TRUTH Social, le réseau social de Trump qui rappelle l’existence de « deux Amériques »
L’annonce de la création d’un réseau social estampillé Donald Trump est un signe supplémentaire que l’ex-président républicain se prépare à une nouvelle candidature. Elle risque aussi d’accentuer les divisions de la société américaine.
La notion infondée que les démocrates ont volé la présidence au républicain en 2020 devrait prendre une place de choix sur la nouvelle plateforme annoncée mercredi par le milliardaire, « TRUTH Social ». Celle-ci devrait attirer nombre de conservateurs convaincus par les thèses sur une fraude électorale massive qui ont mené à l’assaut contre le Capitole du 6 janvier.
C’est sur ce socle de sympathisants, désormais majoritaires au sein de parti républicain, que l’ancien président compte pour se lancer dans une éventuelle nouvelle campagne en 2024 en vue d’un retour à la Maison Blanche. A ce jour, Donald Trump n’a fait qu’esquisser ses intentions, sans jamais les confirmer.
Donald Trump avait été banni des principaux réseaux sociaux après le 6 janvier. Sa nouvelle plateforme « TRUTH Social » sera lancée début 2022 dans un paysage de l’information lui aussi fracturé, qu’il s’agisse de réseaux sociaux ou de médias traditionnels.
Là où les Américains pouvaient autrefois se mettre d’accord sur un ensemble partagé de faits et de valeurs, désormais deux camps irréconciliables s’observent en chiens de faïence, chacun armé de sa propre version de la réalité, amplifiée par son média préféré.
Le journaliste d’investigation Carl Bernstein, dont l’enquête avec Bob Woodward sur l’affaire du Watergate avait amené à la démission du président Richard Nixon, a appelé les médias et les politiciens à s’atteler davantage à la lutte contre la désinformation, qui morcelle le pays.
« La division qui nous sépare et nous polarise dans ce pays est vicieuse. Elle est profonde », affirme-t-il. « Elle est emplie de haine et de colère. Et la majorité de cette haine et de cette colère reposent sur de grands mensonges », a ajouté le journaliste de 77 ans.
« Owning the libs
Que l’on suive la chaîne progressiste d’information MSNBC ou la plus conservatrice Fox News, Donald Trump apparaît soit comme le dernier rempart contre une vague culturelle menée par la gauche et la prise du pouvoir par les communistes, soit comme la plus grande menace contre la démocratie américaine depuis la guerre de Sécession au 19e siècle.
Les partisans de chacune de ces deux bulles concurrentes rencontrent rarement des informations allant à l’encontre de leurs positions, et ce, au-delà de l’élection présidentielle de 2020.
La couverture par les médias des manifestations à travers les Etats-Unis après le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd par un policier a suivi la même dichotomie, avec à gauche des images de manifestations dignes pour la justice raciale, tandis qu’à droite, les images correspondaient plus à des émeutes violentes.
La division reste un héritage marquant de l’ère Trump. Plus de 81 millions de personnes ont voté pour Joe Biden en 2020, un record, mais les 74 millions qui ont voté pour Trump représentent également le deuxième plus haut total pour un candidat.
A droite, certaines personnalités comme le fils de l’ancien président, Donald Trump Jr, ont adopté une stratégie nommée « owning the libs », que l’on pourrait traduire par « faire enrager les gauchos ». Il s’agit de provoquer l’indignation par l’outrance au sein de la gauche en insistant sur les sujets les plus clivants.
Amériques parallèles
Et dans les cercles les plus militants de gauche, chaque point de désaccord sur la question des minorités ethniques ou sexuelles est attribué à l’intolérance innée des conservateurs.
Fox News conserve une audience loyale, mais beaucoup de partisans de Donald Trump ont zappé depuis l’élection vers d’autres chaînes, plus à droite et plus conspirationnistes, comme Newsmax ou One America News.
Les émissions en prime time de Newsmax attirent ainsi jusqu’à plus d’un million de téléspectateurs.
La polarisation des médias représente un symptôme de fissures plus larges entre les Etats côtiers américains, et les Etats plus conservateurs de l’intérieur du pays qui considèrent les premiers comme une élite hors-sol.
L’application du réseau social Parler, accueillant les conservateurs bannis de Twitter et Facebook, a connu un rebond des téléchargements après l’élection de 2020, pour atteindre depuis presque neuf millions d’utilisateurs.
Leurs messages se nourrissent des « guerres culturelles » des Etats-Unis d’aujourd’hui: déboulonnage de statues historiques, sportifs professionnels posant un genou à terre durant l’hymne national pour dénoncer les discriminations contre les Américains noirs, enseignement de l’histoire des inégalités raciales dans les écoles.
« Quand je zappe entre les chaînes le soir, je vois deux Amériques qui existent en parallèle en ce moment », avait écrit après l’élection Brian Stelter, analyste médias pour CNN.
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