquelle efficacité?
Son efficacité a été testée lors d’essais cliniques sur environ 40.000 personnes âgées de 18 ans ou plus dans plusieurs pays, notamment les Etats-Unis, le Mexique, le Brésil et l’Afrique du Sud. Environ la moitié a reçu le vaccin, l’autre moitié un placebo, et les deux groupes ont été comparés. Le vaccin s’est révélé efficace à 85% pour empêcher les formes graves du Covid-19, une donnée cruciale, car c’est ce qui évite les hospitalisations et les décès. Aucune personne vaccinée n’est morte du Covid-19 lors des essais, contre sept décès dans le groupe placebo. Le vaccin était par ailleurs efficace à 66% pour prévenir les formes modérées à sévères de la maladie.
Un taux qui regroupe des réalités différentes entre les pays: de 72% aux Etats-Unis, il passait à 64% en Afrique du Sud, où un variant (B.1.351) était déjà ultra-majoritaire au moment de l’essai clinique, selon les données analysées par l’Agence américaine des médicaments. Et par rapport aux autres vaccins? Le résultat de 66% ne peut pas totalement être comparé avec les quelque 95% d’efficacité affichés par les vaccins de Pfizer et Moderna, avertissent les experts. En effet, les essais cliniques de ces deux derniers ont été menés alors que les variants, notamment le variant sud-africain, n’étaient pas encore répandus.
Une occasion pour Johnson & Johnson de redorer son blason
Le laboratoire américain Johnson & Johnson (J&J), entaché par des scandales liés à son talc et à la crise des opiacés, espère se refaire une réputation avec son vaccin anti-Covid, vendu actuellement à prix coûtant. Après avoir développé en un temps record des vaccins efficaces contre une pandémie qui a bouleversé le monde entier, les laboratoires auraient tort de ne pas saisir cette opportunité « pour se repositionner aux yeux du grand public » qui, pour la première fois depuis longtemps, « est réceptif à leurs messages », estime M. Binns. Johnson & Johnson a d’autant plus une carte à jouer qu’avec ses shampoings et ses crèmes, c’est une marque du quotidien.
« Nous avons estimé qu’en tant que plus grand vendeur de produits de santé au monde, nous avions la responsabilité de monter au créneau » quand la pandémie est survenue, avait expliqué le directeur financier de J&J, Joseph Wolk, lors d’une conférence début mars. Le groupe a très rapidement assuré qu’il vendrait ses vaccins au prix coûtant tout en reconnaissant que cela aurait un impact « bénéfique » pour les activités. Le groupe pourrait aussi décider, une fois la pandémie sous contrôle, de commencer à tirer profit du vaccin anti-Covid. Sans doute pas en 2021, selon M. Wolk. Mais s’il est nécessaire de re-vacciner ou de lutter contre les variants du Covid-19, « on pourrait commencer à envisager de nouvelles opportunités à partir de 2022 ».Le groupe « doit avancer prudemment sur ce sujet, car il a reçu des fonds publics pour développer le vaccin », souligne toutefois M. Conover.
Le point sur les trois autres vaccins autorisés
Au total, en comptant tous ceux qui sont déjà autorisés et en voie de l’être, 81 vaccins contre le Covid-19 font l’objet d’essais cliniques sur l’humain, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En outre, 182 autres vaccins en sont au stade de développement pré-clinique et n’ont pas encore été testés sur des humains. Pour l’instant en plus du Janssen, trois sont autorisés en Europe.
PFIZER/BIONTECH
Vendu sous le nom commercial de Comirnaty, ce vaccin est autorisé dans l’Union européenne, aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et dans de nombreux autres pays. Développé par le géant américain Pfizer et le laboratoire allemand BioNTech, il est basé sur la technologie de l’ARN messager et ses essais cliniques ont mis en évidence un très fort taux d’efficacité (95%). En vie réelle, cette efficacité monte même à 97% contre les cas symptomatiques et les formes graves de Covid, ont souligné ses fabricants jeudi, sur la base de données israéliennes. Selon eux, cette efficacité est de 94% contre l’infection elle-même, ce qui peut laisser espérer que le vaccin empêche la transmission du virus.
MODERNA
Autre vaccin à ARN messager, il a des caractéristiques très proches du précédent, avec 94,1% d’efficacité. Ce vaccin américain est autorisé dans l’UE, en Amérique du Nord, au Royaume-Uni (où il n’est toutefois pas encore disponible) et dans quelques autres pays, comme Israël ou Singapour.
ASTRAZENECA/OXFORD
Conçu par l’université anglaise d’Oxford et le laboratoire anglo-suédois AstraZeneca, ce vaccin utilise une technologie différente, dite « à vecteur viral ». Il est autorisé dans l’UE, au Royaume-Uni et dans certains autres pays moins riches comme l’Inde (où il est vendu sous le nom de Covishield). Il est efficace à 60% selon l’Agence européenne du médicament (EMA), tout en étant moins cher et plus facile à stocker que les deux précédents. Des études en vie réelle réalisées en Grande-Bretagne ont montré une efficacité nettement supérieure pour éviter les formes graves de Covid. Mais plusieurs polémiques ont alimenté la défiance. Dernière en date, sa suspension par précaution par le Danemark, l’Islande et la Norvège jeudi, à cause de craintes liées à la formation de caillots sanguins chez des personnes vaccinées. L’EMA a toutefois souligné que le risque de caillot n’était pas plus élevé chez les personnes ayant reçu ce vaccin.
Au total, en comptant tous ceux qui sont déjà autorisés et en voie de l’être, 81 vaccins contre le Covid-19 font l’objet d’essais cliniques sur l’humain, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En outre, 182 autres vaccins en sont au stade de développement pré-clinique et n’ont pas encore été testés sur des humains.
Et contre les variants?
Selon plusieurs études in vitro, le variant anglais du coronavirus ne réduit pas sensiblement l’efficacité des vaccins, contrairement aux variants sud-africain et brésilien, porteurs d’une mutation spécifique. Toutefois, même si les vaccins sont moins efficaces contre certains variants, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont plus efficaces du tout. Par exemple, si le vaccin Johnson & Johnson semble globalement un peu moins efficace contre le variant sud-africain que contre le coronavirus classique, la protection qu’il offre contre les formes graves de la maladie semble comparable quelle que soit la version du virus, selon les données rendus publiques début mars par l’Agence américaine du médicament (FDA). Et quoi qu’il en soit, les fabricants travaillent à de nouvelles versions de leur vaccin, adaptées aux variants. Moderna a ainsi annoncé mercredi qu’il avait commencé à injecter des vaccins de nouvelle génération à de premiers patients, dans le cadre d’un essai clinique destiné à évaluer leur efficacité contre le variant sud-africain.
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