La vieille dame et les Klimt

Le Portrait d’Adele Bloch-Bauer I, célèbre tableau de Gustav Klimt, compte parmi les six chefs-d’ouvre du peintre confisqués en 1938 par les nazis à un industriel juif viennois. Sa dernière héritière, Maria Altmann, 89 ans, installée aux Etats-Unis, a lutté pendant sept ans contre l’Etat autrichien pour récupérer ces toiles, estimées entre 150 et 200 millions d’euros. Histoire d’une bataille livrée – et gagnée – au nom de l’honneur l

Gilbert Charles

Huit heures. Les premiers rayons du soleil effleurent les collines verdoyantes de Cheviot Hills, un quartier cossu de l’ouest de Los Angeles. Dans le jardin de sa petite maison, une vieille dame en peignoir hume ses rosiers, une tasse de café fumant à la main. Comme tous les matins, Maria Altmann, qui va fêter ses 90 ans, sort de la piscine où elle se dérouille quelques instants avant de partir faire ses courses dans sa vieille Chevrolet beige. Grande, discrètement maquillée, auréolée d’une permanente impeccable, cette ex-vendeuse de vêtements, veuve depuis dix ans, savoure la fin de sa longue existence et la victoire de son dernier combat.  » Les Autrichiens ont fait traîner les choses en comptant sur mon âge avancé, lâche-t-elle avec un sourire ravi, mais je suis toujours là !  » Et bien là : après sept ans de procédure acharnée, Maria a réussi à faire plier l’Etat autrichien, à qui elle réclamait six tableaux de Gustav Klimt, dont son oncle avait été spolié par les nazis et conservés depuis la guerre au musée du Belvédère, à Vienne. Trois portraits et trois paysages, considérés comme des chefs-d’£uvre du maître de l’Art nouveau, évalués entre 150 et 200 millions d’euros ! Le 17 janvier dernier, un tribunal arbitral siégeant à Vienne a rendu un jugement sans appel qui ordonne la restitution des £uvres à la vieille dame.

Maria Altmann est la dernière survivante des Bloch-Bauer, une famille de la bourgeoisie juive viennoise du début du siècle. Ferdinand Bloch-Bauer, son oncle paternel, était un magnat du sucre, propriétaire de la plus grande raffinerie d’Autriche, mais aussi mécène et collectionneur d’art. Adele, sa jeune épouse, fille d’un banquier de Vienne, fut l’une des muses de Gustav Klimt, qui l’a croquée sur des dizaines de dessins et surtout sur deux toiles devenues célébrissimes. Estimé à lui seul à plus de 50 millions d’euros, Adele Bloch-Bauer I, ou le  » portrait doré « , est considéré comme la Joconde de l’Autriche, une icône nationale, qu’on retrouve imprimée à la chaîne sur les tee-shirts et les tasses à café des boutiques du musée du Belvédère.

Maria, ses trois frères et sa s£ur ont passé tous les dimanches de leur enfance au  » palais  » d’Adele et de Ferdinand, un magnifique hôtel particulier en plein centre de Vienne, décoré de sculptures, de tapisseries d’Aubusson, de porcelaines rares et de tableaux de maître. Dans la Vienne cosmopolite du début du siècle, où s’inventait l’Art nouveau, la musique dodécaphonique et la psychanalyse, le salon des Bloch-Bauer était le rendez-vous des plus grands artistes, peintres, écrivains et hommes politiques. Gustav Klimt, mais aussi le peintre Oskar Kokoschka, Alma Mahler et Gustav, le compositeur Arnold Schoenberg, Richard Strauss, ainsi que le chancelier Karl Renner, qui deviendra après la Libération le premier président de la République autrichienne, étaient des intimes d’Adele.

Mais ce monde-là est à jamais disparu. Adele a succombé à une méningite, en 1925. Maria Altmann a fui le régime hitlérien avec son mari en 1938 et s’est installée aux Etats-Unis. Ferdinand, lui, s’est éteint en exil à Zurich en 1945. Après avoir été dépouillé par les nazis de tous ses biens et de sa fabuleuse collection d’£uvres d’art.

Le procès entamé par la retraitée américaine éclaire une réalité peu glorieuse et longtemps occultée en Autriche, où les autorités ont imposé après la guerre un système de taxation inique aux survivants de l’Holocauste réfugiés à l’étranger, en les obligeant à abandonner une partie de leurs biens en échange de permis  » d’exportation « . En 1999, les Bloch-Bauer ont pu remettre la main sur des porcelaines et des dessins de Klimt. Mais le ministère de la Culture avait refusé de rendre les six toiles, considérées comme  » patrimoine national « , en affirmant qu’elles avaient été léguées avant la guerre au musée viennois par Adele Bloch-Bauer en personne. Les avocats autrichiens invoquaient le testament que la jeune femme a rédigé en 1923, deux ans avant de mourir, dans lequel elle émettait le v£u que son mari  » lègue, après sa mort, [s]es deux portraits et les paysages de Klimt à la Galerie autrichienne « .

 » Regardez cette lettre, elle est signée « Heil Hitler ! » : c’est comme ça qu’ils ont obtenu les Klimt ! s’insurge Randol Schoenberg, le défenseur de Maria, dans son grand bureau de Los Angeles. Ce document prouve que les toiles de Ferdinand Bloch-Bauer ont été volées chez lui par les nazis en 1941.  » Dans le fameux testament invoqué par les Autrichiens – et que les héritiers n’ont jamais pu consulter jusqu’à ces dernières années – Adele n’émettait qu’un v£u à propos des Klimt, car elle n’en était pas propriétaire : les £uvres avaient été payées par Ferdinand.  » Et même s’il avait pu les récupérer de son vivant, je doute fort qu’il ait accepté de les léguer à l’Autriche après la guerre « , affirme Randol.

 » Rendre aux héritiers ce qui leur appartenait : c’est tout ce que nous pouvons faire aujourd’hui, plus de soixante ans après, pour honorer la mémoire de ces gens.  » Un premier jugement d’une cour californienne lui a donné raison sur le fond, mais l’Autriche a fait appel, arguant que les juges américains n’avaient pas compétence à juger un Etat souverain. La Cour suprême des Etats-Unis s’est finalement saisie du dossier et, contre toute attente, a tranché en 2004 en faveur de Maria, lui accordant le droit exceptionnel, en tant que citoyenne américaine, d’attaquer en justice un Etat étranger.

Les arguties autour de l’héritage de Ferdinand ne se limitent pas aux seules peintures de Klimt. En mars 2005, Maria a gagné un autre procès contre un établissement bancaire helvétique, accusé d’avoir bradé aux nazis les actions de sa compagnie sucrière, qu’il avait réussi à transférer à Zurich. Avec les héritiers d’une autre famille, la vieille dame a obtenu une indemnité de 21 millions de dollars : c’est la plus grosse somme jamais allouée par le tribunal de Brooklyn chargé depuis 1998 d’attribuer les réparations accordées par les banques suisses aux victimes de l’Holocauste.

 » Il n’est pas facile de plaider contre Maria  »

Vienne. Au n° 18 de la Elisabethstrasse, l’ancienne demeure des Bloch-Bauer borde une grande place arborée où trône une statue de Schiller. L’immeuble de quatre étages est aujourd’hui à l’abandon. Il appartient depuis la guerre aux chemins de fer autrichiens, qui y avaient installé leurs bureaux, désormais déserts. Après la mort d’Adele, en 1925, Ferdinand, inconsolable, a transformé la chambre de sa femme en mémorial en y accrochant ses deux portraits et les trois paysages de Klimt. Les toiles ont dormi là pendant treize ans, derrière les volets fermés, au milieu des bouquets de fleurs changés tous les jours. Jusqu’à l’arrivée des Allemands, en 1938.

C’est aujourd’hui au musée du Belvédère qu’il faut les chercher, dans le château construit par le prince Eugène de Savoie, où sont conservés les trésors de l’art autrichien, du Moyen Age à nos jours. Le fameux  » portrait doré  » d’Adele trône dans une salle où sont présentés des objets de l’époque nazie. Le second portrait est accroché un peu plus loin, à côté du Baiser, la plus célèbre toile de Klimt. Une étiquette précise que les £uvres font l’objet d’une contestation de la part des héritiers Bloch-Bauer.

 » Je reconnais qu’il n’est pas facile de plaider contre une femme comme Maria Altmann, avoue, un peu mal à l’aise, Gottfried Toman, directeur de l’Office juridique autrichien et défenseur du gouvernement. C’est une victime de l’Holocauste qui a beaucoup souffert, mais sa vie personnelle n’a rien à voir avec cette affaire. Les six toiles de Klimt ont été léguées par Adele en 1923, bien avant l’arrivée du pouvoir hitlérien. L’avocat des Bloch-Bauer qui s’est occupé des restitutions après la Libération a signé un papier dans lequel il reconnaissait la donation des six toiles. Il n’y a donc pas de contestation possible : ces peintures appartiennent à l’Autriche.  »

Mais l’histoire tragique de la famille et des tableaux apparaît autrement plus complexe et moins angélique. En mars 1938, Maria vient juste de se marier avec Fritz Altmann, le jeune frère d’un industriel du textile, Bernard Altmann. En cadeau de noces, l’oncle Ferdinand lui a offert une voiture, et surtout un magnifique collier de diamants assorti de boucles d’oreilles qui appartenaient à Adele. Le couple part en lune de miel pour Paris et Saint-Moritz. La terrible nouvelle les surprend à leur retour.  » Je m’en souviens comme si c’était hier, raconte Maria : comme tous les samedis, un orchestre de musique de chambre était venu jouer chez mes parents. A la fin du concert, quelqu’un a allumé la radio. Le chancelier Schuschnigg annonçait que les troupes allemandes avaient franchi la frontière et qu’il avait pris la décision de n’opposer aucune résistance. Deux jours plus tard, deux officiers de la Gestapo sont venus chez moi. Ils ont saisi la voiture et m’ont demandé mes bijoux.  » Envoyé à Berlin, le collier d’Adele a fini dans les mains de Hermann Goering, qui l’a offert à sa femme en cadeau d’anniversaire.

Fritz, le mari de Maria, est emprisonné à Dachau : les nazis l’ont pris en otage pour forcer son frère Bernard, réfugié en France, à donner les comptes bancaires et les actions de son entreprise de textile. Bernard cède. Maria, dont le père vient de mourir, est emmenée à Berlin par un officier de la Gestapo pour signer l’accord. Quelques jours plus tard, Fritz est relâché et assigné à résidence avec sa femme.  » C’est là que nous avons commencé à préparer notre fuite.  » Prétextant un rendez-vous chez le dentiste, les jeunes mariés filent à l’aéroport et prennent l’avion jusqu’à Cologne, franchissent à pied la frontière hollandaise et finissent par atterrir en Angleterre, où ils séjournent quelques mois avant d’embarquer pour l’Amérique.

Vendu aux chemins de fer allemands

Il n’y a plus personne au palais viennois des Bloch-Bauer quand les nazis en prennent possession. Ferdinand, pressentant le pire, est parti quelques jours avant l’Anschluss se mettre au vert. Tous ses biens sont saisis, ainsi que ceux de la famille. Sa raffinerie est aryanisée et confiée à deux hommes d’affaires autrichiens. Le Schloss, son château près de Prague, est réquisitionné par le gouverneur de Bohême-Moravie : Reinhard Heydrich, le coarchitecte, avec Himmler, de la Solution finale, qui en fera sa résidence – jusqu’à son assassinat par des partisans tchèques, en 1942. Quant à l’immeuble de la famille à Vienne, il est vendu en 1941 aux chemins de fer allemands, qui en font leur siège social en Autriche.

En janvier 1939, des représentants des musées viennois et des officiers de la Gestapo, accompagnés d’un avocat nazi chargé de la liquidation, un certain Erich Führer, se réunissent au 18 Elisabeth-strasse pour dresser l’inventaire des £uvres d’art. A commencer par les Klimt. Le musée du Belvédère se réserve les deux portraits d’Adele et un paysage, qui seront transférés en octobre 1941 avec la fameuse lettre d’Erich Führer signée  » Heil Hitler ! « . Un autre paysage est acheté par le Musée historique de la ville de Vienne. Hitler lui-même récupérera deux toiles de Waldmüller, une tapisserie d’Aubusson et une sculpture de Rodin pour son musée personnel. Hermann Goering recevra quatre peintures. Ferdinand ne récupérera qu’un seul tableau de son immense collection : son portrait, par Oskar Kokoschka, considéré par les nazis comme  » art dégénéré « . Le vieil homme s’éteint le 13 novembre 1945 à Zurich, seul et démuni, après avoir rédigé un testament dans lequel il lègue ses possessions évanouies à ses neveux et nièces.

Après la guerre, Maria Altmann, ses trois frères et sa s£ur ont chargé un avocat ami de la famille, Gustav Rinesch, d’entreprendre des démarches pour retrouver les biens spoliés de leur oncle. Une gageure, dans le contexte chaotique de l’époque. Récupérées par les Alliés, des dizaines de milliers d’£uvres d’art volées aux juifs d’Europe sont rassemblées à Munich avant d’être renvoyées dans leurs pays d’origine – à charge pour chaque gouvernement de les restituer à leurs propriétaires. Les Autrichiens montrent peu d’empressement, c’est le moins qu’on puisse dire, à s’acquitter de cette tâche. La loi de restitution passée en mai 1945 donne aux victimes un délai d’un mois seulement pour réclamer leurs biens. Ce qui est insuffisant pour la plupart des rescapés de l’Holocauste installés à l’étranger après avoir fui le régime hitlérien ou en rentrant des camps – on comptait 180 000 juifs à Vienne avant l’Anschluss, il n’en reste plus que 5 000 en 1945. Les £uvres d’art sont exposées à la va-vite et retirées de la circulation lorsqu’elles ne sont pas identifiées.

Ceux qui par miracle parviennent à localiser leurs possessions ne sont pas au bout de leurs peines.  » L’anti-sémitisme virulent qui régnait en Autriche pendant la guerre a continué à s’exprimer après la Libération, notamment à travers le processus de restitution, explique l’historien américain spécialiste de l’Holocauste, Jonathan Petropoulos, professeur à l’université Claremont (Californie). Les autorités ont ainsi imposé un système de taxation qui consistait en quelque sorte à garder en otages les £uvres d’art. Une loi datant de 1919 restreignant l’exportation des biens culturels a été réactivée. Elle obligeait les juifs expatriés à faire des donations aux musées nationaux ou à racheter leur patrimoine pour pouvoir le ramener chez eux.  » Un système d’autant plus pervers qu’il était souvent appliqué par d’anciens fonctionnaires du régime nazi maintenus à leur poste. C’est le cas de Josef Zykan, chef de service du Bundesdenkmalamt, l’agence du patrimoine, qui, après avoir supervisé la saisie des biens des Bloch-Bauer en 1940, se retrouvera après la guerre chargé de leur restitution.

8 000 objets en souffrance

Al’issue de longs mois de recherches et de négociations, Rinesch, l’avocat des Bloch-Bauer, parvient à retrouver la trace de 68 tableaux de Ferdinand. Mais il ne parviendra à en  » sauver  » que 23 pour les héritiers, les autres devant être offerts à l’Autriche pour obtenir les permis d’exportation. En 1948, il signe une lettre dans laquelle il accepte que les six toiles de Klimt restent au Belvédère, après qu’on lui eut juré que jamais ces peintures ne seraient autorisées à sortir du pays. Il faudra encore une dizaine d’années de négociations pour que l’Autriche accepte de dédommager les héritiers pour la saisie de la raffinerie de leur oncle, en leur demandant de renoncer, en échange, à revendiquer leurs droits de propriété sur l’immeuble du 18 Elisabethstrasse.

Des milliers d’£uvres d’art dont les propriétaires n’ont jamais été identifiés ont été soigneusement oubliées par les autorités après la guerre. En 1972, un journaliste américain, Andrew Decker, a  » redécouvert  » l’existence de 8 000 objets en souffrance dans le monastère de Mauerbach, près de Vienne. La plupart ont finalement été vendus aux enchères par Christie’s, en 1996, au profit de la communauté juive autrichienne. L’historienne Sophie Lillie, auteur d’un monumental ouvrage sur le devenir des £uvres spoliées en Autriche, était chargée d’établir le catalogue.  » Je me suis aperçue que de nombreux tableaux portaient des indications des institutions nazies par lesquelles ils étaient passés, souvent avec la lettre J pour juif, se souvient-elle. Leur provenance était très souvent facilement identifiable, mais jamais personne ne s’était donné la peine de s’en préoccuper.  »

Ces turpitudes vont finir par déclencher un énorme scandale aux Etats-Unis. En 1997, la police saisit deux toiles d’Egon Schiele exposées au Musée d’art moderne de New York : prêtées par une institution viennoise, elles proviennent de la collection d’un marchand d’art juif autrichien spolié pendant la guerre. Les médias américains étrillent l’Autriche, dont l’image à l’étranger est déjà bien écornée par la montée de l’extrême droite de Jörg Haider. La ministre autrichienne de la Culture, Elisabeth Gehrer, ordonne l’ouverture des archives gouvernementales pour prouver que son pays n’a rien à cacher. Erreur funeste. Un journaliste du Standard, Hubertus Czernin, découvre que les musées viennois recèlent de nombreux tableaux d’origine douteuse et révèle que les six Klimt exposés au Belvédère n’ont pas été légués par Adele, mais bel et bien volés aux Bloch-Bauer par les nazis.

Affolée, la ministre referme les archives et ordonne la création d’une commission constituée d’historiens, de hauts fonctionnaires et d’archivistes, chargée de vérifier l’origine des collections acquises pendant la guerre. Cette commission confirme une bonne partie des accusations de Czernin. En septembre 1998, une nouvelle loi autorise la restitution des £uvres conservées après la guerre en échange de permis d’exportation. Les ayants droit de familles juives émigrées sont conviés à Vienne et se voient remettre en grande pompe le reliquat des biens de leurs parents. Les Bloch-Bauer récupèrent 19 pièces de la collection de porcelaines de Ferdinand et 16 dessins de Klimt – mais pas les six peintures, que l’Autriche refuse de lâcher.

 » Je ne vais pas garder ces toiles chez moi !  »

Pour la première fois depuis la guerre, Maria revient à Vienne, invitée par la communauté juive de la ville. Elle rend visite aux deux portraits de sa tante au Belvédère et rencontre la ministre de la Culture, qui lui laisse entendre en privé qu’un accord à l’amiable est possible.  » Elle était prête à rendre les paysages, se souvient la vieille lady. Quelque temps plus tard, elle a juré qu’elle n’avait jamais tenu ces propos. Je n’ai pas trouvé ça élégant.  »

Sitôt rentrée à Los Angeles, Maria décide de régler la question devant les tribunaux. Elle vend les porcelaines qu’elle vient de récupérer pour payer son avocat et tente d’entamer une procédure en Autriche. Mais, pour instruire l’affaire, les juges viennois exigent le dépôt d’une somme astronomique, proportionnelle à la valeur des £uvres contestées : plus de 400 000 dollars.  » Tous les biens de Maria n’y auraient pas suffi, explique Randol Schoenberg. Nous avons essayé de négocier, mais ils n’ont rien voulu entendre. Il ne nous restait plus qu’une solution : porter l’affaire aux Etats-Unis.  »

Maria Altmann a finalement remporté la bataille. Le 17 janvier 2006, le tribunal arbitral a donc décidé que cinq des six toiles de Klimt devaient lui être rendues, dont les deux portraits d’Adele et les trois paysages. Le cas du sixième tableau, un portrait d’Amelia Zuckerkandl, doit faire l’objet d’une procédure de justice séparée. Elisabeth Gehrer s’est engagée à respecter cette décision.

Devant les journalistes qui ont assiégé sa maison de Cheviot Hills à l’annonce de la nouvelle, la vieille dame, comblée, a déclaré qu’elle souhaitait  » un arrangement avec l’Autriche pour que les deux portraits d’Adele puissent rester à Vienne « . Elle a précisé qu’elle veillerait à ce que les trois paysages soient acquis par des musées et restent accessibles au public.  » Je ne vais pas garder ces toiles chez moi, s’exclame-t-elle : je n’ai pas envie de vivre dans un coffre-fort !  » Maria a quatre enfants déjà sexagénaires et cinq petits-enfants.  » L’un d’eux m’a donné mon premier arrière-petit-fils. Il n’a que 5 mois et rigole tout le temps : il croit que la vie est facile.  » Il ne connaît pas encore sa chance d’avoir pour aïeules Adele et Maria, ces deux grand-mères en or. l

Gilbert Charles

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