Comment les communes mettent en place des stratagèmes pour contrer les CBD shops
Rattrapés par les accises sur le tabac, les magasins proposant du CBD, du cannabis légal et version light, sont aussi dans le collimateur des communes. Tour d’horizon des stratagèmes mis en oeuvre pour les contrer.
Promo ! Fleurs séchées CBD Amnesia, 20 euros pour deux grammes. Livraison rapide, discret et inodore. » Sur ce magasin en ligne belge, le cannabidiol (CBD) se vend sous la forme d’un prétendu pot-pourri, pour tenter d’esquiver les accises sur les produits à fumer. Mais personne n’est dupe : les deux grammes de marchandise ne finiront certainement pas sur une table basse. Le CBD est un produit dérivé de plantes de cannabis contenant moins de 0,2 % de THC, la molécule responsable des effets psychotropes. Ce seuil de tolérance provient d’une directive européenne, transposée dans le droit belge en septembre 2017. Dès l’été 2018, ce » cannabis light « , qui n’est donc pas considéré comme une drogue, s’est répandu sous plusieurs formes et parfums en Belgique, via des boutiques spécialisées au design raffiné ou dans de simples night shops.
Légal sous certaines conditions, le CBD n’en reste pas moins controversé.
Légal sous certaines conditions (lire l’encadré ci-contre), le CBD n’en reste pas moins controversé, en dépit des vertus thérapeutiques que lui prêtent ses adeptes. Les vendeurs ne sont d’ailleurs pas censés en parler : ce serait assimilé à un exercice illégal de la médecine. » Certains médecins envoient pourtant des patients chez nous avec des prescriptions « , constate Maxime Carrot, fondateur de l’enseigne Marcel. Les communes, elles, n’ont pas vu d’un bon oeil l’arrivée de ces magasins sur leur territoire. Dès l’été 2018, plusieurs bourgmestres ont reçu des dizaines d’appels d’habitants outrés par ces vitrines soudainement ornées d’un logo de feuille de cannabis. Sans pour autant le clamer ouvertement, certains élus ont tenté de décourager les enseignes concernées, faute de pouvoir les interdire. Voici les principales stratégies utilisées.
1. La prévention incendie
C’est l’exemple de Ciney, en province de Namur. Peu après l’ouverture d’un CBD shop, fin 2018, le bourgmestre Frédéric Deville (MR) s’est aperçu qu’aucune prévention incendie, obligatoire pour les bâtiments ouverts au public, n’avait été déposée. Il a ordonné dans la foulée la fermeture provisoire de l’établissement, qui n’a toutefois plus rouvert par la suite. » Ciney est la commune qui compte le plus d’élèves du secondaire au kilomètre carré, commente Frédéric Deville. Ce n’était probablement pas un hasard si ce magasin ouvrait chez nous. Le commerçant n’avait même pas fait la démarche de nous rencontrer au préalable : ce n’était pas très réglo. »
2. La saisie de marchandises
Interventions dans des CBD shops à Marche-en-Famenne et Arlon : brigade des stups, agents douaniers, SPF Santé et Finances, Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca)… Si la commune n’effectue pas elle-même ce type de descente, celle-ci est souvent le résultat d’un coup de fil passé par un élu local. Déjà contrôlées lors de leur entrée en Belgique, les quantités prélevées en magasin sont alors envoyées en laboratoire, pour contrôler leur taux de THC. » Il nous est déjà arrivé de ne récupérer notre marchandise que six mois après la saisie, témoigne Maxime Carrot. Et bien que les tests étaient négatifs, on nous réclamait 10 000 euros de frais pour la débloquer. C’est du grand n’importe quoi. L’Etat a vraiment du mal à jouer son rôle pour structurer le marché. A l’heure actuelle, certains acteurs du marché continuent à vendre des produits sans accises à cinq euros le gramme et à un taux de THC supérieur au seuil légal. Tout cela porte préjudice à ceux qui, comme nous, respectent les règles. »
3. Le règlement de police
Comme Bassenge, Ans et Spa, en province de Liège, plusieurs communes ont, quant à elles, adopté un règlement de police pour dissuader les CBD shops de s’y installer. A Spa, ceux-ci sont ainsi bannis dans un rayon d’un kilomètre autour d’une école, d’un établissement sportif, de la gare, d’un lieu de culte et d’un centre d’accueil pour enfants. Ce qui, dans les faits, empêche toute implantation de ces commerces dans la ville. A Bassenge, la commune s’était dans un premier temps renseignée auprès de l’ULiège pour contrôler les produits. » Finalement, les dispositions du règlement de police n’ont jamais dû être appliquées, relève la bourgmestre Valérie Hiance (CDH). Le magasin présent sur notre territoire a fermé pour une autre raison. »
4. La taxe communale
C’est la dernière couche, fiscale cette fois. Comme Liège, Tournai, Spa ou Nivelles, bon nombre de communes ont adopté une taxe annuelle sur les CBD shops : environ 24 euros par mètre carré de surface imposable, avec un plafond de 3 280 euros pour les magasins de plus de 50 mètres carrés et de 880 euros pour les boutiques plus petites. Cette dernière mesure ne les condamne pas pour autant : de nombreux CBD shops sont toujours en activité dans la plupart des communes concernées.
Après avoir profité d’un flou artistique dans la législation, le marché belge du cannabis light a subi une sévère correction au printemps 2019, à la suite de deux mises au point des SPF Santé et Finances.
– Fumer : légal. Dépourvu des effets psychotropes du cannabis, le CBD fait partie de la catégorie des » autres produits à fumer » au sens de la loi belge. C’est sur cette base que le CBD est depuis lors taxé bien plus lourdement : 31,5 % de droits d’accise sur le prix de vente, un droit d’accise spécial de 48,3 euros par kilo et une TVA de 21 %.
– Denrée alimentaire : illégal, sauf dérogation. Reprises en tant que novel foods (nouveaux aliments) dans la réglementation européenne, les préparations à base de cannabis sont interdites, quelle que soit leur teneur en THC. » Bien que les produits ayant une teneur en THC inférieure à 0,2 % ne relèvent pas de la loi sur les stupéfiants, la limite fixée pour une utilisation sûre dans les denrées alimentaires est beaucoup plus basse « , indiquent le SPF Santé et l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Le ministre de la Santé peut toutefois octroyer des dérogations, au cas par cas.
– Médicament : sur prescription, en pharmacie. » Ces produits doivent disposer d’une autorisation de mise sur le marché, être produits et distribués par des firmes pharmaceutiques et ne peuvent être vendus que dans des pharmacies « , rappelle l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé.
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