Elections françaises: les planètes s’alignent pour Macron, désormais candidat (analyse)
Sur fond de guerre en Ukraine, la campagne pour l’élection présidentielle des 10 et 24 avril est inédite. Le tropisme prorusse de trois des principaux adversaires du président sortant aura un impact sur l’issue du scrutin.
Le contexte
Les candidats à l’élection présidentielle française des 10 et 24 avril avaient jusqu’au 4 mars pour déposer les cinq cents parrainages requis pour leur participation au scrutin et, de facto, pour se déclarer. Contexte international oblige, Emmanuel Macron a attendu les dernières heures avant ce délai pour officialiser son ambition.
Trois élections (2012, 2017, 2022), trois campagnes et trois impondérables qui changent tout. Si l’affaire DSK il y a dix ans et le Penelopegate il y a un lustre avaient disqualifié leurs protagonistes, Dominique Strauss-Kahn et François Fillon, l’événement imprévu qui bouleverse l’édition 2022, d’une tout autre nature, pourrait au contraire consacrer un de ses acteurs. Difficile, en effet, de ne pas reconnaître qu’à une trentaine de jours du premier tour, la guerre russe en Ukraine « profite » à Emmanuel Macron.
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Le sondage quotidien Ifop-Fiducial pour la chaîne télé LCI du 28 février, le premier intégrant les opinions après le déclenchement du conflit, révèle une percée du candidat Macron, en hausse de deux points, à 28%, soit son score le plus important depuis le lancement de cette étude d’opinion, le 10 janvier dernier. Tous ses principaux rivaux sont en revanche en recul: – 0,5 point pour Marine Le Pen (Rassemblement national) à 16%, – 1,5 au détriment d’Eric Zemmour (Reconquête) à 14%, – 1 pour Valérie Pécresse (Les Républicains) à 13% et – 0,5 point aux dépens de Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) à 10,5%. Le premier adversaire du président sortant qui ne subit pas de reflux est Yannick Jadot, crédité en sixième position de 5%…
Médiation relancée
Non seulement le contexte international conforte le président sortant, mais de surcroît il complique la campagne de trois de ses rivaux: Marine Le Pen, Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon. La reconnaissance de l’indépendance des républiques séparatistes ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk, le 21 février, par Vladimir Poutine signait l’échec de la médiation du président français qui, quelques heures plus tôt, avait cru pouvoir brandir l’annonce d’un sommet américano-russe comme trophée. L’offensive militaire russe déclenchée le 24 février sur le territoire ukrainien l’a relancée, et le retour de la guerre en Europe avec son risque d’escalade favorise plus l’union nationale que les dissensions intestines. Difficile de critiquer le chef des armées quand il est en première ligne pour défendre la nation.
Le président Macron est intouchable. Le candidat Macron est blindé contre les attaques futures. Vladimir Poutine a révélé aux yeux de beaucoup son vrai visage de dictateur sans pitié et sans égard pour le droit international. Or, il ne faut pas remonter à des années pour retrouver des propos louangeurs ou complaisants de Marine Le Pen, d’Eric Zemmour et de Jean-Luc Mélenchon à l’endroit du président russe. Les deux premiers par proximité idéologique avec la gouvernance autoritaire et la défense de la civilisation chrétienne qu’il incarne, le troisième par antiaméricanisme.
Aveuglement coupable
Pour les candidats d’extrême droite et d’extrême gauche, le problème n’est pas tant la minimisation de la menace russe dans la confrontation avec Kiev. D’autres n’y ont pas cru non plus. Il réside dans l’aveuglement sur la nature du régime russe qui les a conduits, l’une à contracter un emprunt auprès d’une banque, l’autre à parler à propos de la Russie d’une « démocratie autoritaire », le dernier à rejeter la plus grande responsabilité de la confrontation en Ukraine sur l’Otan. Le retour de la guerre en Europe, voulu par le maître du Kremlin, rend difficilement soutenables, aux yeux de Français majoritairement solidaires avec la population ukrainienne, les propositions des trois candidats sur la relation de l’Hexagone à l’Alliance atlantique. Marine Le Pen et Eric Zemmour veulent voir la France quitter, au minimum, son commandement intégré, qui couperait Paris du centre de décisions opérationnelles. Jean-Luc Mélenchon veut la voir sortir carrément de l’organisation.
Au moment où l’Otan retrouve une raison d’exister par la réémergence d’un ennemi en Europe, le positionnement des candidats d’extrême droite et d’extrême gauche apparaît déphasé. On imagine l’exploitation que pourrait en faire un Emmanuel Macron lors d’un débat d’entre-deux-tours de l’élection…
Il reste que si l’alignement des planètes, y compris l’interférence de Vladimir Poutine dans la campagne, lui est favorable, Emmanuel Macron devra, à un moment donné, descendre de son piédestal pour rejoindre l’arène de la présidentielle. Et la confrontation avec une certaine réalité française risque de s’avérer périlleuse. De quoi hypothéquer sa réélection? La campagne électorale peut encore réserver son lot de surprises.
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