États-Unis: Joe Biden plante ses jalons
Malgré l’obstruction de Donald Trump pendant la transition, le président élu peaufine ses priorités: la lutte contre le coronavirus et l’économie. Avec une équipe aux accents progressistes?
Alors que ses partisans se sont réunis, le samedi 14 novembre, dans les rues de Washington pour exprimer leur soutien à ce qu’il convient désormais d’appeler un combat perdu, Donald Trump, par ses agissements, met en péril une passation de pouvoir apaisée entre les deux administrations, alors que plus de 4.000 postes fédéraux doivent être pourvus dans les semaines qui viennent pour permettre à l’équipe du président élu Joe Biden de commencer à travailler dans une certaine sérénité. Au grand dam du camp démocrate et alors que la commission électorale fédérale a estimé que le scrutin présidentiel fut « le plus sûr de l’histoire », Donald Trump refusait toujours, deux semaines après le scrutin, de partager des informations avec l’équipe de son successeur sur deux pans essentiels de la tâche gouvernementale: la sécurité intérieure et la lutte contre le coronavirus.
Certains analystes américains évoquent la possibilité d’une crise constitutionnelle.
A cette attitude du président sortant, s’ajoute un fait plus étonnant, qui suscite l’inquiétude: le comportement irresponsable des cadres du Parti républicain, qui, sans doute mus par la peur du chef, délaissent les principes démocratiques pour appuyer, dans des déclarations hasardeuses, la posture de leur président. Des personnalités aussi influentes que Mitch McConnell, le président du Sénat, Lindsey Graham et Rand Paul, les sénateurs de poids de la Caroline du Sud et du Kentucky, ou encore le secrétaire d’Etat Mike Pompeo ont continué à nier la réalité de la victoire du candidat démocrate, le dernier allant même jusqu’à évoquer une transition vers un… second mandat de Donald Trump.
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Pourtant, la victoire de Joe Biden ne souffre désormais plus aucune discussion. Remportée avec plus de 5,5 millions de voix d’avance par rapport à son rival sur le vote populaire, l’élection a aussi vu le candidat démocrate glaner 306 des 538 grands électeurs mis en jeu, soit autant que ceux que Donald Trump avait réussi à récolter en 2016. De surcroît, Joe Biden a réussi à « retourner » en sa faveur cinq Etats que son rival avait gagnés en 2016, dont l’Arizona et la Géorgie, cette dernière tombant dans l’escarcelle démocrate pour la première fois depuis 1992.
Avec quelle équipe?
Dans cette atmosphère délétère, Joe Biden tente de mettre en place les pièces de son futur cabinet ministériel alors que la pression est grande pour que celui-ci incorpore des éléments issus de l’aile progressiste du Parti démocrate. Une première pierre, et pas des moindres, a été posée le 11 novembre par le futur président avec la désignation, à la tête de son cabinet, de Ron Klain, 59 ans, ancien chef de cabinet d’Al Gore lorsque celui-ci était vice-président sous Bill Clinton. Bien introduit dans les cercles démocrates à Washington depuis plus de trente ans, Ron Klain faisait déjà partie de l’entourage professionnel de Joe Biden lorsque celui-ci était sénateur du Delaware dans les années 1980. Il fut plus tard son chef de cabinet lorsque celui-ci fut lui-même vice-président de Barack Obama de 2009 à 2017.
Avec cette nomination, Joe Biden confirme la première priorité de son mandat: la lutte contre le coronavirus, et, dans sa foulée, le rétablissement de la machine économique nationale. Si le 46e président des Etats-Unis a déjà dessiné les grandes lignes de ses premiers mois de mandat (réintégration de l’accord sur le climat de Paris, régularisation des dreamers, les jeunes sans-papiers arrivés enfants aux Etats-Unis), le combat contre la pandémie de Covid-19 constitue l’urgence absolue des semaines de transition. « Il se peut que davantage de personnes meurent » si la passation de pouvoir n’est pas fluide, a averti Joe Biden.
Ron Klain, déjà en charge de la task force contre le virus Ebola pendant le second mandat de Barack Obama, est un expert en matière de lutte contre les épidémies. Actif au sein de l’équipe de campagne de Biden, il avait mis en ligne, en mars dernier sur Twitter, une vidéo sous forme de tutoriel anti-Trump tendant à décrédibiliser l’approche présidentielle contre le coronavirus.
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Elle avait été visionnée plus de quatre millions de fois. Diplômé de la faculté de droit de Harvard, le chef de cabinet de Joe Biden est aussi un expert des questions économiques. Il a promis qu’une de ses priorités consisterait à trouver des solutions d’urgence pour les millions d’Américains fragilisés financièrement par la pandémie. Joe Biden a promis de créer trois millions d’emplois « bien payés » dans les secteurs des technologies, des voitures électriques et de l’énergie verte lors d’un premier briefing économique le 16 novembre.
Deux mois de lame duck
Dans ce contexte, et alors que Joe Biden a promis de dévoiler la quasi-intégralité de son cabinet d’ici à la fête de Thanksgiving le 26 novembre, la capacité du pouvoir exécutif et législatif des deux camps à travailler ensemble paraît faible pendant les deux mois de la lame duck session, cette période au cours de laquelle un président sortant finalise ses dernières politiques, idéalement en concertation avec le nouvel exécutif.
Il appartiendra à Donald Trump, après l’entérinement définitif de sa défaite par le collège électoral des grands électeurs le 14 décembre, de décider ou non d’enjoindre ses troupes de collaborer plus franchement avec les équipes de son ancien rival. Au vu de l’attitude adoptée depuis le 3 novembre par le président sortant, les doutes sont grands sur la réalité d’une transition constructive. Certains analystes américains se montrent très inquiets à ce sujet, évoquant comme Chuck Todd, le présentateur vedette de NBC, la possibilité d’une crise constitutionnelle si Donald Trump s’obstinait à ne pas concéder sa défaite après que le recomptage en cours dans l’Etat de Géorgie sera bouclé. Celui-ci donnera en toute probabilité la victoire à Joe Biden, alors que ce dernier n’en a… même pas besoin pour être officiellement sacré.
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