Bruxelles: le canal, une nouvelle façon d’aborder la mixité entre logement et activité économique
Délaissée par de nombreuses industries, toute la zone anderlechtoise du canal connaît un nouvel attrait, notamment auprès des promoteurs privés. Les autorités locales et régionales ont fait le pari de la redynamiser avec une nouvelle organisation de la mixité entre logements et activités économiques.
La zone du canal de Bruxelles est en pleine reconversion ces dernières années. Tour et Taxis, Up-Site, Kanal-Centre Pompidou… Les exemples les plus cités concernent généralement le nord du périmètre, mais il se passe aussi beaucoup de choses au sud, sur le territoire d’Anderlecht. Le bassin de Biestebroeck et ses environs concentrent par exemple de nombreux projets qui devraient petit à petit transformer cette ancienne zone industrielle en un territoire beaucoup plus mixte et dynamique.
Comme le reste du territoire du canal, l’endroit a souffert de la désindustrialisation qui s’est opérée dès la fin du XXe siècle. La population autour de la voie d’eau fait partie des moins privilégiées de Bruxelles et affiche un taux de chômage particulièrement élevé. Le paysage est ponctué de friches car beaucoup d’industries et d’entreprises ont quitté les lieux sans être remplacées. Bien que bruts et souvent pollués, ces terrains offrent de vraies opportunités en raison de leur taille, mais aussi de leur situation en entrée de ville, à quelques minutes de la gare du Midi et du centre-ville.
« On redécouvre l’attrait de l’eau dans beaucoup de grandes villes, observe Claire Heughebaert, chef de projet à la Société d’aménagement urbain (SAU). Dans le contexte du bassin de Biestebroeck, on est par ailleurs face à des paysages majestueux en raison de la largeur du plan d’eau ou des alignements d’arbres qu’on retrouve au sud. Il y a aussi tout un héritage industriel en termes d’architecture. Bref, c’est un quartier qui a beaucoup d’atouts. »
Près de 4 000 nouveaux logements
Mais où il y a beaucoup à faire! Pour redynamiser la zone, les autorités locales et régionales ont adopté ces dernières années de nouveaux cadres règlementaires. En 2013, plusieurs îlots de la rive droite du canal sont passés de « zones d’industrie urbaine » à « zones d’entreprises en milieu urbain » (Zemu), un statut qui impose aux projets de plus de 10 000 m2 de prévoir au moins 40% de logements en plus des activités productives.
Au niveau communal, un PPAS (Plan particulier d’affectation du sol) a été approuvé en 2017 pour une zone de 47 hectares tout autour de ce bassin de Biestebroeck. Il s’agit du plus grand projet urbanistique à Anderlecht depuis un siècle, et ses objectifs sont ambitieux. A terme, la zone pourrait créer 3 000 emplois, près de 4 000 nouveaux logements, plus de 100 000 m2 de fonctions productives ou commerçantes et 25 000 m2 d’équipements.
Au-delà de l’ampleur et des chiffres, le plan se distingue aussi par une stratégie un peu différente. « Ce PPAS prend le parti de superposer les fonctions de façon verticale plutôt que de les organiser horizontalement, souligne Claire Heughebaert. C’est vraiment un grand pari en matière de forme urbaine, car cela crée une nouvelle façon d’habiter et de travailler qui joue sur la mixité. Il n’y a en effet pas de rues spécialisées pour l’activité économique ou le logement ; les différentes fonctions coexistent. »
Cette stratégie sera appliquée à la lettre au sein du projet Urbanities porté par le promoteur Aboreal. « Le socle accueillera des activités productives et les logements seront implantés au- dessus de celles-ci, explique Renaud Dinraths, business developer chez Aboreal. Cette configuration a nécessité beaucoup de recherches et d’études sur la gestion des flux et des nuisances afin que tout le monde cohabite sereinement. Au-delà de cet aspect, nous souhaitons que la structure du bâtiment permette aux activités productives et résidentielles d’interagir et de se mettre au service l’une de l’autre grâce à des locaux communs, des espaces partagés, etc. » Le chantier devrait débuter en 2022 et ses différentes phases s’étendre jusque 2030.
L’appétit pour la zone anderlechtoise du canal est irréversible. Les chantiers vont durer mais on y voit déjà de nouveaux usagers et habitants.
Acteurs privés et publics
En attendant, d’autres projets sont déjà en cours ou partiellement construits autour de Biestebroeck. C’est par exemple le cas de City Dox, un véritable nouveau quartier développé par Atenor entre le canal et le boulevard industriel. A terme, il rassemblera plus de 900 logements, une maison de repos, des commerces, une école, des services intégrés aux entreprises et des ateliers de production. BPI et Immobel sont également à l’oeuvre dans la zone avec leur futur Key West, qui mêlera, lui aussi, du résidentiel (environ 500 logements), des activités productives et commerciales, une crèche, des bureaux ou encore une ferme urbaine.
« Ces projets mixtes, où l’on invente de nouvelles formes de vie, sont surtout situés sur la rive droite du bassin parce que les parcelles y sont plus vastes », précise Claire Heughebaert. Ils sont aussi principalement portés par des acteurs privés, ce qui ne veut pas dire que le public est absent dans la zone anderlechtoise du canal. Citydev et la SLRB développent en effet une série de projet à Cureghem. Le programme, baptisé CityGate, comprend trois projets mêlant habitations (notamment des logements publics et conventionnés), activités économiques, équipements et espaces publics. Divers acteurs publics sont aussi à l’oeuvre pour améliorer la mobilité de la zone, y créer davantage d’espaces verts bénéficiant aux habitants ou encore des équipements.
L’un des principaux défis sera de permettre à tous de s’approprier les espaces publics. C’est pourquoi Beliris a prévu de recourir à la participation citoyenne pour divers aménagements futurs dont il a la charge, notamment sur les quais du bassin de Biestebroeck, à hauteur de plusieurs voiries ou dans le parc le long de la rue des Goujons. Un autre enjeu sera d’attirer des activités productives dont les bénéfices se répercuteront sur la zone. La future installation de la brasserie de Brussels Beer Project au bord du bassin de Biestebroeck donne un signal encourageant, même si le chemin est encore long. « Les chantiers autour de la zone anderlechtoise du canal vont encore durer, mais on y voit déjà de nouveaux usagers et habitants, remarque Claire Heughebaert. L’appétit pour la zone est en tout cas présent et irréversible. »
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