Comment le système belge rend impossible l’émergence des partis citoyens
Les mouvements EnMarche.be (rebaptisé Volt), Oxygène, Belvox et E-change sont nés dans la foulée des scandales Publifin et Samusocial, l’année dernière. Ils s’inscrivent dans une vaste révolution démocratique qui souffle dans toute l’Europe. Chez nous, ils se cassent toutefois les dents face au système et à l’indifférence de l’opinion publique, notamment. Leur parcours montre la difficulté de changer les choses en Belgique francophone.
Ce sont des mouvements nés dans la foulée des scandales Publifin et Samusocial, en Wallonie et à Bruxelles, il y a un an et demi. Tous ont été créés par des citoyens choqués par les comportements outranciers de certains élus, soucieux de lutter contre les dérives politiciennes. Leur mot d’ordre ? Changer notre système démocratique en profondeur, adapter son mode de fonctionnement, révolutionner les règles de gouvernance et, in fine, réveiller des Régions en souffrance. EnMarche.be, Oxygène, Belvox ou E-change cultivaient une ambition forte. Tous étaient convaincus de répondre à un désir de changement dans la population. Dans l’air du temps. Leur inspiration émanait de l’Europe tout entière, en proie à une révolution politique pacifique. En France, le mouvement d’Emmanuel Macron a balayé les partis traditionnels. En Espagne, les nouvelles formations Podemos et Ciudadanos ont bousculé le jeu classique. En Italie, le Mouvement 5 étoiles a explosé électoralement au départ d’une volonté citoyenne de faire table rase. Partout, des aspirations nouvelles ont vu le jour. Pas pour faire de la figuration, mais pour arriver au pouvoir.
Rompre avec les pratiques du passé en s’inspirant des opportunités offertes par la société numérique
Un an et demi après, les initiatives citoyennes donnent pourtant l’impression de se solder par un flop retentissant en Wallonie et à Bruxelles. Si elles parviennent à toucher quelques convaincus via les réseaux sociaux ou lors de réunions organisées dans de petites salles de province, elles sont loin de susciter un raz-de-marée : elles se heurtent souvent à un mur d’indifférence, ne parviennent que rarement à passer dans les médias et sont confrontées à de nombreux problèmes dans l’organisation, la structuration ou le financement. Le récit de leurs initiateurs, recueillis par Le Vif/L’Express, est édifiant quant à la difficulté de faire bouger le curseur politique dans notre pays. Il est question d’écueils en cascade, de pressions sournoises de la part des partis traditionnels, mais aussi, au sein des mouvements, de naïveté, d’amateurisme et de querelles d’ego.
Ne devraient-ils pas unir leurs forces pour réussir ? C’est toute la limite de cet idéalisme. Des rencontres ont eu lieu entre les porteurs de ces différentes initiatives. Certains ont plaidé en faveur d’un rapprochement structurel, en vue des prochaines élections d’octobre (communales) et de 2019 (fédérales, régionales et européennes). Mais cela n’a débouché sur rien de concret à ce jour. Chacun reste campé sur sa logique. Chacun fait le gros dos en espérant percer, un jour, ou du moins peser sur le cours des événements. En étant conscient que cela risque de prendre du temps. Au détour de la conversation, ces pionniers confient un sentiment de découragement. Parce que les partis déjà installés les regardent s’épuiser à la tâche. Et parce que ceux-ci sont déjà revenus à leur business as usual.
Anciennement EnMarche.be, 3 000 sympathisants » Un cordon sanitaire contre nous »
Ancien journaliste de l’hebdomadaire économique Trends-Tendances, actif dans le domaine des nouvelles technologies, Jean-Yves Huwart rebondit sur la vague française, en compagnie d’autres citoyens, pour lancer EnMarche.be, en mai 2017. L’exemple du futur président français les enthousiasme. Ils font le pari d’une démarche positive, exprimée par un slogan : » Regarder le futur en face, bâtir une société d’opportunités. » » Nous voulions combler un vide parce que rien de nouveau n’émergeait malgré le contexte des scandales et de l’échec du redéveloppement de la Wallonie « , explique Jean-Yves Huwart. Leur projet consiste à rompre avec les pratiques du passé en s’inspirant des opportunités offertes par la société numérique, à formuler des réponses nouvelles en misant sur » l’intelligence collective » et à inviter les citoyens à s’approprier leur avenir. En résumé, il s’agit de » changer le logiciel » en Wallonie et à Bruxelles.
» Nous avons progressé de façon substantielle dans cette réflexion, poursuit Jean-Yves Huwart. Avec succès : nous avons rédigé deux manifestes, nous avons rejoint Volt Europa, une plateforme citoyenne présente dans trente pays européens, et nous recensons 3 000 sympathisants au niveau national. Mais notre campagne de crowdfunding n’a pas fonctionné et nous luttons sans moyens financiers. Et à quelques exceptions près, dont Le Vif/L’Express, nous avons l’impression qu’un cordon sanitaire médiatique a été décrété contre les mouvements citoyens. Tout le monde parle de la nécessité de renouvellement, mais quand on s’investit, les relais manquent. »
Fin mai dernier, EnMarche.be s’appelle brièvement C-Vox. Puis, cet été, se rebaptise Volt Belgique. » Passé le moment de l’élection en France, En Marche a commencé à faire peur aux gens, confie Jean-Yves Huwart. Nous nous sommes rendu compte que c’était un risque d’être assimilés à Emmanuel Macron. Chaque fois que le président français prenait une décision controversée, on nous tombait dessus. » Mais ce n’est pas tout… Les initiateurs ayant déposé le nom » En Marche » pour le Benelux, cela constituait un frein à la volonté du mouvement français d’élaborer une stratégie européenne. » Nous avons eu une réunion à Paris avec la direction du mouvement d’Emmanuel Macron, prolonge Jean-Yves Huwart. La coexistence de deux initiatives portant le même nom risquait de semer la confusion. Nous n’avons pas hésité longtemps : ce changement de nom nous permet d’avoir une identité plus claire pour la Wallonie et Bruxelles. »
Le mouvement met donc le cap sur les élections fédérales et régionales de 2019 sous l’appellation Volt Belgique. Et fait l’impasse sur octobre prochain. » Nous ne sommes pas prêts, reconnaît Jean-Yves Huwart. La préparation des communales nous prenait trop de temps. Nous rencontrions des gens très intéressants, mais il y avait aussi beaucoup de touristes, de personnes qui nous contactaient avec des intentions qui ne sont pas très claires. Ce n’est pas un discours de défaite. Nous prenons acte et nous continuons. » L’ancien journaliste a repris le livre qu’il avait publié il y a dix ans, Le second déclin de la Wallonie, pour le réactualiser. » Il n’y a toujours pas de relance de la Région, insiste-t-il. Quand le PS applaudit de voir le MR reprendre 80 % du plan Marshall, il y a de quoi être inquiet parce que c’est un échec. Il n’y a pas de logique d’appropriation de cette volonté de renouvellement par la population. On ne peut plus fonctionner comme ça. Ce devrait être l’obsession constante de tous les responsables francophones. Or, pour l’instant, ils font du micromanagement, avec des catalogues de mesures qui ne mènent à rien. »
Le changement de nom a également eu pour ambition de faciliter les logiques d’alliance. » Nous avons eu pas mal de discussions en ce sens avec Oxygène, Belvox ou avec des partis traditionnels, mais rien de concret jusqu’ici. Dans tout rapprochement, les gens doivent apprendre à se connaître. Nous, ce que l’on veut, c’est que la culture et la méthode changent. Nous voulons profiter de la dynamique Volt pour élargir notre base et changer de cadre. Les présidents de partis que nous avons rencontrés sont globalement d’accord sur le constat, mais pour l’instant, on a surtout l’impression qu’ils continuent à agir comme d’habitude parce qu’ils ont peur de perdre leur rente. C’est ce que l’on appelle « le dilemne de l’innovateur ». Kodak a été le premier à inventer le digital, mais a eu peur de le commercialiser. Et on sait comment ça s’est terminé… »
400 membres, 8 groupes locaux » Nos candidats subissent des pressions »
Fin 2017, l’entrepreneur hennuyer Walter Feltrin et son épouse, Barbara Dufour, franchissent le pas : ils sont les premiers à créer officiellement un parti citoyen en Wallonie, baptisé Oxygène. Pour appuyer leur démarche, ils publient un livre qui dresse le constat d’une Région à réinventer. Le titre est un slogan : Alternative. Ni PTB, ni Front national. Oxygène ne veut pas se situer sur l’échiquier politique, entend dépasser les clivages, refuse tous les tabous et adopte un discours soucieux d’éthique, d’efficacité et d’équité. Volonté ? Provoquer une » révolution citoyenne pacifique « .
Un an plus tard, Oxygène a fait son petit bonhomme de chemin, se prépare pour les communales d’octobre prochain avec, notamment, une liste complète à Namur et des ambitions dans une vingtaine de localités. Mais de l’aveu de ses fondateurs, la mayonnaise ne prend pas aussi vite qu’ils l’auraient voulu. » Pourquoi le parti ne décolle pas ? C’est une question que l’on se pose, confessent Walter Feltrin et Barbara Dufour. Chacun y va de son explication. Nous constatons une difficulté à obtenir une couverture médiatique décente. Certains titres, comme Le Vif/L’Express, suivent notre action, mais d’autres n’écrivent pas une ligne. Peut-être ne sommes-nous pas assez sensationnalistes. Certains disent que l’on devrait faire le buzz ou tenir des discours plus radicaux. Franchement, nous sommes perplexes… »
Le parti est pourtant en ordre de marche. Ses statuts sont en règle. Son asbl est constituée. Des cellules sont en charge des différentes facettes de l’organisation d’Oxygène. Le programme en matière d’enseignement vient d’être publié, suivi de près par celui sur l’immigration. » Il y a un problème de financement, précise Walter Feltrin. Tant que nous ne disposons pas d’élus, nous ne recevons pas d’argent public. Le financement alternatif est extrêmement compliqué. Les personnes morales ne peuvent pas contribuer et les personnes privées sont limitées à quatre fois 500 euros sur une année. Bref, ce n’est pas aisé de mettre en place un financement fluide. »
Dans sa structuration, Oxygène rencontre en outre des difficultés de plusieurs natures, qui sont parfois de l’ordre de la quadrature du cercle. » Certains critiquent que nous ne sommes pas des professionnels et disent ne pas pouvoir nous faire confiance, relèvent ses fondateurs. Mais quand nous voulons mettre des gens de terrain en avant, des personnalités connues dans leur discipline, cela s’avère compliqué parce qu’ils n’ont pas suffisamment de temps pour s’investir. Quand ils ne subissent pas des pressions explicites. » Tel consultant s’est vu menacé de perdre des contrats s’il venait à soutenir ouvertement ce nouveau parti. Telle infirmière s’est vue menacée par des patients d’être remplacée par » une infirmière socialiste « . » On essaie visiblement de tuer le poussin dans l’oeuf « , résume Walter Feltrin. Son constat ? Le système se protège.
Tout est fait pour protéger cette forteresse qu’est le Parlement
Le choix d’avoir créé un parti, et non un mouvement, avec des ambitions électorales est une autre source de difficultés. » Les mots « parti politique » provoquent aujourd’hui un rejet presque viscéral dans la population, c’est horrible « , pointe son fondateur. Et qu’importe si ce nouveau venu entend proposer d’autres manières de faire. » Nous voulons cultiver un mode de fonctionnement extrêmement démocratique, en laissant une grande autonomie à ceux qui nous soutiennent, enchaîne Barbara Dufour. Nous n’en démordons pas, même s’il est parfois très difficile de faire avancer dans la même direction des gens qui nous aident de façon bénévole. »
Le parti tâtonne, cherche sa voie et tente de tracer une ligne nouvelle en tenant un discours très critique au sujet du système qui cadenasse la vie politique belge. » De manière générale, Oxygène fait peur, déclarent ses fondateurs. On nous perçoit comme des gens intransigeants, à la limite du « dégagisme ». » Notamment parce qu’ils refusent a priori tout recrutement de politique en place. D’éventuelles alliances sont-elles possibles avec les autres mouvements citoyens ? » Cela aussi semble très compliqué, répond Walter Feltrin. Nous aurions dû le faire au début. Le fait de changer de nom mettrait à mal tout le travail accompli depuis des mois pour faire connaître le nôtre. L’union fait la force, oui, mais personne n’est prêt à faire des sacrifices pour y arriver. » Oxygène continuera donc à tracer son sillon, seul, jusqu’en 2019, pour laisser le verdict final à l’électeur.
3 600 followers – « Il y a une forme de mépris… »
Stéphane Michiels est un père de famille engagé. Après avoir bouclé sa carrière professionnelle dans l’Horeca, ce quinquagénaire a décidé de se lancer dans le grand bain citoyen après avoir répondu aux interpellations naïves de ses enfants, le soir devant le JT, au sujet d’élus grassement payés pour ne rien faire. Voilà pourquoi il a créé il y a un an et demi Belvox, une association à travers laquelle il mène une réflexion permanente sur la gouvernance. » J’irai jusqu’où cela me porte « , assure-t-il. Non sans avouer qu’il se sent par moments » résigné » devant l’immobilisme de nos responsables politiques. Cet habitant du Brabant wallon n’exclut rien, y compris la possibilité de rejoindre un parti existant. Mais pas à n’importe quel prix : il veut forcer un changement de notre régime démocratique.
» Le système actuel ne laisse aucune place pour les citoyens, s’exclame-t-il. Rien n’est prévu de façon structurelle. Les politiques n’arrêtent pas d’en parler mais, dans leur esprit, nous sommes avant tout des voix potentielles. Un politologue m’a dit un jour : « Mais monsieur Michiels, les partis sont avant tout des entreprises privées ! » Et les citoyens constituent leur fonds de commerce. Celui qui en comptabilise le plus est celui qui détient le plus de pouvoir. Nous sommes des petits numéros que l’on empile. Mais une fois les élections passées, les citoyens n’ont plus droit à la parole. »
Ce citoyen du Brabant wallon veut contribuer à changer la donne. En provoquant la réflexion et en prenant appui sur les réseaux sociaux. Mais il se heurte, trop souvent, à des murs politiques et médiatiques. Et il ne comprend pas. » La résistance des politiques est dans le silence, souligne-t-il. Quand je les interpelle, neuf fois sur dix, ils ne me répondent pas. Pas même un accusé de réception ! Il y a une forme de mépris et une certitude de leur part qu’on va laisser passer le temps, pour retourner au business as usual. Les journalistes me répondent une fois sur deux, mais ils ne trouvent pas de case pour me positionner. Je dois me battre pour avoir dix minutes par-ci par-là. Souvent, on se contente de me présenter comme un père de famille qui se révolte alors que cela fait un an et demi que je suis à temps plein là-dessus : j’écris, j’anime des forums, je rencontre des professeurs d’université pour élaborer des propositions… Ou alors on me dit que le jour où je serai élu, on me donnera la parole. La seule manière de s’exprimer, c’est donc de se présenter aux élections ? »
De la part de ses pairs citoyens, Stéphane Michiels reçoit des marques d’intérêt polies, qui se muent rapidement en haussements d’épaules : » De toute façon, ça ne changera rien… « . » La plupart des gens ne s’y intéressent absolument pas et ne savent pas du tout de quoi on parle, constate-t-il. Ou ils pensent savoir et jugent sur la base d’a priori. Il faut une éducation politique et citoyenne à l’école, faire en sorte qu’il y ait des ateliers de démocratie, apprendre aux enfants à se mettre autour de la table pour résoudre les problèmes. J’ai un fils en quatrième secondaire, il apprend à faire des équations, mais pas le fonctionnement des institutions de son pays. Les nouveaux électeurs ne savent pas faire la différence entre commune, Région wallonne ou Communauté française. Cette situation est entretenue par les politiques, qui ont tout intérêt à ce que la population ne sache pas, pour continuer à dire : « Laissez-nous faire, nous, on sait… » « .
Le fondateur de Belvox se pose des questions sur la voie à suivre. » J’ai publié un post, un jour, pour demander si les gens seraient prêts à soutenir un nouveau parti politique dont le coeur serait la gouvernance. J’ai eu 85 % de oui sur plus de 1 000 votes. Mais pour créer son propre parti, il y a des conditions drastiques. C’est financièrement astronomique si l’on veut réussir. Il faut récolter 500 signatures par circonscription, dépasser un seuil électoral à 5 % pour entrer au Parlement… Tout est fait pour protéger cette forteresse. Je pense pourtant que si on arrive à mettre en avant cette question de gouvernance, de mentalité et de culture politique, et qu’on met de côté les clivages gauche-droite le temps d’une élection pour corriger le système politique de façon structurelle, on aura déjà fait un grand pas. Mais personne n’en veut, parce que cela va à l’encontre de leurs intérêts. »
A la suite de ce sondage express, Stéphane Michiels a reçu des propositions de la part de partis en place et a noué des discussions pour se présenter en 2019. » Je ne le fais pas pour avoir une place ou un salaire, affirme-t-il, mais parce que j’ai envie de faire bouger les choses. Si je me fais élire demain, je n’aurai pas l’objectif immédiat de me faire réélire, je ne suis pas dans l’objectif de faire une carrière. Le politique doit redevenir un métier de service et pas un métier où l’on s’enrichit. Mais cela passe au-dessus de la tête de la plupart d’entre eux. Parce qu’ils sont dans cette logique d’occuper le terrain, de pérenniser leur place. Ce raisonnement-là, malheureusement, va à l’encontre des intérêts à long terme de la collectivité. »
1 600 sympathisants – « Nous ne sommes pas un parti »
Parmi ces initiatives citoyennes, E-change détonne. Créé lui aussi dans la foulée du phénomène Macron en France, ce groupe de réflexion s’inspire en réalité d’une carte blanche rédigée en mai 2016 par Johnny Thijs, Baudouin Meunier et Bernard Delvaux, qui ont tous trois oeuvré à la mutation d’entreprises publiques comme B-post ou Proximus. Mot d’ordre de leur texte fondateur : » Revitaliser cet Etat belge qui donne l’impression de ne plus fonctionner. » Ambition : sortir des clivages stériles et mener une réflexion à long terme, au départ d’objectifs ambitieux et concrets. Parmi les coordinateurs d’E-change, on retrouve Baudouin Meunier, mais aussi le très populaire patron de Meusinvest et bourgmestre d’Amay, Jean-Michel Javaux (Ecolo). Parmi les participants aux réunions de ce think tank, des professeurs d’université, des citoyens, des représentants du monde associatif et de l’entreprise, mais aussi des politiques comme Alda Greoli et Melchior Wathelet (CDH) ou Didier Gosuin (DéFI).
Ce casting a immanquablement fait songer à la naissance prochaine d’un nouveau mouvement politique à la En Marche. » Il y a eu un débat à ce sujet, mais nous en sommes sortis, signale Baudouin Meunier. Celui-ci s’est réinvité à notre table récemment parce que des candidats aux élections communales nous ont demandé s’ils pouvaient se revendiquer d’E-change. Nous avons refusé parce que nous ne sommes pas un parti. En revanche, nous envisageons à l’avenir que des candidats puissent se revendiquer d’E-change dans tous les partis. » Comme une sorte de label pour marquer les gens déterminés à travailler ensemble par-delà les frontières partisanes.
En attendant, E-change a démarré concrètement ses travaux. Le 6 mars 2018, dans les loges du Standard de Liège – facilement accessibles en raison de la participation au groupe de son patron, Bruno Venanzi… – le site Internet a été présenté. De même que la démarche, appuyée jusqu’ici par 1 600 sympathisants, qui constitue une forme de laboratoire de ce que pourrait être la démocratie participative. » Nous avons déterminé dix thématiques sur lesquelles nous allons travailler en priorité, du fonctionnement de la démocratie à la migration en passant par les transitions écologiques et économiques, expose son coordinateur. Nous avons ensuite défini une méthodologie qui s’inscrit dans la durée parce qu’E-change vise des objectifs à long terme. » Après avoir défini un diagnostic, le groupe organise des débats publics pour tracer les grandes lignes d’un projet, qui sont ensuite soumises aux citoyens dans des groupes locaux. » Notre volonté, c’est d’impacter le débat public, martèle Baudouin Meunier. La meilleure des choses qui puisse arriver, c’est que des partis politiques s’approprient le fruit de nos réflexions et s’engagent à les concrétiser. » Idéalement au-delà d’une législature, parce que telle est la philosophie de ce mouvement. Mardi 4 septembre, E-change a présenté dix engagements auxquels peuvent souscrire les candidats aux élections communales pour se revendiquer de cette dynamique.
Bernard Delvaux, CEO de la Sonaca, souscrit. » Je contribue à la démarche d’E-change et j’espère sa réussite parce qu’elle s’inscrit parfaitement dans la continuité de notre texte, nous déclare-t-il. C’est une démarche indispensable. On le voit dans toutes ces grandes discussions qui n’avancent pas en matière d’énergie, de mobilité… Le système actuel est malade. J’espère que les partis politiques traditionnels comprendront l’urgence et s’empareront des thèmes en question en vue des prochaines élections. » Mais sur la forme, il s’interroge : » Le fait d’avoir fait appel à d’anciens hommes ou femmes politiques pourrait affaiblir la démarche. Sont-ils les mieux placés pour incarner le renouveau ? »
Au vu du foisonnement d’initiatives citoyennes, cet industriel se dit persuadé de la nécessité de rebattre les cartes politiques. En admettant qu’il ne sera pas simple de briser l’hégémonie des partis traditionnels. » La transformation a besoin d’une incarnation, d’un leadership, souligne-t-il. Le modèle français nous apprend que celui-ci peut venir d’un groupe restreint de personnes, autour d’une personnalité forte comme Emmanuel Macron, proposant des messages différents et inspirants. Ensuite, il faut développer une communication efficace. Cela passe par les réseaux sociaux. La technologie doit être utilisée pour obtenir le soutien populaire et, de nos jours, cela peut aller très vite. Tout cela est facile à dire mais compliqué à réaliser. Et ça nécessiterait de la part de ceux qui se lancent un engagement à 200 % et une prise de risque énorme… » Outre des sacrifices importants, en temps et en argent, ça risque de ruiner une carrière.
» Lancer une dynamique comme E-Change, c’est très compliqué, convient Baudouin Meunier. Nous n’avons pas de moyens financiers. Quand il y a des frais à payer, nous y allons de notre poche. Notre objectif étant par ailleurs flou, peu compréhensible immédiatement par tout le monde, nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie. «
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