Thierry Fiorilli
C’est beau comme la fresque de Jilchristina, par Thierry Fiorilli (chronique)
Toutes ces femmes, Noires, brillantes, animées d’un feu inextinguible: changer le monde et enseigner aux générations suivantes la poursuite du combat.
On l’appelle le Black History Month. Ou l’African American History Month. Le mois de l’histoire des Noirs ou le mois de l’histoire des Afro-Américains. Depuis 1976 et le bicentenaire des Etats-Unis, il est organisé en février de chaque année aux USA. C’est à Oakland, en Californie, que le dernier en date a attiré peut-être le plus d’attention. A West Oakland exactement. Au carrefour de la Center Street et de la 9th Street. Sur les murs côté rue de la maison de Jilchristina Vest.
Jilchristina est née à Chicago, en 1966. La même année que le Black Panthers Party, qui réclamait l’égalité raciale et de façon insurrectionnelle si besoin. A 19 ans, Jilchristina, de mère blanche et de père noir, atterrit en Californie. D’abord à San Francisco, ensuite à Oakland. Diplômée en éducation internationale et multiculturelle, elle découvre l’histoire de West Oakland, où Bobby Seale et Huey P. Newton ont fondé… les Black Panthers. Lui reviennent alors ces noms de militantes noires que ses professeurs citaient parfois: Angela Davis, Donna Hubbard, Johnetta Richards, Laura Head. « Toutes brillantes, politiques, intelligentes et animées d’un feu inextinguible: changer le monde et enseigner aux générations suivantes la poursuite du combat. » Toujours plus convaincue, toujours plus révoltée contre les violences dont la communauté noire est victime, Jilchristina s’installe dans cette maison grise au coin de la Center Street et de la 9th car située juste en face de l’immeuble où siégeaient les Black Panthers. Un coin où personne ne s’arrêtait trop: trop ghetto, trop sinistre.
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En mai dernier, parce qu’il y a ces hommes noirs abattus par la police, parce qu’il y a ces manifestations en leur mémoire mais pas pour les femmes noires victimes du racisme (comme Breonna Taylor, tuée il y a pratiquement un an, à Louisville, dans le Kentucky), parce que des mères et des soeurs s’activaient, elles aussi, au sein des Black Panthers, en coulisses comme au front, mais qu’on n’en parle jamais, Jilchristina demande à Rachel Wolfe-Goldsmith, jeune peintre muraliste du quartier, de leur rendre justice. La fresque a été dévoilée durant le tout récent Black History Month. Haute de neuf mètres, sur fond bleu mer, on y voit « une femme qui proteste, une autre avec une arme qui surveille tout et une troisième en tenue médicale qui tient son enfant, pour avoir cette relation d’amour mère-enfant au premier plan ». Leur nom figure sur la fresque, avec celui de 257 autres militantes Black Panthers. Et on continuera sur les autres façades de la maison! Parce que, dit Jilchristina, « elles sont la colonne vertébrale du mouvement », qui « n’était pas un groupe de terroristes ni une bande d’hommes armés. Ils protégeaient leurs enfants et leur communauté contre la brutalité policière. Ce qui est toujours d’actualité. ».
Depuis la mi-février, et l’apparition de la fresque, tout le monde s’arrête. On accourt depuis d’autres quartiers. Des Blancs aussi.
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