Black Friday, derrière la frénésie de l’e-commerce
Plus encore qu’avant la crise Covid, le Black Friday marque le début d’une razzia commerciale au profit des acteurs de la vente en ligne. A l’image des vives critiques envers Amazon, l’e-commerce est-il pour autant ce monstre 2.0, fossoyeur de l’économie, des conditions de travail décentes et de l’environnement? Enquête.
La frénésie est enclenchée. Un Black Friday de plus d’une semaine, appuyé d’un Cyber Monday, avant le triptyque Saint-Nicolas – Noël – soldes de janvier. Au centre du jeu en ces temps de volets fermés par la pandémie, la vente en ligne, plus que jamais. Pour sauver les uns d’un impensable fiasco commercial et asseoir la suprématie des autres, à savoir les géants de l’e-commerce.
Avec le coronavirus, la fracture économique s’est doublée, plus encore qu’avant, d’un débat sociétal: faut-il limiter l’appétit de ces ogres numériques? Et si oui, comment? En France, la Confédération des commerçants, une vingtaine d’ONG, comme Greenpeace, et des élus, comme la maire de Paris, ont appelé à boycotter Amazon, qu’ils accusent de profiter du confinement au détriment des petits indépendants. De son côté, la Commission européenne soupçonne le groupe d’abuser de son double rôle de vendeur et de marché pour d’autres commerçants, lui permettant de capter des parts de marché à ces derniers, grâce à l’utilisation de leurs données.
Cette fronde anti-Amazon aura-t-elle un écho en Belgique, où les achats en ligne ne cessent de croître? Des initiatives se multiplient en guise de parade, comme le site Les e-shops belges. En moyenne, selon l’association BeCommerce, les Belges ont dépensé 20% en plus depuis le début du coronavirus. Les colosses de l’e-commerce se taillent la part du lion. Le boom du commerce en ligne est tel en Belgique, à l’approche des fêtes, que bpost est débordé et devait déplorer, la semaine dernière, plus de 15 000 colis en attente. Les concurrents comme DPD, Mondial Relay ou UPS sont, eux aussi, sous pression, tout comme les travailleurs du secteur. Aline Bingen, sociologue du travail à l’ULB, évoque un néotaylorisme. L’e-commerce est également de plus en plus pointé du doigt sur le plan environnemental, entre les livraisons express et la quantité de déchets en partie non recyclables qui en résultent.
Serait-il pour autant ce grand méchant loup souvent dépeint, fossoyeur de l’économie, des conditions de travail décentes et de l’écologie? Faut-il reprocher à Jeff Bezos son modèle et sa réussite? A 56 ans, le patron visionnaire et libertarien d’Amazon – dont le nom a été choisi en référence au fleuve le plus long du monde – suscite à la fois l’admiration et l’opprobre. Il a tout de même pris pas mal de risques et perdu de l’argent pendant des années, le titre de sa société faisant du yo-yo en Bourse, avant qu’elle soit rentable et qu’il devienne multimilliardaire. De même, Zalando, le géant allemand du prêt-à-porter, a mis sept ans avant d’atteindre le seuil de rentabilité.
Sur le plan commercial, Amazon reste un tremplin parmi d’autres pour les marchands professionnels tiers, même si les rétributions qu’il en tire suscitent la controverse. Au niveau environnemental, il ne pourra continuer à tolérer des errements tels que la destruction massive des produits invendus ou retournés. Dans la vente en ligne, ce qui est mauvais pour l’environnement l’est aussi pour le business, et inversement. Que ce soit pour l’une ou l’autre raison, les acteurs majeurs de l’e-commerce en Belgique l’ont bien compris. En témoignent les commentaires de Zalando, Veepee ou Coolblue recueillis par Le Vif/L’Express. D’autant que la marge de progression, sur le terrain de l’écologie, reste au moins aussi importante que celle de la croissance économique.
Mais il n’y aurait pas de frénésie de consommation sans les consommateurs. Qui, d’un clic de souris, et plus que jamais, détiennent, eux aussi, les clés pour poser leurs propres choix sociétaux.
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