Les fondateurs de BioNTech, milliardaires grâce au vaccin contre la Covid
Ugur Sahin et Özlem Türeci étaient inconnus du grand public voici encore deux semaines. Avec un premier vaccin contre la Covid développé en coopération avec l’Américain Pfizer, les fondateurs de BioNTech pourraient aider à débarrasser le monde du coronavirus. La start-up des deux enfants d’immigrés turcs vaut aujourd’hui 20 milliards de dollars.
Ils sont un peu les Pierre et Marie Curie des temps modernes… Les chercheurs Ugur Sahin et Özlem Türeci, cofondateurs de la start-up allemande BioNTech, sont à l’origine de la nouvelle qui a électrisé les Bourses la semaine dernière: l’annonce que, prochainement, un vaccin pourrait être disponible contre la Covid. Avec leur associé, le géant américain Pfizer, ils déclaraient, le 9 novembre, que leur candidat-vaccin était efficace « à 90% » contre le virus. « Plus de dix-huit mois après le début de la pire pandémie en plus d’un siècle, nous pensons que cette étape représente un pas en avant significatif pour le monde dans notre bataille contre la Covid-19″, a souligné le président directeur général de Pfizer, Albert Bourla, dans un communiqué. Les résultats sont aussitôt qualifiés d' »historiques » ou de « prometteurs », même si la technique – dite de l' »ARN messager » – sur laquelle se fonde le vaccin développé par BioNTech n’a pas encore fait ses preuves.
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« A la mine d’or »
Ugur Sahin et Özlem Türeci, sur qui reposent les espoirs de la planète entière, travaillent « A la mine d’or », numéro 12, une rue au nom prédestiné d’un quartier mi-industriel mi-résidentiel de Mayence, au sud-ouest de l’Allemagne. Ugur, 55 ans, est le président de BioNTech. Son épouse Özlem, 53 ans, est le médecin en chef de l’entreprise.
Un vendredi soir de la fin du mois de janvier dernier, Ugur Sahin reçoit par e-mail une étude inquiétante. La Covid-19, qui vient d’être découverte en Chine, y est présentée comme beaucoup plus contagieuse qu’escompté. En Europe, personne ne redoute encore le virus. Le lundi suivant pourtant, le « patron » convoque son directoire au grand complet et informe que BioNTech, qui travaillait jusqu’alors exclusivement dans la recherche contre le cancer, va mettre toutes ses forces dans la recherche d’un vaccin contre le nouveau virus. « Les salariés, racontera par la suite Ugur Sahin au Wall Street Journal, étaient contre. Beaucoup avaient déjà la tête dans leurs vacances au ski. » Trois mois plus tard, début avril, les premiers essais cliniques sur trois candidats-vaccins sont entamés. Dix mois après, BioNTech diffuse la nouvelle attendue par le monde entier.
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Les racines de BioNTech remontent jusqu’à la Turquie. Ugur Sahin y naît en 1965. Il a 4 ans lorsqu’avec sa mère, ils partent rejoindre son père qui travaille à la chaîne chez Ford, à Cologne. Le père d’Özlem Türeci, un médecin d’Istanbul, accepte pour sa part un poste à l’hôpital catholique de Cloppenburg, non loin de la frontière néerlandaise, avant d’ouvrir son propre cabinet en ville. Enfant, Özlem se souvient « avoir joué au milieu des patients ». Ugur, lui, se rappelle avoir toujours voulu devenir médecin. A l’université de Cologne, après les cours, il se rend au laboratoire pendant que les autres étudiants regagnent leurs pénates. « J’y restais le soir jusqu’à 21 ou 22 heures, parfois jusqu’à 4 heures du matin, avant de rentrer chez moi à vélo », se remémore-t-il, silhouette juvénile et sourire contagieux. En 1992, il obtient sa thèse avec les félicitations du jury, débute sa carrière au service hématologie-oncologie de l’hôpital de Cologne où il est habilité en 1999. Il change alors pour l’hôpital universitaire de Hambourg, où il croise la route de sa future épouse. Les deux chercheurs se marient en 2002. Ugur confiera par la suite être passé au laboratoire avant la cérémonie, et y être retourné juste après, la bague au doigt, pour y vérifier ses éprouvettes.
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Une même passion pour la recherche
Ugur Sahin et Özlem Türeci sont tous deux passionnés par la recherche médicale et l’oncologie. Se sentant souvent impuissants face à leurs patients avec les moyens qui sont à leur disposition – opération, radiothérapie, chimiothérapie -, ils rêvent de trouver de nouvelles voies pour traiter le cancer. Ils sont convaincus qu’il doit être possible d’apprendre au système immunitaire à détruire les cellules cancéreuses pour stopper leur développement anarchique.
« Le concept paraissait trop osé pour l’industrie, signalera Özlem Türeci plus tard, dans l’une de ses rares interviews. On a alors décidé de créer notre propre entreprise. » En 2001, le couple fonde, avec l’immunologiste Christoph Huber, Ganymed Pharmaceutical, une start-up de la biotech qui leur servira de tremplin: revendue 424 millions d’euros quinze ans plus tard, celle-ci leur permettra de créer en 2008 une seconde société. BioNTech est née.
L’entreprise qui, en douze ans d’existence, n’a encore jamais réalisé de bénéfices, s’est dotée au fil des ans de partenaires aux reins solides, qui misent sur Ugur Sahin et son équipe. Elle peut ainsi compter sur les frères Thomas et Andreas Strüngmann, devenus milliardaires avec la vente de Hexal, présents dès le départ, rejoints par la Fondation Bill et Melinda Gates, qui apporte 55 millions de dollars. Avec la Covid et la recherche d’un vaccin, Pfizer monte à bord au printemps dernier, de même que le Chinois Fosun Pharma, le gouvernement fédéral allemand et Washington, qui s’assure de la livraison de 100 millions de doses en cas de succès.
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Aujourd’hui, plus de 1.300 personnes travaillent pour BioNTech dans 60 pays à travers le monde, dont 500 au siège de Mayence. Depuis le début du mois de novembre, la jeune pousse vaut 20 milliards de dollars au Nasdaq, plus que Deutsche Bank ou Lufthansa (4,8 milliards). Et la fortune personnelle du couple – Ugur Sahin est propriétaire de 18% de BioNTech – est passée en quelques mois de 650 millions à 2,4 milliards d’euros. Ugur Sahin et Özlem Türeci, les deux enfants d’immigrés turcs, font désormais partie des 100 personnes les plus riches d’Allemagne.
Convaincus depuis des semaines d’avoir trouvé un vaccin contre la Covid, les dirigeants de BioNTech ont déjà lancé la production. 100 millions de doses de vaccin devraient être livrés d’ici à la fin de l’année, 1,3 milliard avec Pfizer d’ici à la fin de 2021.
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