Elections présidentielles en France: « Mitterrand a fait resurgir l’extrême droite » (entretien)
L’époque du grand parti présidentiel de droite est révolue. La faute au président socialiste, rappelle Christophe Sente, chercheur en sciences politiques à l’ULB.
Comment expliquer le poids de la droite radicale en France?
A gauche comme à droite, on assiste à un affaiblissement des organisations qui avaient réussi à partir des années 1970 à encadrer le champ politique marqué par la bipolarisation en vertu du cadre institutionnel de la présidentielle. A l’époque de de Gaulle, la droite, alors unitaire, allait au-delà de ce qu’elle recouvre dans d’autres pays. Au terme d’une période de compétition entre les tentatives organisationnelles de Jacques Chirac et de Valéry Giscard d’Estaing, c’est le premier qui l’emporte en créant le RPR, le Rassemblement pour le République, dont Les Républicains sont les héritiers. Aujourd’hui, non seulement plusieurs organisations se disputent les suffrages de l’électorat de droite mais en plus, à l’intérieur de ce qui reste du parti présidentiel, une compétition se déroule entre les candidats, phénomène lui aussi inédit puisque le mécanisme de la primaire ne fait absolument pas partie de la matrice du gaullisme. C’est cependant dans la stratégie de François Mitterrand (NDLR: président de 1981 à 1995) qu’il faut situer l’origine de ce qui se passe aujourd’hui à droite.
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Selon quel processus?
François Mitterrand a utilisé le scrutin à la proportionnelle pour faire resurgir un aspect de la pluralité des droites françaises, l’extrême droite. Celle-ci ne commence pas avec Jean-Marie Le Pen. Mais il est celui qui fait le choix stratégique de créer un parti parlementaire, le Front national. En vertu des règles électorales en vigueur avant les mandats de Mitterrand, il n’a pas ou peu de représentation. Une fois une dose de proportionnelle introduite, la fracture de la droite est consommée. Les électeurs très à droite privilégient le Front national au détriment du parti présidentiel. Qui plus est, la droite traditionnelle est concurrencée par une autre formation à sa droite, sous la houlette d’Eric Zemmour.
Est-il encore possible pour Les Républicains de trouver l’espace politique qui assurerait sa viabilité?
L’ enjeu est à la fois de se distinguer de la droite radicale et de la politique libérale d’Emmanuel Macron. Pour Les Républicains, le discours du gaullisme social ne porte plus parce que ce terrain-là est désormais occupé par Marine Le Pen qui a accentué la dimension sociale du programme du Rassemblement national. Je ne classerais pas Emmanuel Macron dans la catégorie de la droite traditionnelle. Mais à l’échelle européenne, son parti est affilié au groupe Renaissance, qui comprend des partis libéraux. Le champ idéologique et programmatique qui reste aux Républicains est dès lors très étroit.
Entretien: Gérald Papy
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