Pas un cercueil, mais un "cocon vivant". © loop-of-life/www.loop-of-life.com

Donner son corps à la terre pour embellir la vie

Rosanne Mathot Journaliste

Une start-up, Loop, a développé, aux Pays-Bas, une innovaton technologique à base de mycélium, le réseau souterrain des champignons, qui permet de diminuer la présence d’hydrocarbures et de polluants dans les sols.

Et si l’on faisait don de notre corps à la nature, pour laisser derrière nous un monde plus beau? C’est la question sensible que pose Loop. Cette start-up a développé, sous les auspices de l’université de Delft, aux Pays-Bas, une innovation technologique à base de mycélium, le réseau souterrain des champignons. Elle permet au corps du défunt de se « fondre » rapidement dans la nature, en lui ôtant tous ses éléments toxiques et en créant un écosystème régénéré où plantes, fleurs et arbres peuvent s’épanouir. Les chercheurs qui l’ont mis au point ne l’appellent pas un cercueil mais un « cocon vivant » car, pour eux, la fin de notre vie n’est pas une fin en soi et il s’agit, avec audace et altruisme, de regarder plus loin.

Le corps humain est gorgé de produits toxiques: médicaments, prothèses, plombages, perturbateurs endocriniens, sans oublier le formol utilisé pour préserver les tissus après le décès, qui contient des métaux lourds. Une inhumation classique, en ce compris l’entretien des espaces communaux avec des pesticides, a un impact environnemental considérable sur la qualité des sols et des nappes phréatiques. Dans le cas d’une crémation, coûteuse en énergies fossiles, il faut compter avec un dégagement de dioxines et de particules fines – liées à la combustion du formol, notamment – et une production de CO2. En plus d’être polluantes, ces pratiques sont assez chères: de 3.000 à 6.000 euros en moyenne.

En septembre dernier, les Pays-Bas ont organisé les premières funérailles 100% écologiques en recourant à ce cocon de mycélium, de forme rectangulaire, posé sur un sol forestier. Son coût: environ 1.500 euros. Concrètement, le concept s’appuie sur les formidables propriétés naturelles des champignons, véritables éponges à métaux et magiciens du sol, capables non seulement d’enrichir la terre en produisant de l’humus, mais aussi de la dépolluer.

Le processus de dépollution par les champignons s’appelle la mycoremédiation, un néologisme que l’on doit au mycologue américain Paul Stamets. En Belgique, la microbiologiste Caroline Zaoui, de l’entreprise Novobium spécialisée en mycoremédiation, a pu observer, dans ses échantillons de sols « donnés » aux champignons, une diminution de 90% des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et des huiles minérales (des polluants que l’on retrouve fréquemment sur d’anciens sites de stations-service, par exemple).

De nombreux freins culturels et religieux peuvent encore s’opposer à l’idée de cercueils en mycélium. Mais, les mentalités évoluent. Ainsi, dans les années 1950, la crémation semblait une hérésie. Cette pratique est aujourd’hui choisie par la majorité des Belges, surtout depuis que, en 1963, l’Eglise catholique ne s’y oppose plus. Fera-t-elle de même avec cette nouvelle pratique funéraire? Dans sa très écologique encyclique Laudato Si’ de 2015, le pape François rappelait en tout cas aux croyants que « nous ne sommes que d’humbles particules de notre mère la terre. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire