Agriculture intelligente: le numérique creuse plusieurs sillons
L’ agriculture est, elle aussi, confrontée aux enjeux de la digitalisation. Mais entre les outils de smart farming qui se développent et leur adoption, il y a un fossé, plus ou moins important selon le type d’exploitations.
Robots pour traire ou nourrir les vaches, tracteurs intelligents, capteurs placés au sein des étables ou dans les champs… Le smart farming (ou agriculture intelligente) est aujourd’hui à portée de main. Ce n’est toutefois pas demain que les humanoïdes, drones et autres machines remplaceront les fermiers, car la digitalisation des activités est encore loin d’être systématique. Selon le dernier baromètre de maturité numérique réalisé par Digital Wallonia (2018), l’agriculture se place en effet parmi les secteurs les moins avancés dans ce domaine, malgré une belle progression par rapport à l’étude précédente.
La numérisation implique aussi de mettre en place un cadre pour la protection des données.
La digitalisation est pourtant une solution efficace pour répondre au défi de produire de la qualité à prix raisonnable et dans des conditions respectueuses de l’environnement. Elle permet en effet d’optimiser l’usage des ressources et le travail de l’homme et, par conséquent, d’augmenter la rentabilité des exploitations. « Aujourd’hui, 50% des agriculteurs recourent à l’assistance satellite pour le guidage des tracteurs, ce qui garantit davantage de précision et évite de repasser deux fois au même endroit lorsqu’on laboure le sol », illustre Sébastien Weykmans, administrateur délégué de WalDigiFarm, une asbl dont l’objectif est de favoriser l’usage du numérique dans les productions végétales au sud du pays. « C’est aussi un outil très précieux en agriculture biologique, puisqu’il aide à atteindre une précision centimétrique lorsqu’on sème. Par la suite, on pourra par exemple cibler efficacement le désherbage mécanique. »
Les outils numériques servent aussi à réduire l’empreinte environnementale et la pénibilité de certaines tâches. Les robots de traite ou nourrisseurs, notamment, offrent plus de flexibilité aux agriculteurs, tandis que les capteurs et objets connectés peuvent indiquer quand une vache est prête à vêler ou à être inséminée. « Les technologies sont actuellement plus développées dans le domaine de l’élevage », observe Sébastien Weykmans. Dans le secteur de la production végétale, toutefois, « plusieurs innovations remportent un certain succès, comme les stations météo connectées qui permettent de travailler de façon collaborative et d’échanger des données entre cultivateurs. Un Hesbignon peut ainsi avoir accès aux relevés météo d’un collègue tournaisien et anticiper le travail des champs en fonction des averses qui traversent généralement le pays d’ouest en est. »
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L’usage plus que les outils
Malgré leur essor, ces stations météo connectées concernent seulement 10% des agriculteurs pour l’instant et beaucoup d’autres technologies les séduisent moins. C’est le cas des outils IoT (Internet of Things, ou Internet des objets) et des drones, dont l’utilisation touche à peine 1 ou 2% des exploitations. Le phénomène s’explique par plusieurs freins, à commencer par le fait que l’usage et l’apprentissage du numérique est encore trop peu intégré dans les formations. Cela ne facilite pas l’ adoption de technologies parfois complexes, d’autant que les nombreux systèmes existants ne sont pas toujours bien intégrés entre eux.
Sébastien Weykmans admet par ailleurs qu’il reste un sérieux effort à faire pour supprimer le fossé entre les mondes du numérique et de l’agriculture. « Ils ne communiquent pas suffisamment entre eux, ce qui fait que les besoins des exploitants et les solutions digitales qui existent ne se rencontrent pas toujours. » La numérisation implique aussi de mettre en place un cadre pour la protection des données, une question sur laquelle planche le projet wallon OpENAgro4.1, qui porte sur la période de 2020 à 2022 et associe plusieurs organismes publics à des spécialistes du droit des nouvelles technologies de l’UNamur.
Et puis, bien sûr, l’adoption des technologies dépendra de leur rentabilité. Certains investissements peuvent en effet représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros, mais en parallèle d’autres outils se démocratisent ou sont bien plus abordables. « Un smartphone et certaines applications qui ne sont pas forcément dédiées au monde agricole permettent déjà de faire beaucoup de choses », précise Sébastien Weykmans.
« L’ essentiel – c’est notre credo chez WalDigiFarm – est de favoriser l’usage plutôt que le numérique en tant que tel. » Car la digitalisation du secteur agricole ne se résume pas à l’utilisation d’ équipements technologiques ; elle devrait également passer par une évolution dans les méthodes de travail: « Je suis persuadé que, dans le futur, on se dirigera vers des solutions plus intuitives, mais surtout vers davantage de collaboration entre les fermiers », poursuit l’ administrateur de l’ asbl. « On l’oublie souvent, mais l’intérêt principal du numérique est justement de permettre des échanges plus poussés. »
Un terreau fertile au sud du pays
La Wallonie croit très fort dans la digitalisation du secteur agricole et a d’ailleurs lancé en 2017 un programme Smart Farming porté par Digital Wallonia. Le but: soutenir et encadrer le développement de projets et de partenariats axés sur la transformation numérique de l’ agriculture. Parmi les actions réalisées ces dernières années, on peut citer l’ organisation d’ événements et conférences dédiés au digital, l’aide à la création de l’ asbl WalDigiFarm qui fédère les acteurs et valorise les usages numériques, ou encore le soutien à des programmes de formation comme le Digital Boostcamp Agriculture. En dehors de cette stratégie publique, le smart farming gagne aussi du terrain grâce aux solutions développées par des entreprises, universités ou centres de recherche belges. Il y a quelques années, plusieurs partenaires, dont Agronova et l’Henallux, ont ainsi mis au point un robot potager autonome baptisé Ceres. D’autres innovations sont collaboratives, comme la plateforme Belcam (Belgian Collaborative Agriculture Monitoring), lancée en 2019. Elle s’appuie sur le partage de données (notamment satellitaires) et de conseils pour améliorer le suivi des parcelles agricoles. Enfin, la Belgique compte diverses entreprises spécialisées dans le développement d’outils d’aide à la décision (OAD), dont Agrimeteo ou AgrOptimize, destinés, entre autres, à permettre à l’exploitant de choisir le moment idéal pour intervenir dans ses champs.
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