Tsai avertit Pékin: Taïwan est déjà « un pays indépendant »
La Chine doit accepter le fait que Taïwan est déjà un pays indépendant, a déclaré la présidente taïwanaise tout juste réélue Tsai Ing-wen, assurant à Pékin que toute tentative d’invasion de l’île lui coûterait très cher.
Tsai Ing-wen, qui a fait campagne sur l’idée d’une nécessaire résistance contre les menaces et l’autoritarisme chinois, a remporté samedi la présidentielle avec 57,1% des suffrages malgré la campagne d’intimidation économique et diplomatique du pouvoir communiste pour isoler l’île.
Elle a recueilli 8,2 millions de voix, soit davantage que lors de son élection en 2016, ce qui constitue un camouflet pour Pékin.
La Chine n’a jamais caché sa volonté d’une alternance sur l’île en raison des positions du Parti démocratique progressiste (PDP) au pouvoir qui a toujours penché pour l’indépendance en refusant le principe, défendu par Pékin, de l’unité de Taïwan et de la Chine au sein d’un même pays.
La Chine considère Taïwan comme une de ses provinces et a juré d’en reprendre un jour le contrôle, par la force si nécessaire, en particulier si l’île déclarait son indépendance.
– « Nous méritons le respect » –
En dépit des positions du PDP, Mme Tsai n’est jamais allée jusqu’à la proclamer.
Dans sa première interview depuis sa réélection, la présidente de 63 ans a estimé qu’une telle proclamation n’était pas nécessaire.
« Nous n’avons pas besoin de déclarer que nous sommes un Etat indépendant », a-t-elle dit à la BBC. « Nous sommes déjà un pays indépendant et nous nous appelons la République de Chine, Taïwan. »
Voilà 70 ans que Taïwan et Pékin vivent un destin séparé, depuis que les communistes ont proclamé la République populaire de Chine, alors que les nationalistes de Tchang Kaï-chek s’étaient repliés sur l’île.
Après des décennies de dictature, Taïwan a connu dans les années 1980 une transition politique et passe aujourd’hui pour une des démocraties les plus progressistes de la région.
Les relations entre les deux rives du détroit se sont crispées depuis l’arrivée de Mme Tsai au pouvoir.
La Chine a arraché, ces quatre dernières années, sept pays alliés à l’île qui n’est plus reconnue que par 15 Etats dans le monde, pour la plupart des nations pauvres d’Amérique latine et du Pacifique.
Les sondages montrent que de plus en plus de Taïwanais s’opposent à l’idée que leur île devrait être réunifiée avec la Chine continentale.
« Nous avons une identité particulière et nous sommes un pays en tant que tel », a poursuivi Mme Tsai. « Nous sommes une démocratie qui a réussi, nous avons une économie assez solide, nous méritons le respect de la Chine. »
– « Maudits pour l’éternité » –
Mais la Chine a très mal accueilli sa réélection, certains médias officiels l’accusant de « tricherie », sans donner de précision à cette attaque.
« Aller à rebours de l’histoire conduit vers l’impasse », a déclaré cette semaine le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi. « Ceux qui divisent le pays sont voués à être maudits pour l’éternité. »
Mercredi, le Bureau des affaires taïwanaises, un organisme du gouvernement chinois, a dit que Pékin n’envisageait pas de changer de politique à l’égard de Taïwan après la présidentielle.
« L’avenir de Taïwan réside dans l’unification du pays », a déclaré son porte-parole Ma Xiaoguang en ajoutant que cet avenir devait être décidé par « l’ensemble du peuple chinois ».
La présidente réélue a cependant espéré une forme de compréhension de Pékin au vu de « de la volonté exprimée par les Taïwanais lors de cette élection. »
« J’espère que la partie chinoise pourra réexaminer certaines de ses politiques », a-t-elle dit aux journalistes.
Dans son entretien à la BBC, donné alors que son armée réalisait des manoeuvres annuelles dans le Sud, Mme Tsai a mis en garde contre toute initiative militaire de Pékin: « Envahir Taïwan serait très coûteux pour la Chine. »
Certains de ses détracteurs reprochent à la présidente d’avoir adopté une approche trop conflictuelle à l’égard de la Chine. Ce qu’elle balaie en rappelant qu’une frange de son partie la trouve trop timorée.
« Il y a tellement de pression pour que j’aille plus loin », a-t-elle dit.
« Maintenir le statu-quo est notre politique. je crois que c’est une approche très amicale envers Pékin », a-t-elle dit en réaffirmant qu’elle était prête au dialogue, s’il n’était assorti de la part de la Chine d’aucune condition préalable.
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