Elections françaises, J-10: pourquoi la survie des Républicains est en jeu
Sa mauvaise campagne écarte Valérie Pécresse des prétendants à la victoire à la présidentielle. Dans sa bataille contre Eric Zemmour, c’est l’avenir même du parti Les Républicains qui est en jeu.
Le contexte
A une dizaine de jours du premier tour de l’élection présidentielle en France, la non-campagne, contrainte ou voulue, du président sortant affecte les intentions de vote. A 28% selon l’étude Ifop-Fiducial pour LCI du 28 mars, Emmanuel Macron revient à son étiage d’avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Marine Le Pen conforte sa position de challenger à 21%. Et Jean-Luc Mélenchon pointe à 14%, entretenant l’espoir de ses partisans de voir un candidat de gauche accéder au deuxième tour.
Eric Ciotti, François-Xavier Bellamy, Laurent Wauquiez, Nadine Morano… En faisant applaudir par les dizaines de milliers de ses partisans réunis le dimanche 27 mars sur l’esplanade du Trocadéro, à Paris, les noms de ces personnalités du parti Les Républicains, le candidat Reconquête! à l’élection présidentielle, Eric Zemmour, a poursuivi sa tentative de phagocytage de la droite traditionnelle.
Crédités chacun de 11% des intentions de vote loin derrière Marine Le Pen et Emmanuel Macron, l’ancien polémiste des plateaux de télévision et la candidate des Républicains Valérie Pécresse trouvent un intérêt à poursuivre leur campagne dans la bataille féroce pour la… quatrième place. Interruptions de parole, démolition des programmes et invectives: le débat qui les avait « réunis » le 10 mars sur LCI avait situé le niveau des rancoeurs qui les étreint.
Accumulation de déboires
Pour la représentante de la droite républicaine, pilier avec le Parti socialiste de la démocratie française depuis des décennies, l’objectif est désormais la survie de sa formation politique. Clairement, Valérie Pécresse ne réussit pas la campagne présidentielle que le succès de la primaire, qui l’avait vue adoubée par un parti réuni derrière elle, pouvait laisser augurer. Passé le frémissement dans l’opinion publique suscité par l’exposition médiatique de la fin de l’année 2021, les tuiles se sont accumulées pour la présidente de la région Ile-de-France.
Un grand meeting, le 13 février dernier au Zénith, à Paris, raté sur la forme et marqué par une déroutante extrême droitisation sur le fond ; une difficulté permanente à imposer son programme entre le libéralisme d’Emmanuel Macron et l’autoritarisme de ses rivaux de droite radicale sur les sujets régaliens, des couacs de campagne, comme la sollicitation pour des postes ministériels de personnalités qui n’en ont pas été informées ; des défections de cadres du parti vers la camp macronien ; le refus persistant de l’ancien président Nicolas Sarkozy de lui apporter son soutien, et, pour couronner le tout, un test positif au Covid qui l’a isolée du 24 au 28 mars: pour Valérie Pécresse, la campagne coche toutes les caractéristiques d’un chemin de croix.
Il n’est pas certain que la radicalité d’Eric Zemmour soit compatible avec les valeurs de responsables républicains, même à la droite de la droite.
Les circonstances et un potentiel mauvais casting obligent à ravaler les ambitions du côté des Républicains. A 11% des intentions de vote, le résultat annoncé de leur prétendante n’est plus si éloigné de celui qui avait consacré le fiasco de la droite aux élections européennes de 2019, où la liste Union de la droite et du centre, pilotée par le philosophe François-Xavier Bellamy, avait plafonné à 8,48%. Si, le soir du 10 avril, Valérie Pécresse devait être devancée par Eric Zemmour, ce troisième échec de la droite républicaine dans lacourse à l’Elysée, après ceux de 2012 et de 2017, obligerait à une introspection douloureuse.
Surtout, le dirigeant de Reconquête! ne manquerait pas d’enfoncer le clou pour tenter de parachever une opération de débauchage. Et les Républicains seraient ainsi exposés à une double hémorragie, vers l’extrême droite et vers Horizons, le nouveau parti de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qu’a déjà rejoint un de ses prédécesseurs ex-LR à Matignon, Jean-Pierre Raffarin. C’est bien de survie qu’il faut donc parler pour le parti de Valérie Pécresse en cas de fiasco à la présidentielle.
Un mercato avant les législatives?
Pour l’heure, les transferts des Républicains vers Reconquête! sont contenus. L’ancien vice-président LR Guillaume Peltier en est la seule figure marquante. Et il n’est pas certain que la radicalité d’Eric Zemmour, encore vérifiée le 27 mars quand il s’est gardé de calmer ceux de ses partisans qui scandaient « Macron assassin », soit compatible avec les valeurs de responsables républicains, même franchement adossés à la droite de la droite. Mais les prétentions des uns et des autres pour les élections législatives des 12 et 19 juin pourraient ouvrir un nouveau mercato.
On se rappellera en effet que le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, arrivé second lors du deuxième tour de la primaire républicaine, avait affirmé qu’un cas de duel entre Eric Zemmour et Emmanuel Macron lors du second round de la présidentielle, il voterait pour le premier. Laurent Wauquiez est celui qui, lorsqu’il était à la tête des Républicains de décembre 2017 à juin 2019, a droitisé le parti au point de provoquer le départ de Xavier Bertrand, puis de Valérie Pécresse. François-Xavier Bellamy, philosophe aux idées conservatrices marquées, avait été propulsé tête de liste aux élections européennes de 2019 par Wauquiez, avec le succès que l’on sait. Et la députée européenne Nadine Morano n’a pas été avare ces dernières années de propos discriminants contre certaines catégories de la population. Ces personnalités brandies comme de futurs trophées par Eric Zemmour le 27 mars résisteront-elles à l’attrait de la nouveauté et à la promesse de sièges de députés ou de sénateurs?
C’est à l’issue de la foire d’empoigne des législatives, entre Horizons, Les Républicains, le Rassemblement national et Reconquête! que l’on pourra faire l’état des lieux de l’inévitable recomposition des droites en France.
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