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Un risque de « catastrophe générationnelle » en matière d’éducation plane en Afghanistan

Le Vif

L’Unesco a alerté vendredi sur les risques d’une « catastrophe générationnelle » en matière d’éducation en Afghanistan qui pourrait affecter le développement du pays « pour des années », jugeant que les « immenses » progrès accomplis depuis 2001 sont « en danger » après le retour des talibans.

« Ce qui est en jeu, en Afghanistan, c’est la nécessité absolue de préserver les avancées accomplies en matière d’éducation, en particulier pour les filles et les femmes », a prévenu dans un communiqué Audrey Azoulay, directrice générale de cette agence de l’ONU basée à Paris, en charge de l’éducation, la science et la culture.

Dans un rapport publié vendredi, l’Unesco souligne que depuis 2001 ce pays a fait de « grands progrès en matière d’éducation ».

Mais, avertit l’organisation, ces « gains immenses pour le développement du pays sont en danger » après la reprise du pouvoir en août par les talibans, qui avaient déjà imposé dans ce pays un régime fondamentaliste et brutal entre 1996 et 2001.

Alors qu’ils interdisaient autrefois aux femmes d’étudier, les talibans ont récemment annoncé les accepter désormais dans les universités privées – rien n’a encore été annoncé côté public – mais sous de strictes conditions.

Cette semaine de rentrée en Afghanistan a été tout sauf normale: sommées par les talibans d’imposer la non mixité des classes et le niqab aux étudiantes, des universités privées de Kaboul étaient ainsi largement désertées et sans nouvelles de nombreux élèves.

Face à la « longue crise humanitaire qui se profile », l’Unesco exhorte la communauté internationale à agir d’urgence sur ces enjeux pour l’éducation en Afghanistan.

Depuis 2001, le « nombre total d’écoliers et d’étudiants inscrits est passé d’environ 1 million à 10 millions », souligne le rapport.

« Le nombre d’enseignants a augmenté de 58%, et le taux d’alphabétisation des femmes a pratiquement doublé, passant de 17 à 30% », relève le rapport, qualifiant de « particulièrement remarquables » le bond en avant de la scolarisation des filles: « alors qu’aucune fille ou presque n’allait à l’école primaire en 2001 (…) en 2021, 4 élèves sur 10 à l’école primaire étaient des filles ».

Dans « l’enseignement supérieur, le nombre de femmes est passé d’environ 5.000 en 2001 à 90.000 environ en 2018 », souligne aussi le rapport.

« Des défis colossaux »

Mais les défis « restent colossaux » souligne l’Unesco qui rappelle que la « moitié des enfants en âge d’être scolarisés à l’école primaire ne sont pas inscrits ».

Par ailleurs, « le nombre de personnes déplacées devrait augmenter, et avec lui, le risque que les enfants ne puissent pas recevoir les apprentissages nécessaires: une catastrophe générationnelle qui affectera le développement du pays pour des années est à craindre », martèle l’organisation onusienne.

Elle met ainsi en garde sur les « conséquences importantes et immédiates » que pourrait avoir sur la continuité de l’éducation dans ce pays très pauvre la conjugaison « du manque de femmes enseignantes, des très bas salaires des professeurs et du retrait de l’aide internationale ».

« Si l’enseignement mixte est interdit, de même que l’enseignement des filles par des hommes, la part des femmes dans l’enseignement supérieur, et plus largement des filles dans l’éducation, reculera très largement, avec de profondes conséquences sur leur existence, sur leur vie professionnelle et citoyenne », avertit l’Unesco.

L’organisation exhorte donc la communauté internationale à des « actions immédiates et urgentes » pour sauvegarder les avancées enregistrées depuis 2001, en particulier: ramener tous les élèves et les étudiants à l’école, garantir un environnement d’apprentissage sûr, soutenir les enseignants « notamment en versant leur salaire régulièrement » et « surmonter les obstacles qui empêchent la participation des femmes à l’éducation ».

Le mouvement islamiste des talibans a annoncé cette semaine son gouvernement de transition. Malgré les promesses d’ouverture, il ne comporte aucune femme et est composé de cadres ultra-conservateurs de la génération qui avait imposé le régime fondamentaliste entre 1996 et l’automne 2001, date à laquelle une intervention internationale menée par Washington les avaient chassés du pouvoir et plongés dans 20 ans de rébellion.

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