Instabilité des bourses : l’investisseur en cause
Nos cerveaux ne sont pas bien équipés pour répondre efficacement à la volatilité des marchés ; il se pourrait même qu’ils la causent. En effet, la théorie classique, voulant que les cours reflètent la valeur fondamentale des titres, peine à expliquer les évolutions extrêmes des bourses mondiales. Les marchés boursiers réagissent de façon démesurée aux perturbations économiques. Est-ce de notre faute ?
Entre euphorie et sinistrose
Les bourses ont tendance à amplifier les phénomènes économiques. En période favorable, les investisseurs se montrent davantage confiants. Ils ignorent les risques qu’ils prennent, tablant sur une croissance éternelle : c’est l’euphorie. Un phénomène qu’on a clairement pu observer avec les valeurs technologiques à la fin des années 90 ou l’immobilier américain au début de ce siècle.
Régulièrement, l’aversion au risque pousse les investisseurs à réagir avec excès à toute menace. Le principal indice américain, le S&P 500, a ainsi connu une correction (recul d’au moins 10%) tous les 18 mois en moyenne au cours des 50 dernières années. Alors que l’économie, par contre, connaît des cycles beaucoup plus longs de l’ordre de 8 à 10 ans entre chaque crise/récession.
Lorsque la conjoncture se détériore de manière effective, les marchés basculent dans la sinistrose. Entre octobre 2007 et mars 2009, par exemple, les principaux indices boursiers ont ainsi perdu plus de la moitié de leur valeur en raison de la Grande Récession. En comparaison, le PIB (Produit Intérieur Brut) des économies occidentales ne s’est contracté que de 3,4% en 20091 alors que les pays émergents ont gardé la même croissance2.
La chute est traditionnellement assez rapide en raison de l’aversion au risque et de la propension des investisseurs à agréger leurs pertes – et dissocier leurs gains. En étalant leurs bénéfices, leur cerveau en retire le maximum de plaisir, tandis qu’en regroupant leurs pertes, elles leur apparaissent moins douloureuses. Lorsque les Bourses baissent, cela crée toutefois un afflux déstabilisant d’ordres de vente, augmentant l’ampleur de la chute. À noter que ce comportement des investisseurs découle de la théorie de comptabilité mentale3 mise en évidence par l’économiste Richard Thaler. Cette segmentation mentale implique également que l’on dépense différemment de l’argent « bonus » (loterie, cadeau…) et des revenus normaux (salaire…)4. Ou que l’on investit différemment deux portefeuilles de placement catégorisés mentalement de spéculatif et de sûr.
Les marchés disjonctent
L’ampleur du plongeon dépasse souvent toute considération économique en raison de l’effet moutonnier. Plus les cours s’enfoncent, plus les investisseurs vendent. Robert Shiller, un économiste très influent sur les marchés, avait ainsi réalisé une vaste enquête auprès des investisseurs après le plongeon du 19 octobre 1987 qui avait vu Wall Street perdre plus de 20% en une seule séance.
L’étude a notamment mis en évidence qu’aucune information n’a généré le courant de ventes. Il apparaît plutôt que la principale explication réside dans le repli des trois séances précédentes intervenues dans un climat tendu sur les marchés en raison de la hausse des taux.
Le Lundi noir, la baisse s’est accélérée, créant un véritable mouvement de panique. A la suite de ce krach, les bourses ont adopté des coupe-circuits permettant de suspendre les cotations en cas d’évolution trop importante.
1Fonds monétaire international (FMI) ; data mapper
2Voir article » 2008, une crise émotionnelle » de ce dossier sur » La psychologie de l’investisseur » réalisé en partenariat avec Beobank
3Processus par lequel les personnes classent et évaluent les résultats économiques en leur attribuant une valeur de transaction (mentale)
4Richard H. Thaler ; Mental accounting and consumer choice ; 1985
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