Kiev © BELGAIMAGE

Sur le front à l’est de Kiev, l’armée russe contrée par les Ukrainiens

Le Vif

Sur leur barrage, les soldats ukrainiens ont le moral : leur artillerie empêche jusqu’ici les chars russes d’entrer à Kiev par l’est. Et ils espèrent que l’ennemi, qui peine à conquérir les villes, finira par s’enliser

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Tenue camouflage et kalachnikov en main, le soldat « Topaz » observe vendredi l’autoroute du nord, à la sortie de la banlieue est de Kiev. Avec ses camarades, il tient le dernier barrage avant la ligne de front, où les déflagrations d’armes lourdes résonnent régulièrement dans la plaine battue d’un vent glacial. « Aujourd’hui, le moral des troupes est au plus haut », souligne le quadragénaire musculeux en tenue camouflage, l’oreillette branchée sur la radio. « Avant-hier, on a repoussé les chars russes » à quelques centaines de mètres plus haut, sourit-il entre deux échanges de tirs entre les deux camps.

La vidéo du fait d’armes, capturée par un drone de l’armée ukrainienne et diffusée sur les réseaux sociaux, montre une colonne d’une vingtaine de véhicules russes, dont plusieurs tanks, en mouvement sur l’autoroute vers le sud. L’attaque a eu lieu au niveau du village de Skybyn, à quelques kilomètres de l’entrée de Brovary, le principal faubourg à l’est de Kiev. Une soudaine pluie d’obus et de roquettes s’abat sur le convoi russe. Elle fait d’abord sauter le tank de tête, puis un autre véhicule à l’arrière. « On leur a tiré dessus avec des tanks et des lance-roquettes », confirme « Topaz ».

Le convoi russe fait subitement demi-tour, et s’extirpe du village comme il le peut. « Ils sont partis se cacher dans les villages d’à côté », note « Topaz ».

– Difficultés dans les villes –

Selon plusieurs soldats ukrainiens, au moins « deux véhicules russes, dont un tank, ont été détruits », ce que suggère également la vidéo, et « un commandant de char russe a été tué ». Côté ukrainien, « on a eu cinq blessés, dont un dans un état critique » lorsque les chars russes ont répliqué à l’embuscade, note le soldat Illia Berezenko, 27 ans, posté sur un autre barrage proche.

Depuis le début de l’invasion le 24 février, les troupes russes ont conquis plusieurs poches stratégiques, notamment le long de la côte sud, à l’est et au nord, et sont aux portes nord-ouest et est de Kiev. Mais elles semblent rencontrer des difficultés dès qu’ils s’agit de conquérir les grandes villes, comme à Tcherniguiv ou Kharkiv (nord), et dans les faubourgs de Kiev au nord-est (Boutcha, Irpin) et à l’est.

Si les bombardements russes sont nombreux et meurtriers, faisant craindre qu’ils ne dévastent des villes comme autrefois en Tchétchénie ou en Syrie, le front terrestre, autour de Kiev notamment, ne semble guère bouger ces jours-ci selon nombre d’observateurs militaires. A l’est de Kiev, les chars russes sont arrivés il y a quelques jours dans à quelques kilomètres de Brovary, donnant d’abord l’impression d’avoir descendu 150 km depuis le nord, où Moscou peut compter sur son allié du Bélarus comme base arrière pour ses troupes.

– « Ils finiront par s’user » –

Mais selon les soldats ukrainiens et plusieurs experts militaires, ils sont en fait venus, via des petites routes et zones peu denses, de l’est et de la région de Soumy, à 300 km de là, frontalière de la Russie. En début de semaine, les chars russes sont arrivés à quelques kilomètres de Brovary, s’installant dans des villages alentours. Des habitants y ont dénombré plus de 70 véhicules militaires, dont une quarantaine de tanks, pour environ 300 soldats.

C’est cette même colonne, ou une partie, a ensuite fait mouvement vers Brovary et Kiev, et a été stoppée jeudi à Skybyn, selon les militaires ukrainiens, qui s’interrogent: les Russes ont-ils sérieusement envisagé de pénétrer dans Kiev – plus de 3 millions d’habitants avant l’invasion, et barricadée – avec quelques dizaines de chars? « Je ne sais pas pourquoi ils font cela », estime le soldat Berezenko. « Il faut être fou, ou mal renseigné… Ou alors, ils veulent juste nous embrouiller ».

L’épisode de Skybyn renforce le sentiment des soldats ukrainiens que les Russes ont surestimé leurs forces, en hommes et matériel, et sous-estimé celles de leurs adversaires. « Ils sont obligés de camper dans des villages par des températures qui approchent les -10° la nuit. Ils manquent de ravitaillement, et doivent piller les maisons », ajoute le soldat ukrainien.

Les Russes ont toutefois assez avancé pour faire craindre un prochain encerclement de Kiev, où seule les routes vers le sud restent dégagées et qui se prépare à une « défense acharnée », selon la présidence ukrainienne.

Les Russes peuvent continuer à détruire et bombarder, mais ils n’ont « pas assez d’hommes ni de matériel pour occuper le pays », estime Illia Berezenko, qui parie que leurs soldats « pas assez nombreux et loin de chez eux, finiront par s’user ».

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