En quoi consiste concrètement la nouvelle réforme des pensions?
Le gouvernement Michel est engagé dans une vaste réforme des pensions qui commence à produire ses effets. D’autres conséquences se feront sentir plus tard et certaines mesures doivent encore être précisées. Mais un premier bilan permet déjà de faire le tri entre ceux qui tireront leur épingle du jeu… et tous les autres.
» Le système des pensions repose sur un premier pilier, dans lequel les travailleurs actuels cotisent pour les retraités actuels mais, depuis 2003, les cotisations ne couvrent plus les pensions ! En allongeant la durée des carrières et en relevant progressivement l’âge de la retraite, on ne fait pas d’économie sur le montant des pensions, mais sur la masse globale de l’argent disponible, puisqu’il y a plus de travailleurs qui cotisent « , insiste le ministre des Pensions Daniel Bacquelaine (MR). Soulignant qu’en Belgique, » le taux d’emploi des 55-64 ans est à peine de 23,6 %, contre 43,6 % dans les pays de l’OCDE « .
1. La pension retardée pour tout le monde
Depuis la loi du 15 août 2015, l’âge légal de la pension est porté à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030. L’âge auquel on peut prendre sa retraite anticipée est fixé à 62,5 ans en 2017 et à 63 ans en 2018, avec une durée de carrière de 41 années en 2017 et 42 années en 2019. Pour ne pas pénaliser les personnes qui ont commencé à travailler très jeunes et qui justifient d’une longue carrière (42 ans minimum), la loi maintient la possibilité d’une retraite anticipée à 60 ou 61 ans. Par ailleurs, les pensionnés peuvent désormais poursuivre une activité professionnelle après avoir atteint l’âge de la pension ou presté une carrière de 45 ans, sans subir une limitation de leur pension légale.
Le gouvernement veut harmoniser progressivement les régimes des salariés, des indépendants et des fonctionnaires
Pour le 1er janvier 2019, le gouvernement souhaite également voir entrer en vigueur une » pension partielle « , compatible avec les dispositifs existants d’aménagement de la fin de carrière, qui permettra au travailleur d’assurer une transition entre l’emploi à temps plein et la sortie définitive du marché du travail, tout en continuant à travailler et à se constituer des droits de pension supplémentaires.
2. La pension à points avantagera ceux qui travaillent
Le gouvernement ambitionne de définir, avant la fin de la législature, la base légale d’un système de » pension à points « , dont la mise en oeuvre est actuellement débattue au sein du Comité national des pensions (CNP) et qui devrait entrer en vigueur en 2025. Le principe en sera le suivant : durant toute sa carrière professionnelle et quel que soit son régime, le travailleur récolte des points dont le nombre est fonction de la rémunération perçue et de la durée de la carrière. Au moment de son départ à la retraite, ces points sont convertis en euros. » Leur valeur ne diminuera jamais « , assure le ministre.
Pour le calcul des pensions prenant cours à partir du 1er janvier 2019, toutes les journées de travail seront prises en compte, même celles qui sont prestées après une carrière complète de 45 ans (14 040 jours). Ceux qui ont une carrière professionnelle de plus de 45 ans seront donc récompensés et percevront, en comparaison avec la règlementation actuelle, un montant de pension plus élevé.
Il s’agit également de mieux valoriser les périodes de travail que les périodes d’inactivité. » Nous ne pouvons plus accepter que quelqu’un qui a travaillé toute sa vie reçoive une pension inférieure à celui qui a peu travaillé. C’est une question de justice à l’égard des travailleurs qui ont contribué au financement de notre système de pension. Chaque euro cotisé doit être valorisé « , insiste le ministre.
3. Plus d’équité entre les travailleurs
Le souhait du gouvernement est de garantir plus d’équité entre les travailleurs en harmonisant progressivement les régimes des salariés, des indépendants et des fonctionnaires. Depuis le 1er juillet dernier, l’assimilation couvrant la période de service militaire est la même dans les trois régimes de pension et, fin 2017, la valorisation des années d’études pour le calcul de la pension sera également harmonisée. Cette réforme supprime progressivement la gratuité de la bonification pour diplôme dans le régime des pensions du secteur public. Au 1er janvier 2019, les tantièmes préférentiels dans la fonction publique et les deux derniers régimes spéciaux réservés aux militaires et aux agents de la SNCB seront supprimés.
Le gouvernement a décidé de soumettre aux entités fédérées et aux pouvoirs locaux une proposition visant à remplacer la pension pour inaptitude, qui n’existe que dans la fonction publique, par un régime d’indemnités d’incapacité et d’invalidité du même type que celui octroyé aux travailleurs salariés. Des mesures transitoires tiendront compte de la situation de ceux qui sont proches de la pension ou de ceux qui ont effectué une longue carrière.
4. Une pension mixte pour les contractuels
» De plus en plus de carrières sont mixtes et, avant la fin de l’année, nous mettrons en place la « pension mixte » réclamée depuis plusieurs années par les trois unions des villes et des communes « , note encore le ministre. Un contractuel devenu fonctionnaire en cours de carrière bénéficiera d’une pension de salarié, pour les années prestées comme contractuel, et d’une pension du secteur public, pour les années suivant sa nomination.
5. Un pouvoir d’achat garanti pour les pensionnés
Début 2017, le gouvernement a décidé de libérer une enveloppe » bien-être » de 350 millions d’euros pour revaloriser les pensions les plus faibles sur la période 2017-2018. En janvier 2018, la pension minimale pour une carrière complète sera indexée de 0,7 %. Sur le plan fiscal, depuis mai 2017, aucune augmentation de pension brute ne peut se traduire par une diminution de la pension nette et, à partir du 1er janvier 2019, la cotisation de solidarité sera réduite progressivement de 25 %. Et depuis le 1er septembre 2017, la Grapa, garantie de revenus aux personnes âgées qui ne bénéficient pas d’une pension ou dont la pension n’atteint pas le seuil de pauvreté, n’est plus accordée qu’à condition d’avoir résidé au moins dix ans en Belgique.
6. Un second pilier renforcé pour les indépendants
Le second pilier, dont les salariés bénéficient aujourd’hui exclusivement à l’initiative de leur employeur ou de leur secteur d’activité, sera progressivement généralisé à l’ensemble des travailleurs. A partir de 2018, les indépendants personnes physiques pourront se constituer un complément sous la forme d’un engagement individuel de pension, comme c’est déjà le cas pour leurs homologues dirigeants d’entreprise, avec incitant fiscal à la clé. Pour le premier pilier, rappelons que le calcul de la pension des indépendants est désormais aligné sur celui des salariés, sur la base de leur revenu professionnel net.
Une » pension libre complémentaire » sera également mise en place pour les salariés qui, pour la constituer, détermineront librement et dans certaines limites le montant des retenues sur salaire, avec déduction fiscale jusqu’à 30 %. Enfin, les administrations et les organismes publics seront encouragés à offrir un régime de pension complémentaire pour leur personnel contractuel, par un financement d’au moins 2 % de la rémunération à partir du 1er janvier 2020 et d’au moins 3 % de la rémunération à partir du 1er janvier 2021.
Par Philippe Berkenbaum, Caroline Dunski et Marie-Eve Rebts.
Mypension.be : un meilleur service au futur pensionné
Sur le site mypension.be, tous les futurs pensionnés peuvent déjà connaître la date de leur pension et simuler le montant de celle-ci. A partir de février 2018, un nouvel outil de simulation permettra au citoyen de trouver des réponses aux questions relatives au rachat de ses années d’études (1 500 euros, déductibles fiscalement, par année d’études réussie après l’année de ses 20 ans). D’ici à la fin de la législature, le citoyen pourra aussi estimer l’impact de ses choix de carrière sur la pension. Quid si je deviens indépendant ? Quid si je prends une pause carrière ? etc.
Philippe Defeyt : « Les personnes en situation précaire vont souffrir »
» Il reste une ambiguïté sur la notion d’harmonisation, estime l’économiste Philippe Defeyt. On harmonise les modalités techniques pour déterminer ce qu’est une carrière complète, mais on omet d’harmoniser les taux de remplacement, fixés à 60 % dans le secteur privé et à 75 % dans le public. Quant aux contractuels de la fonction publique, ils sont deux fois pénalisés, parce que le taux de remplacement de leur pension ne s’élève qu’à 60 % et qu’ils ne bénéficient pas d’un second pilier.
Par ailleurs, la pension minimum a effectivement augmenté, mais pour des personnes qui ont une carrière complète et à temps plein. Or, cela représente une minorité. La situation des personnes qui sont déjà en précarité pendant leur carrière et qui ont un parcours chaotique, entre emploi, chômage, intérim… risque de s’aggraver. Je pense qu’il faut aller vers une pension minimum de base, quel que soit le parcours professionnel et personnel, qui permet de corriger une inégalité de parcours. Sociologiquement, plus votre parcours est chaotique, moins vous avez de chances d’avoir mis de l’argent de côté. Arrêtons de penser que les chômeurs sont responsables de leur situation ! «
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