Pierre Havaux
Un divorce pour fêter l' »union fait la force »
L’an 2030, c’est après-demain et l’échéance se met à trotter dans bien des têtes. On n’oserait jurer de rien mais cette année-là, la Belgique revêtira ses habits de lumière pour célébrer son bicentenaire. Cerise sur le gâteau d’anniversaire, ce royaume en sursis aura aussi le privilège d’héberger un an durant la capitale culturelle européenne.
Courtrai, Gand, Hasselt, Louvain, Liège, voire Charleroi, des dossiers se fourbissent en vue d’un dépôt de candidature en 2024. Mais c’est Bruxelles qui espère bien décrocher la timbale. Le gouvernement régional bruxellois est à la manoeuvre et son ministre- président se montre d’humeur partageuse, solennité du rendez-vous oblige : » Je souhaite que cette candidature réaffirme Bruxelles en tant que capitale de la Belgique et de tous les Belges. Aussi voulons-nous amener une ville flamande et une ville wallonne – voire germanophone – à s’associer à la construction du projet « , a déclaré Rudi Vervoort (PS) devant le parlement des Bruxellois francophones (Cocof).
Qu’on se le dise, Bruxelles cherche pour 2030 partenaires particuliers. La main tendue n’est pas passée inaperçue au parlement flamand. Sondé en commission la semaine dernière, Benjamin Dalle (CD&V), en charge des Affaires bruxelloises au sein du gouvernement Jambon (N-VA – CD&V – Open VLD), a déclaré apprécier le geste : » Ce serait en effet un beau signal. » C’est alors que Stijn Bex, un député Groen, y est allé d’une » petite suggestion » : ce pourrait être chouette, à la lumière des 200 ans de la Belgique en 2030, que Bruxelles aspire à être capitale culturelle européenne en compagnie de Louvain et de Louvain-la-Neuve.
Associer les deux villes symboles d’un douloureux divorce au souvenir ému que depuis deux siècles l’union fait toujours ( ? ) la force : ça va chercher un peu loin, mais ce serait emblématique de la manière dont l’autonomie culturelle s’est développée dans ce pays, argumente le parlementaire vert, qui fut dans une autre vie membre de Spirit, fruit éphémère de la Volksunie. Positiver le » Walen buiten » en plein élan belgicain a touché la corde sensible du représentant N-VA en séance : c’est… oui/ja, a aussitôt rebondi l’élu bruxellois Karl Vanlouwe, toujours partant dès qu’il entend le mot scission. Mettre à l’honneur la déchirure qui, en 1968, a coupé en deux une université multiséculaire pour engendrer la KULeuven et l’UCLouvain, » serait un bel exemple d’autres scissions qui peuvent s’accomplir avec succès dans ce pays. Nous faisons nôtre la suggestion de Groen « , tant elle vaut pour le nationaliste flamand son pesant de précédent. » Elle est intéressante « , a convenu plus prudemment le ministre Benjamin Dalle. C’est sûr, faudra se parler, faudra en parler entre ministres de la Culture du nord et du sud. Tout compte fait, 2030, c’est encore loin. Dieu sait si la Belgique, plus forcément toujours grande et belle, sera encore de ce monde pour souffler ses 200 bougies. Il se trouve au moins un député N-VA qui croit que ce sera le cas.
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