Elections françaises: comment Valérie Pécresse ravive les fractures de la droite
En adoptant des marqueurs de l’extrême droite lors de son discours du meeting de Paris, Valérie Pécresse ravive les fractures de la droite républicaine.
Après un premier meeting formellement raté le dimanche 13 février, la candidate du parti Les Républicains à l’élection présidentielle française, Valérie Pécresse, a dû s’expliquer sur le fond pour prévenir d’éventuelles autres défections vers le camp d’Emmanuel Macron, après celle d’ Eric Woerth, l’ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy. En cause, l’extrême droitisation de son discours et, en particulier, son recours à la notion de « grand remplacement », endossée par Eric Zemmour mais pas par Marine Le Pen. Le grand remplacement, c’est l’idée qu’à une population française blanche de souche se substituerait progressivement une population d’origine étrangère. Dans le contexte politique hexagonal, c’est surtout une théorie, développée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus, qui fantasme que cette évolution démographique repose sur un complot visant à changer la sociologie de la France au bénéfice de son islamisation.
Valérie Pécresse avait claqué la porte des Républicains en juin 2019 en raison de la ligne trop droitière de Laurent Wauquiez.
« Il n’y a pas de fatalité ni au grand déclassement ni au grand remplacement« , a donc scandé, au Zénith de Paris, la candidate de la droite républicaine en quête d’une nouvelle impulsion pour sa campagne hésitante. Le lendemain, au micro de RTL, elle a expliqué que son intention, déjà formulée auparavant, était d’éviter cette perspective et, au contraire de son adversaire du mouvement Reconquête, de ne pas s’y résigner. « Elle réfute cette théorie », a appuyé sa porte-parole Agnès Evren. Réfuter, c’est, selon le Larousse, « démontrer la fausseté d’une affirmation par des preuves contraires ». Or, Valérie Pécresse semble accréditer l’idée d’une menace existentielle contre l’identité française. Dans son discours du Zénith, elle a dit aussi revendiquer l’assimilation des personnes immigrées et vouloir « faire des Français de coeur et pas seulement des Français de papier ». Français de papier, un autre marqueur de l’extrême droite.
Bref, bien qu’elle s’en défende, Valérie Pécresse est suspectée de s’aligner sur les thèses de la droite radicale pour séduire en particulier les électeurs d’Eric Zemmour (selon les études, entre 15 et 20% des électeurs de François Fillon de 2017 voteraient pour l’ancien journaliste, moins de 5% pour Marine Le Pen). Cette inclination pose un problème d’efficacité sur le mode « si vous reprenez le vocabulaire de votre adversaire, c’est un signe de faiblesse ». Et un problème de crédibilité: Valérie Pécresse avait claqué la porte des Républicains en juin 2019 en raison de la ligne trop droitière imposée par Laurent Wauquiez, le président de cette formation. Parti un temps pour les mêmes raisons, un autre dissident-revenant des Républicains, Xavier Bertrand, fut un de ceux, avec l’ancien président Jean-François Copé, qui a critiqué, le 14 février, lors d’une réunion de son équipe de campagne, l’utilisation par Valérie Pécresse de la formule du grand remplacement. Ces dissensions traduisent en réalité la difficulté de la candidate à faire la synthèse des tendances des LR, entre un Eric Ciotti, arrivé deuxième à la « primaire » et proche de Zemmour, et les tenants de la droite modérée, dont certains s’apprêtent, eux aussi, à rejoindre Macron. Valérie Pécresse n’avait pas besoin de cette tuile supplémentaire.
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