Dossier spécial héritage : les résidences secondaires, un cadeau empoisonné en cas de succession
Une résidence secondaire à l’étranger permet souvent de combiner investissement et plaisir. Mais en cas d’héritage, elle peut se transformer en cadeau empoisonné à cause, entre autres, des droits de succession. La facture varie cependant selon le pays dans lequel le bien est situé.
La distance, les paysages, la langue, les prix de l’immobilier, les attaches familiales… De nombreux critères peuvent entrer en ligne de compte lors du choix d’une seconde résidence. Il en est un, par contre, que l’on oublie souvent: l’impact fiscal du pays choisi en cas de succession.
Il est préférable de régler d’abord la succession dans le pays où se trouve la seconde résidence, afin d’éviter un double décaissement.
Lors d’un héritage, une résidence secondaire située en Belgique sera taxée comme tout autre bien immobilier. Le taux varie en fonction des liens de parenté (ou non) du ou des héritier(s), de l’importance du patrimoine mais aussi de la localisation du bien. En Flandre, les taux des droits de succession entre partenaires ou héritiers en ligne directe fluctuent, par exemple, entre 3% et 27% (au-delà de 250 000 euros), alors qu’en Wallonie et à Bruxelles ces mêmes droits varient de 3% à 30%, mais le dernier taux s’applique seulement au-delà de 500 000 euros.
Pour les maisons de plaisance à l’étranger, le calcul des droits est plus complexe bien que certains principes restent identiques à ceux appliqués en Belgique. Si un défunt ou un résident belge est propriétaire, par exemple, d’une maison de vacances en France, au Portugal ou dans un autre pays de l’Union européenne, la loi civile belge sera applicable à l’ensemble de sa succession. Cela signifie que la même dévolution (légale ou testamentaire) vaudra pour les héritiers. Le Règlement européen en matière de droit successoral offre, cependant, la possibilité de choisir la loi civile du pays de sa nationalité plutôt que celle de sa dernière résidence (si les deux diffèrent) à condition que ce souhait ait été précisé au préalable, par exemple lors de la rédaction d’un testament.
En matière fiscale, par contre, les défunts et leurs héritiers n’ont pas le choix: « Peu importe la localisation du bien, les droits de succession sont dus dans le pays où se situe l’immeuble, précise Alain Lacourt, consultant en ingénierie patrimoniale. Ainsi, si le défunt possède une seconde résidence en Italie, par exemple, il faut y déclarer les droits de succession et ceux-ci devront être réglés selon la loi italienne par les héritiers. Mais attention: si le propriétaire de l’immeuble était résident belge au moment du décès, il existe aussi une obligation de déclarer l’entièreté de son patrimoine en Belgique, y compris l’immeuble italien! » En d’autres mots, le principe de double imposition est théoriquement applicable puisque le pays du défunt et celui de la seconde résidence ont la possibilité de réclamer des droits de succession sur cette dernière.
> Lire à ce sujet: Héritage et donation: quatre façons de réduire les droits de sucession
Éviter la double imposition
Heureusement, dans la pratique, il existe des mécanismes pour éviter de payer des doubles droits de succession. La Belgique a notamment établi des conventions avec la France et la Suède pour prévenir cette double imposition, et le Code des droits de succession belge prévoit une disposition assez similaire pour les immeubles situés hors de ses frontières, peu importe le pays. Son principe veut que les droits payés en Belgique pour un immeuble soient réduits de ceux déjà payés à l’étranger, dans le pays où se situe le bien. Par conséquent, l’héritier payera seulement l’éventuelle différence de taxes, et non une vraie double imposition. Pour bénéficier de cet avantage, une démarche active est nécessaire afin de prouver à l’administration belge que des droits de succession ont effectivement été payés à l’étranger. Par ailleurs, si la loi étrangère prévoit que l’héritier n’est pas tenu de s’acquitter de droits de succession dans le pays de la seconde résidence, des droits pleins seront toujours à régler en Belgique.
Fiscalement, peu importe la localisation du bien, les droits de succession sont dus dans le pays où se situe l’immeuble.
Un autre point d’attention: l’ordre de paiement des droits de succession. « En Belgique, il faut normalement introduire une déclaration de succession dans les quatre mois suivant le décès, rappelle Alain Lacourt. Mais il se peut qu’à l’étranger, le délai légal pour les non-résidents soit nettement plus long. » Les héritiers peuvent alors être tentés de payer en premier les droits en Belgique, or attention: il est préférable de régler d’abord la succession dans le pays où se trouve la seconde résidence, afin d’éviter un double décaissement. « Les articles de loi belges précisent que pour pouvoir imputer les droits qui ont été payés dans l’autre pays, il faut apporter la preuve du paiement, souligne le consultant. Sans cela, les droits seront dus en Belgique sur la totalité et ensuite, les héritiers ont un délai de deux ans pour demander la restitution de la quote-part payée à l’étranger. En attendant, les héritiers auront décaissé deux fois les droits. Il faut être très attentif à cette particularité. »
Il peut hélas arriver qu’à cause de la longueur des démarches administratives, il soit impossible de régler d’abord la succession à l’étranger. Alain Lacourt conseille de prendre quelques précautions dans la déclaration de succession en Belgique: « Il faut que la personne qui la rédige prévoie dans le document la possibilité de requérir l’imputation ultérieure des droits, le jour où l’héritier aura la preuve du paiement à l’étranger. » Ainsi, même s’il a décaissé deux fois les droits de succession, l’héritier s’assure de pouvoir récupérer plus tard la quote-part payée à l’étranger.
Des pays plus avantageux que d’autres
Les droits de succession au sein de l’Union européenne n’ont pas été harmonisés. Chaque pays continue d’appliquer son régime, qui peut être plus ou moins avantageux pour les héritiers des secondes résidences.
Le Portugal, par exemple, offre des conditions plutôt intéressantes puisque le taux applicable s’élève à 10% de la valeur du bien mais certains proches, comme les conjoints, descendants ou ascendants, sont exemptés de cette taxe dans le cadre d’une transmission gratuite comme un héritage. En Italie, le taux se monte à 4% pour les descendants et conjoints mais chacun d’eux peut bénéficier d’un seuil non imposable d’un million d’euros.
Dans d’autres pays européens comme l’ Espagne, la situation est beaucoup plus complexe. En plus du fisc central, il existe des législations particulières dans chacune des communautés autonomes espagnoles. Celles-ci appliquent chacune leurs taux, leurs réductions et leurs abattements, c’est pourquoi il est difficile d’estimer si le régime espagnol est intéressant en matière de droits de succession. Par ailleurs, il est souvent compliqué d’anticiper quelles pourraient être les taxes à payer car leur montant varie selon de multiples facteurs comme la valeur de l’héritage, le lien de parenté ou non, mais aussi l’âge de l’héritier et son niveau de fortune avant la succession. Les taux oscillent, à plusieurs endroits, entre 7,65% et 34% mais il existe, par exemple, des exonérations à hauteur de 99% entre époux en Catalogne et en Andalousie.
En France, un abattement de 100 000 euros est prévu tous les quinze ans pour les héritiers en ligne directe et les taux d’imposition fluctuent entre 5% et 45% selon le montant – les 45% s’appliquant au-delà d’un seuil de 1 805 677 euros. Il faut noter aussi que la France prévoit une exonération de droits en cas de succession entre époux ou partenaires d’un Pacs, mais cela n’évitera évidemment pas à l’héritier de payer des droits pleins en Belgique…
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