Mussolini en Italie, la violence qui a fait le Duce
Dans M L’enfant du siècle, le romancier Antonio Scurati décrit l’ascension de Mussolini entre 1919 et 1925. De l’agitateur révolutionnaire au Premier ministre. Edifiant.
L’écrivain Antonio Scurati apporte une contribution remarquable au travail de mémoire sur le parcours du fondateur du mouvement fasciste. Son récit romancé, M L’enfant du siècle (1), est le premier volet d’une trilogie consacrée à Benito Mussolini, qui dirigea l’Italie de 1922 à 1943. L’histoire de son ascension, entre mars 1919 et janvier 1925, plante les racines de l’enfer d’inhumanité qu’il fera régner en Europe aux côtés d’Adolphe Hitler. Fruit d’une étude historique pointue, le livre d’Antonio Scurati plonge le lecteur au plus près de la réalité saisissante d’une époque et, en premier lieu, de la violence banalisée, réminiscence de la Grande Guerre et de la fracture entre les partisans de la neutralité et les « interventionnistes » face à l’Empire austro-hongrois.
Il a inventé l’union du national et du social.
Coupable d’avoir défendu cette position contre celle de sa direction, Benito Mussolini est exclu du Parti socialiste. Il crée les Faisceaux de combat, un « antiparti ». Les élections de novembre 1919 sont un échec. Mais il a été « le premier à comprendre qu’il est possible d’exploiter les rancoeurs pour la lutte politique, le premier à s’être placé à la tête d’une armée d’insatisfaits, de déclassés et de ratés qui passent leur journée à astiquer leur poignard […] en attendant que quelque chose explose, qu’il puisse en chevaucher l’onde de choc ».
Il se rapproche alors des industriels et des propriétaires terriens inquiets du « projet révolutionnaire bolchevique » que les socialistes ont embrassé. Il met ses milices à leur service. Et le philosophe français Georges Sorel, spécialiste du syndicalisme révolutionnaire, dit de lui: « Il a inventé quelque chose qui n’est pas dans mes livres: l’union du national et du social. » Benito Mussolini ne rechigne pas non plus à faire montre d’opportunisme politique. Il s’allie aux libéraux et, à la faveur des élections d’avril 1921, il est élu député pour la première fois. Sous la pression de la bourgeoisie qui se lasse des penchants violents de ses sbires, il érige ses Faisceaux en « parti de masse de la classe intermédiaire ». Mais le fascisme peut-il survivre au renoncement à la violence?
« Il faut constituer un parti solidement encadré et discipliné qui puisse être, si nécessaire, transformé en armée capable d’agir sur le terrain de la violence », assène le leader fasciste en août 1921. Illustration magistrale quatorze mois plus tard. Face à la paralysie du gouvernement, Benito Mussolini organise une marche sur Rome de ses partisans. Alors qu’ils sont aux portes de la capitale, le roi et le Premier ministre ont deux options: décréter l’état de siège ou acter la démission du gouvernement. C’est la seconde qui est choisie.
Victor-Emmanuel III désigne Mussolini comme Premier ministre. A 39 ans, il est le plus jeune de l’histoire de l’Italie. Nous sommes le 31 octobre 1922, trois jours après le terme prévu de la marche. Un coup de maître. Commentaire du quotidien Corriere della Sera: « En l’espace de quatre ans, les Italiens se sont habitués à voir dans la violence une voie de progrès ou une solution possible et à juger un parti d’autant plus fort qu’il est menaçant. » Cette hypothèque fera chanceler Mussolini deux ans plus tard lors de l’assassinat barbare, par ses hommes, du député socialiste Giacomo Matteotti. L’Etat fasciste brutal et antiparlementariste est né.
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