Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux: la VRT sur un air de « deweverisation » (chronique)
A quoi bon s’inquiéter d’indépendance rédactionnelle quand la rédaction politique n’est pas associée à la confection d’une émission.
Pourquoi lui et pas un autre? Question idiote: « Il est le président du plus grand parti et bourgmestre d’ Anvers et il domine le débat politique depuis quinze ans. » Sa seule personne valait bien un documentaire. La VRT a dit oui et Petra De Pauw a applaudi, ravie de pouvoir glisser ses pas dans ceux de Bart De Wever un an durant, enchantée à l’idée de mieux faire connaître l’homme politique et de découvrir l’homme plus privé, l’année de ses 50 ans. Clap, c’est donc parti pour BDW, une trilogie « dans la tête de Bart De Wever » avec ses saisons 1, 2, 3 comme dans les vraies séries à suspense qui passent à la télé.
A quoi bon s’inquiu0026#xE9;ter d’indu0026#xE9;pendance ru0026#xE9;dactionnelle quand la ru0026#xE9;daction politique n’est pas associu0026#xE9;e u0026#xE0; la confection d’une u0026#xE9;mission.
Qui se cache vraiment derrière le président de la N-VA, ça c’est une vraie question. Et la tactique de la documentariste Petra « qui-s’est-fait-toute-petite » derrière la caméra « qui-a-su-se-faire-oublier » a été payante, puisqu’enfin le mystère est percé: « Il est vraiment drôle, adore faire des blagues, mais c’est aussi un pessimiste qui part souvent du plus mauvais scénario. Et il vit pour son métier », révélait l’investigatrice au périodique Humo, le 10 février dernier, à quelques heures de la diffusion en soirée du premier épisode de la saga événement.
Il fallait s’y attendre. Les inévitables ronchons se sont manifestés. Les envieux et les obsédés de l’éthique qui se sont demandé si une telle couverture médiatique était bien conforme au devoir d’impartialité, voire à la déontologie d’une chaîne publique. Ils ont sournoisement demandé à voir où était le travail journalistique mené à charge et à décharge. Question stupide: ceux-là passaient à côté du sujet, il ne pouvait y avoir erreur sur la marchandise. A quoi bon s’inquiéter d’indépendance rédactionnelle quand la rédaction politique n’est pas associée à la confection d’une émission. Quant à qualifier de docusoap ce vrai documentaire, on frisait la vilenie.
Au moins fallait-il juger sur pièces. La critique en Flandre s’en est chargée: pas très tendre pour l’occasion. Trois fois cinquante minutes pour découvrir que le politique ne s’est pas effacé devant l’humain, que Bart en négociations politiques, Bart en guerre contre les trafiquants de drogue à Anvers ou Bart en pleine crise sanitaire n’aura accouché d’aucune réelle surprise. En revanche, il a confirmé son talent à cracher son venin sur ses adversaires, singulièrement les libéraux flamands. Ce qui a poussé leur président, Egbert Lachaert, à faire un voeu: que la VRT ne soit pas en train de devenir « l’outil de propagande de BDW ». La chaîne, fragilisée par quelques casseroles, est en phase de reprise en main et certains redoutent que le processus ne se déroule un peu trop sous influence N-VA, jusqu’à une « orbanisation » de la chaîne, ou plutôt une « deweverisation ».
Le Standaard croit d’ailleurs savoir que des dents ont fini par grincer lors de la dernière séance du conseil d’administration de la VRT, le 22 février. Un expert en relations médias-politique confiait au quotidien flamand toute sa perplexité: « Existe-t-il un pays occidental où un président de parti, trois semaines d’affilée, a droit à un « portrait feel good » en primetime et peut fondre sur ses adversaires sans réplique? » Même pas en Wallonie.
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