Comment nos communes passent de plus en plus au chauffage durable
Déchets, égouts, pellets, fumier, géothermie… Certaines communes n’ont pas attendu les impératifs environnementaux pour privilégier les combustibles et modes de chauffage alternatifs. La Belgique compte des pionnières aux quatre coins du pays alors que beaucoup étudient des solutions innovantes.
Plus de 100 chaufferies publiques au bois
En quelques années, le bois (plaquettes et pellets) s’est creusé une place de choix comme source d’énergie auprès des autorités locales. Le combustible a notamment été boosté par le plan Bois-énergie et Développement rural (PBE&DR) coordonné depuis 2001 par la Fondation rurale de Wallonie (FRW). Cette dernière a d’ailleurs inauguré en 2018 à Mirwart sa centième chaufferie au bois pour le secteur public.
Parmi les communes ayant recours au bois-énergie, on peut notamment citer Libin, qui s’est dotée il y a quelques années d’un réseau de chaleur. Ce dernier est alimenté par des plaquettes au bois produites localement grâce à une plateforme de séchage, stockage et distribution réalisée en collaboration avec quelques communes voisines. Le réseau de chaleur alimente aussi bien des habitations privées que des bâtiments publics parmi lesquels la maison communale, des écoles, le CPAS, etc.
A Nassogne, on mise aussi depuis plus de quinze ans sur le bois-énergie. Tout a commencé par un essai à l’école communale d’Ambly : » Nous devions y réhabiliter un local et, aidés par la FRW, nous avons choisi d’y tester une chaudière à pellets « , explique le bourgmestre Marc Quirynen. » On s’est dit que le risque n’était pas énorme et qu’on aurait toujours la possibilité si nécessaire de revenir à une solution classique, mais les résultats se sont avérés très probants ! »
A tel point que, par la suite, Nassogne a fait le choix de remplacer les anciennes chaudières de divers bâtiments publics par des modèles à pellets. » L’augmentation du prix du mazout et la volonté de devenir une commune de référence en matière d’énergies alternatives nous ont poussés à poursuivre dans cette voie « , confirme Marc Quirynen. C’est ainsi qu’en 2013, la commune a profité de la construction d’une maison rurale dans le centre pour y développer un réseau de chaleur. Celui-ci alimente à présent plusieurs particuliers et bâtiments communaux. D’une longueur de 400 mètres, il permet l’économie de 80 000 litres de mazout et évite le rejet de 217 tonnes de CO2 chaque année.
Du fumier à Fleurus et Aiseau-Presles
Transformer des » déchets » en énergie durable, c’est le pari qu’ont fait des communes comme Fleurus ou Aiseau-Presles. Cette dernière possède sa propre station de biométhanisation depuis 2015. L’infrastructure utilise le fumier d’agriculteurs locaux pour produire du biogaz qui alimente ensuite en électricité et en chaleur plusieurs bâtiments du domaine communal.
La biométhanisation a comme avantage d’offrir une source de revenus aux agriculteurs – qui récupèrent aussi de l’engrais à la fin du processus de transformation de la biomasse -, tout en réduisant considérablement l’utilisation d’énergies fossiles puisqu’elle subvient à plus de 70 % des besoins en chaleur des bâtiments qu’elle dessert. L’installation d’une telle infrastructure est cependant très coûteuse : elle a mobilisé plus de 3,5 millions d’euros, en grande partie financés par la Région wallonne et le Fonds européen de développement régional.
La ville de Fleurus compte, elle aussi, une importante unité de biométhanisation gérée par Cinergie SCRL, une coopérative agricole. Le biogaz issu du traitement des matières organiques y alimente une cogénération produisant de l’électricité verte et de la chaleur qui alimente un réseau de plus de 1,5 kilomètre. Ce sont ainsi plusieurs habitations, un site administratif et un complexe écolier qui sont chauffés grâce à la biométhanisation.
La géothermie en plein développement à Mons
Comme le bois, la géothermie est à la fois une source d’énergie ancienne et d’avenir. Elle est notamment utilisée en région montoise, à Saint-Ghislain, où les premières applications remontent aux années 1980. La commune compte dans son sous-sol une nappe d’eau chaude exploitée via des puits. Après passage par des échangeurs, l’eau pompée alimente un réseau de chauffage urbain de plusieurs kilomètres de long.
On trouve sur son parcours le hall des sports, la piscine, plusieurs écoles, l’hôpital du Grand-Hornu et des immeubles. Cette installation couvre environ 75 % des besoins en chauffage de la zone et est suppléée par des chaudières d’appoint au gaz lors des périodes les plus froides. Selon l’intercommunale Idea qui exploite la centrale géothermique de Saint-Ghislain, celle-ci permet d’éviter l’utilisation de plus de deux millions de litres de mazout et l’émission de 5 500 tonnes de CO2.
L’utilisation de la géothermie a été étendue en 2018 par l’Idea à un parc d’activité économique – le premier alimenté par cette ressource en Belgique. L’intercommunale a aussi lancé en 2019 une campagne de prospection des sols dans 14 communes de la région montoise. L’objectif est de créer deux puits courant 2020, puis dans les années futures une nouvelle centrale géothermique qui alimentera un réseau de chauffage urbain au coeur de Mons. Celui-ci a pour vocation de distribuer l’hôpital Ambroise Paré dès 2023, voire aussi des bâtiments proches.
Des installations géothermiques existent également à Bruxelles (notamment au sein de l’hôpital Chirec) et en Flandre, mais cette source d’énergie reste faiblement exploitée en Belgique. Le potentiel et la volonté sont néanmoins présents : d’ici à 2030, la Wallonie s’est fixée pour objectif d’atteindre le seuil des 20 forages géothermiques. Cette énergie a pour avantage d’être renouvelable, non dépendante de facteurs externes comme la météo ou encore d’émettre peu de CO2 lors de son utilisation.
Un test avec les égouts à Uccle
Courant 2020, la commune d’Uccle devrait inaugurer le » projet U « , son nouveau centre administratif à la rue de Stalle. Ce bâtiment rénové sera non seulement exemplaire d’un point de vue énergétique, mais il aura la spécificité d’être partiellement chauffé et refroidi… par les égouts ! La température des eaux usées qui s’écoulent dans ceux-ci peut en effet être employée pour alimenter des pompes à chaleur.
La riothermie – c’est le nom de cette source d’énergie – a déjà quelques applications ailleurs mais c’est la première fois qu’elle sera mise en oeuvre à Bruxelles et avec une technique développée et brevetée par Vivaqua. » Nous avons mis au point des échangeurs de chaleur qui peuvent être installés dans les cuvettes des égouts lors de la rénovation de ceux-ci « , relève Olivier Broers, directeur des études et des investissements chez Vivaqua. » L’objectif est qu’à terme, nous profitions des travaux réalisés dans les canalisations pour étendre le réseau de riothermie. »
Après un premier prototype réalisé en 2014, le projet U à Uccle sera le premier bâtiment bruxellois à utiliser cette méthode de chauffage innovante. » Lorsque nous avons communiqué les résultats de nos recherches aux communes, Uccle s’est montrée intéressée pour son nouveau centre administratif « , déclare Olivier Broers. » La situation du bâtiment était idéale car il se trouve au-dessus d’un égout où il y a du débit, ce qui est nécessaire pour garantir le rendement de l’installation. » Comme il s’agit d’une première application pour la riothermie à Bruxelles, la technologie couvrira seulement une partie des besoins en chauffage et refroidissement du projet U – environ 25 %. Elle permettra cependant d’éviter pas moins de 60 tonnes d’émissions de CO2 par an.
» Nous avons d’autres projets en cours mais nous voulons attendre d’avoir un peu plus de recul statistique – notamment en fonction du débit des eaux – avant de développer l’installation à plus grande échelle « , signale Olivier Broers. » On pourrait cependant y arriver d’ici six ou sept ans. »
Par Marie-Eve Rebts.
Lorsqu’elles planifient de nouveaux projets immobiliers, les autorités publiques sont de plus en plus contraintes de construire des bâtiments passifs ou aux consommations d’énergie très faibles. La Régie des bâtiments (Etat fédéral) indique ainsi que la plupart de ses nouvelles constructions sont désormais conçues » à l’aide d’outils de simulation thermique dynamique pour l’optimisation de la géométrie, des surfaces vitrées, des protections solaires ou autres « .
Grâce à cette conception centrée sur les économies d’énergie, ces édifices ont des besoins moindres en chauffage et l’on y privilégie souvent des installations comme des chaudières à condensation ou biomasse, ou encore des pompes à chaleur. A Villers-le-Bouillet, la maison communale passive inaugurée il y a quelques années parvient la plupart du temps à maintenir d’elle-même un bon confort thermique. Néanmoins, en cas de besoin, une pompe à chaleur est là pour servir d’appoint.
Un projet est en cours depuis plusieurs années pour chauffer le Domaine royal de Laeken à partir… de l’incinérateur de déchets voisin de Neder-Over-Heembeek. La chaleur dégagée par ce dernier est déjà utilisée pour produire de l’électricité et pour alimenter un réseau de chaleur local. L’idée serait d’étendre ce réseau au Domaine royal situé à proximité, actuellement chauffé par une installation classique. L’investissement à réaliser est conséquent mais ses retombées pourraient l’être davantage : cela permettrait d’éviter l’émission de 2 700 tonnes de CO2 par an et de réduire la facture énergétique du Domaine royal, qui consomme actuellement près d’un million de litres de mazout par an…
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